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La tentative d’assassinat de l’ancien président américain et candidat actuel à la présidence, Donald Trump, a constitué un moment de choc profond pour les Américains. Qui aurait pu imaginer qu’une des personnalités les plus protégées du pays puisse être prise pour cible en plein meeting électoral, malgré la présence abondante du Secret Service et de nombreux snipers postés sur les toits des immeubles avoisinants? Cependant, maintenant qu’il est établi que M. Trump s’en est sorti indemne, il convient d’analyser les répercussions potentielles de cet événement sur la course à la Maison Blanche. Cet acte de violence politique pourrait-il finalement offrir à Donald Trump une réélection sur un plateau d’argent?

Cet incident est sans aucun doute le plus marquant de la politique américaine depuis des décennies. C’est précisément ce genre d’évènement qui peut définir l’avenir politique du pays, notamment en influençant les résultats des élections présidentielles prévues pour novembre prochain. Cette campagne présidentielle, en particulier, est marquée par la stratégie de communication du candidat républicain et ancien président Donald Trump. Ce dernier a construit et structuré sa campagne sur l’idée que tout le monde cherche à le faire tomber. Que ce soient les procureurs fédéraux, les juges, les responsables électoraux, les adversaires politiques ou même les médias, il s’est forgé une image de victime perpétuelle. Désormais, il peut s’appuyer sur un fait concret: la tentative d’assassinat dont il a été la cible. Il peut également capitaliser sur une image puissante: la sienne, quelques secondes après avoir frôlé la mort, levant le poing en signe de défi, ses lèvres ne formant qu’un mot unique: "Combattez!"

De manière surprenante, la stratégie de communication de l’ancien président après la tentative d’assassinat dont il a été la cible ne s’est pas focalisée sur sa rengaine complotiste selon laquelle l’establishment chercherait à le faire tomber, bien que l’incident de samedi soir montre que certains préfèreraient le voir mort plutôt que réélu. Au lieu de cela, ses commentaires ont été empreints de dignité, émanant d’un homme d’État par excellence, tentant de calmer les passions de ses partisans de manière distinctement présidentielle. Grand contraste avec la figure complotiste, très controversée et antidiplomate qu’a déjà pu incarner M. Trump. Son équipe de campagne a semblé avoir pris en compte la couverture médiatique massive que la tentative d’assassinat a pu générer et a voulu projeter une image présidentielle, démocratique et raisonnable, des qualificatifs qu’on lui a très rarement attribués.

Si on regarde l’histoire, les événements de samedi accroîtront probablement le soutien à Donald Trump. Après la tentative d’assassinat de Ronald Reagan en 1981, sa cote de popularité avait augmenté de huit points, fédérant 92% des républicains et 51% des démocrates. De telles circonstances pourraient bien faire basculer les électeurs indécis qui se sont jusqu’à présent tenus à l’écart de sa campagne, dans le camp républicain. En effet, la résilience et la posture de défi affichées par Trump pourraient être perçues comme des signes de force et de détermination, qualités souvent valorisées en période de crise. Surtout face à un président actuel dont les capacités cognitives sont remises en question. Les événements semblent avoir aussi contraint les rebelles démocrates à faire marche arrière sans obtenir les assurances escomptées. Ceux-ci soutiendront probablement Biden par obligation en période de crise, plutôt que par véritable conviction. Cependant, la situation demeure avantageuse pour la campagne de M. Trump, qui bénéficie d’un adversaire idéal en la personne de M. Biden, dont les gaffes se multiplient de jour en jour. Il semble désormais peu probable qu’un candidat plus jeune le remplace avant novembre. Ainsi, maints sondages montrent que Trump pourrait bien reconquérir la présidence, tandis que les démocrates, déjà suspendus à une victoire incertaine, voient leur espoir s’amenuiser.

Aujourd’hui, la Convention nationale républicaine de lundi a été largement scrutinée et attendue, constituant la première apparition publique et prise de parole de Donald Trump depuis la tentative d’assassinat dont il a été la cible. Conscient de l’importance cruciale de cet événement, M. Trump a choisi de maintenir la convention coûte que coûte. Celle-ci représente sans doute sa meilleure opportunité pour convaincre un large éventail d’électeurs, dans un contexte où chacun de ses gestes est minutieusement observé. D’autant plus que les démocrates ont opté pour une approche de modération temporaire dans leur campagne d’hostilité contre Trump. L’ancien président peut se permettre de faire preuve de retenue partielle en raison de la supposée répartition des tâches entre lui et ses partisans, beaucoup plus virulents dans les médias et sur les réseaux sociaux.

L’argument principal des républicains consiste à dire que la campagne de Joe Biden, en partie responsable de l’incident selon eux, est de présenter Donald Trump comme un autocrate, un fasciste qu’il faut absolument stopper. Selon maints experts, le risque d’explosion de violence s’est amplifié. La tentative d’assassinat a rendu une situation déjà tendue encore plus volatile. Les violences politiques se sont sans doute considérablement accrues, constituant un véritable fléau.

Et c’est le cas notamment avec la radicalisation des convictions politiques antagonistes émanant des deux pôles politiques majeurs démocrates et républicains. Et surtout depuis l’entrée en politique de Donald Trump, selon maints observateurs, qui estiment qu’en galvanisant les foules d’arguments purement populistes, il est susceptible d’attiser les violences.

Et inversement, il pourrait être considéré que la diabolisation continue des républicains et de Donald Trump ait attisé une haine raciale et violente. Mais, malgré l’incident de samedi dernier et les hausses de cote de popularité attendus, il serait trop simpliste de considérer que l’échec de la présidence Biden et sa déchéance politique aussi bien que cognitive ne font pas d’une seconde présidence Trump un idéal. Bien au contraire. Ce dernier est connu pour des positions irresponsables, tantôt mettant en cause la légitimité et l’importance de ses alliés et tantôt appelant à ne pas respecter les fondements mêmes de la Constitution américaine. Ainsi nul ne peut nier la volonté de faire tomber Trump – même s’il l’évoque avec exagération –, et pour certains le faire tomber quoi qu’il en coûte!

À titre d’exemple, et selon un sondage publié le 24 juin par l’équipe de Robert Pape et évoqué dans le journal Le Monde, 10% des adultes interrogés estimaient "justifié" l’usage de la force pour "empêcher Donald Trump d’accéder à la présidence", soit environ 26 millions de personnes, dont un tiers sont en possession d’armes à feu. À l’inverse, 7% des adultes soutenaient l’usage de la force pour ramener Trump à la Maison Blanche, ce qui représente 18 millions de personnes, dont la moitié possèdent des armes à feu et 40% considèrent les insurgés du 6 janvier 2021 comme des "patriotes". Dans une tribune publiée dimanche dernier par le Boston Globe, M. Pape compare cette dynamique de violence aux conflits en Irlande du Nord et en Bosnie, mettant en garde sur le risque de voir une situation similaire se développer davantage aux États-Unis.

Ainsi, la tentative d’assassinat dont Donald Trump a été la cible a profondément marqué la politique américaine, laissant une empreinte qui se projettera sans doute sur les élections présidentielles. En tentant d’éliminer le 45e président des États-Unis, le tireur semblerait paradoxalement lui avoir offert son retour à la Maison Blanche sur un plateau d’argent…