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Après la fête suscitée par les Jeux olympiques, les tractations politiques reprennent pour tenter de nommer un nouveau Premier ministre, plus d’un mois après la démission de Gabriel Attal. Le président Emmanuel Macron reçoit les chefs de partis et les présidents des groupes parlementaires dès le vendredi 23 août pour essayer de trouver une issue à la crise politique que connaît le pays.

Depuis le 16 juillet, soit depuis plus d’un mois, la France est dans une impasse politique. Elle vit comme au ralenti, avec un gouvernement démissionnaire. Lors du second tour des élections législatives anticipées du 7 juillet, le bloc du Nouveau Front populaire (NFP), composé des principales formations de gauche, est arrivé en tête sans toutefois obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a remis sa démission au président Emmanuel Macron, qui ne l’a toutefois acceptée que le 16 juillet. Depuis, le gouvernement expédie les affaires courantes.

La réélection de la députée macroniste Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet et les élections des responsables des postes clés de l’institution ont permis de redessiner le paysage politique français, sans toutefois que soit nommé un nouveau locataire à Matignon – là où officie le Premier ministre.

De son côté, après des semaines de difficiles négociations autour d’un nom pour le poste de Premier ministre, le NFP s’est finalement entendu autour de celui de Lucie Castets, une haute fonctionnaire de 37 ans jusque-là inconnue du grand public. Mais M. Macron a semblé avoir balayé cette éventualité lors d’une interview télévisée le 23 juillet, à quelques jours de l’ouverture des JO. "La question n’est pas un nom. La question, c’est quelle majorité peut se dégager (…) pour qu’un gouvernement (…) puisse passer des réformes, un budget et faire avancer le pays", avait-il alors affirmé. Le lendemain, Lucie Castets avait indiqué au micro de France Inter: "Je suis prête, nous sommes prêts, je demande au président de la République de prendre ses responsabilités et de me nommer Premier ministre."

Trêve olympique puis consultations à l’Élysée

Les Jeux olympiques, qui se sont tenus du 26 juillet au 11 août, ont instauré une sorte de trêve, permettant de mettre de côté les problèmes politiques et offrant au président Macron une occasion de gagner un peu de temps. Mais les JO ne durent pas éternellement. Les grandes manœuvres politiques ont repris quasi instantanément, et il est temps d’accélérer la cadence. La rentrée approche à grands pas, tout comme la période cruciale de l’adoption du budget pour l’année (dès le mois d’octobre).

La semaine dernière, Gabriel Attal – également président du groupe parlementaire Ensemble pour la République – a adressé une lettre aux chefs de partis, à l’exception de ceux de La France insoumise (LFI, extrême gauche) et du Rassemblement national (RN, extrême droite) en vue de former une coalition pour faire avancer le pays et prendre des décisions sur plusieurs chantiers "prioritaires". Cette lettre a été relayée sur les réseaux sociaux par le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui est par ailleurs le président du parti présidentiel, Renaissance.

De son côté, M. Macron convie les présidents des groupes parlementaires et les chefs de partis français à l’Élysée dès le vendredi 23 août pour des consultations. "La nomination d’un Premier ministre interviendra dans le prolongement de ces consultations", a indiqué l’Élysée. Elles doivent débuter vendredi à 10h30 avec la réception des quatre formations qui composent le NFP, ainsi que leur candidate, Lucie Castets. Dans le contexte politique actuel français, ces consultations s’annoncent donc comme une étape charnière dans la perspective de la formation d’un gouvernement.

"Elles signifient que le président prend acte d’un blocage institutionnel du fait de l’absence de majorité à l’Assemblée nationale, qu’il entend prendre attache avec toutes les forces politiques qui constituent l’arc parlementaire", indique Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, contacté par Ici Beyrouth.

Selon lui, il s’agit pour le président de "recueillir leur analyse de la situation et leurs propositions, et essayer de constituer une base gouvernementale qui puisse disposer d’un étiage parlementaire à l’Assemblée nationale permettant de tangenter une majorité absolue, ce qui semble fortement improbable, ou une coalition susceptible d’installer un gouvernement qui puisse gouverner dans la durée".

"En consultant les différentes forces politiques, le président, en tant que chef de l’État, procède à une figure classique dans toute démocratie parlementaire qui se retrouve dans une situation de non-gouvernabilité, ce qui est totalement exceptionnel sous la Cinquième République française", ajoute M. Benedetti. "Mais il aurait peut-être pu le faire après l’élection de la présidence et des différents organes de direction de l’Assemblée. Cependant, il ne l’a vraisemblablement pas fait à cause des Jeux olympiques", explique-t-il à Ici Beyrouth.

Le président "n’a pas de solution immédiate"

"Le président de la République est obligé de prendre des initiatives pour essayer d’extirper la France d’une situation inédite depuis 1958. Il joue avec le temps parce qu’il n’a pas de solution immédiate. Et ensuite, le temps joue contre lui, parce qu’au fur et à mesure qu’on ne trouve pas de solution, c’est la responsabilité politique personnelle du président de la République qui sera, à un moment donné, pointée du doigt, non seulement par les oppositions, mais aussi par l’opinion publique, voire par un certain nombre de décideurs", insiste M. Benedetti.

En attendant ce jour, un nouvel épisode de tension est survenu de l’aile gauche de l’hémicycle. Via un texte publié samedi dans le journal La Tribune Dimanche, LFI a menacé d’engager une procédure de destitution contre le président Emmanuel Macron, accusé de "coup de force institutionnel contre la démocratie" par son refus de "prendre acte" du résultat des législatives.

Cette démarche n’a toutefois pas n’a été suivie ni par le Parti socialiste, ni par les Écologistes, pourtant alliés de LFI au sein du NFP.  Lucie Castets non plus ne semble pas de cet avis. "Mon sujet, ce n’est pas la destitution, c’est la cohabitation", a-t-elle déclaré lundi soir sur BFM TV. Pour rappel, le terme de cohabitation est employé en France lorsque le président de la République et le Premier ministre ne viennent pas du même parti.

De son côté, la vice-présidente du RN, Edwige Diaz, a estimé mardi sur Franceinfo qu’une "nouvelle dissolution" est la "seule issue politique possible" pour sortir la France de "l’état de paralysie" auquel a conduit le résultat des dernières législatives.

Tout cela laisse promettre d’intenses tractations politiques dans les jours et semaines à venir. Mais, dans tous les cas, le président de la République reste le seul à pouvoir nommer le (ou la) Premier(e) ministre comme le prévoit la Constitution.