Dans son dernier discours devant les Basij, Ali Khamenei a déclaré que la politique active de l’Iran au Liban, en Syrie et en Irak a entraîné l’échec du plan américain qui devait frapper les bases stratégiques de l’Iran. Il a ajouté que le commandant Qassem Soleimani a joué un rôle de premier plan dans la région et que Téhéran allait continuer à soutenir les forces de résistance au Liban et Palestine.

Ces propos du guide iranien confirment l’influence de Téhéran par le biais du Hezbollah sur la politique de la région en général, et du Liban en particulier, et la détermination à continuer à peser sur la position des pays arabes et occidentaux.

Cette volonté remonte au début de la révolution islamique en Iran quand Fakhr Ruhani, nouvel ambassadeur iranien à Beyrouth, considérait que la révolution était vouée à l’échec si elle ne s’exportait pas. Le Liban allait devenir cette plateforme de propagation, en défendant l’idée selon laquelle la situation du Liban, et des chiites particulièrement, pouvait être comparée à celle de l’Iran du Chah. Un congrès s’est tenu en Iran en 1981, et la délégation libanaise qui comprenait Naïm Kassem (actuel " numéro deux " du Hezbollah), accepta la Wilayat al-Faqîh de Khomeiny.

En 1982, le Hezbollah est créé en présence de Ali Akbar Mohtashami, ambassadeur d’Iran en Syrie. Le modèle structurel des Pasdarans a été repris (milice, soutien social, activités culturelles, puissance économique). Une force de 100 000 volontaires a été formée de manière directe ou indirecte par l’Iran, selon une déclaration de Mohtashami en août 2006 au Sharq.

En novembre 1980, Khomeiny émet une fatwa qui sanctifie l’attentat suicide en déclarant que Fahmideh, ce garçon de 13 ans qui s’est fait exploser sous un char irakien, était un héros national et une source d’inspiration pour d’autres volontaires pour le martyre. Deux ans après, Ahmad Qassir commet le premier attentat kamikaze à Tyr contre le siège du gouverneur militaire israélien dans la ville. Le Hezbollah, qui a adopté l’idéologie Khomeiniste, en fera son premier martyr et lui consacrera " la journée du martyr ", qu’il commémore chaque année le 11 novembre.

L’idéologie du Hezbollah sera confirmée en 1985 dans sa charte qui est basée sur trois piliers : 1. une vision bipolaire du monde ayant pour protagonistes " oppresseurs " et " opprimés " ; 2. une prédilection pour la forme islamique du régime, seule à même de garantir la justice par l’application de la chariaa, fondée sur la Wilayat al-Faqîh ; 3. un jihad en vue de la libération des " terres des musulmans ", ce qui signifie la lutte armée pour la disparition de l’État d’Israël et l’opposition à ses alliés, à commencer par les États-Unis. En 2009, pour paraître plus libanais, pour plaire à son allié Michel Aoun et être accepté par le CPL, le Hezbollah fait passer en arrière-plan le second point relatif à l’établissement d’un État islamique.

Le Hezbollah s’inscrit donc résolument dans la double perspective khomeyniste d’une lutte révolutionnaire et d’une lutte contre Israël. Il revendique la marginalité en refusant toute compromission avec le système libanais établi.

Depuis sa création, le Hezbollah fait partie intégrante de la République islamique d’Iran. Il est la principale composante de la Force Al Qods, l’unité d’élite du Corps des Gardiens de la révolution islamique, dont le commandement suprême est entre les mains d’Ali Khamenei, qui a pour mission de protéger et d’exporter la révolution islamique. Certains pensent même que Hassan Nasrallah aurait remplacé officieusement Qassem Suleimani et que le général Ismael Qaani, qui ne parle pas l’arabe, ne serait que le dirigeant de façade.

Ainsi, le Hezbollah a toujours défendu la révolution islamique et détaché le Liban de son environnement naturel arabe et occidental. Il a aussi réussi à exporter cette révolution en Syrie et plus particulièrement au Yémen. En Syrie, le Hezbollah a prétendu défendre, au début de la guerre, le mausolée de la petite-fille du prophète et a voulu préserver aussi ses voies terrestres avec l’Iran. Au Yémen, la situation est totalement différente.

Ce n’est qu’en 2004 que les chiites, qui étaient jusqu’alors zaydites, se sont convertis au chiisme duodécimain iranien et se sont soumis à la Wilayat Al Faqih. La motivation de l’intervention du Hezbollah dans la guerre qui opposait les houthis à l’Arabie Saoudite n’était qu’idéologique, et avait pour objectif d’exporter la révolution islamique jusqu’à l’intérieur des terres saoudiennes en vue de contrôler, à terme, la Mecque et les lieux saints musulmans.

N’en déplaise à ceux qui pensent que le Hezbollah est une composante libanaise, il n’y a que l’identité de ses membres qui est libanaise. Le Hezbollah est un organisme qui n’est enregistré ni au ministère de l’Intérieur, ni dans aucune autre institution étatique. En se référant aux propos de Hassan Nasrallah, qui clame fièrement être un soldat dans l’armée de la Wilayat Al Faqih, l’argent, les armes et la pensée de la milice sont iraniens. Quant aux ordres, les membres du Hezbollah ont toujours reconnu qu’ils provenaient du guide suprême : Ali Khamenei. Même la guerre de juillet 2006 s’est faite avec l’assistance de Qassem Soleimani. L’histoire nous dira si la prise en otage de soldats israéliens était une décision libanaise ou iranienne.

En utilisant les failles de notre démocratie, les mêmes qui existent partout ailleurs dans le monde et qui sont mises à profit par les extrémistes, le Hezbollah a réussi à exploiter le système, les élections et lois libanaises quand cela l’arrangeait et les bloquait quand il avait plus à y gagner. Comme les Gardiens de la révolution l’ont fait en Iran, il a créé un État dans l’État, avec sa propre économie, et a mis la main sur tout le pays, faisant du Liban, qui était la Suisse du Moyen-Orient, la Somalie de la région.

À ceux qui disent que l’" occupation iranienne " est un slogan élastique, il est possible de leur donner raison, parce que les liens du Hezbollah ne sont pas avec le président Raïssi, avec tous ceux qui l’ont précédé ou l’État iranien, mais avec le Guide suprême. Il est possible de dire que le Liban n’est pas sous occupation iranienne, mais sous celle de la Wilayat Al Faqih qui ne menace pas uniquement notre souveraineté, mais notre culture aussi.

Par convenance dialectique, il est plus simple de garder le terme d’occupation iranienne dans notre combat pour récupérer notre souveraineté, recouvrer nos droits et retrouver notre place dans le monde.

Pour que notre bataille soit plus efficace, pour réussir à convaincre le plus de monde à cette cause, pour intéresser les puissances occidentales et attirer à nouveau les pays arabes, il est devenu nécessaire de créer un " observatoire ", lequel aura pour mission de rappeler tous les faits et déclarations qui prouvent que le Liban est sous occupation iranienne, et de l’alimenter avec de nouvelles preuves à chaque fois que la Constitution et la souveraineté seront violées.