Monsieur le président de la République française, Emmanuel Macron,

Je vous adresse de très loin mes salutations les plus respectueuses.

Vous êtes à la tête d’une grande nation qui a porté haut l’étendard de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Cette nation qui a jeté les bases de la démocratie, des droits de l’homme et de la citoyenneté.

Des valeurs incarnées, à juste titre, par les cinq Républiques successives. La France est, à n’en point douter, le berceau de toutes ces valeurs. C’est ainsi que la France a imposé son respect au reste du monde. Cela est louable, n’est pas monnayable et ne peut être réduit à des intérêts éphémères.

Permettez-moi cependant de porter à votre attention quelques points concernant la politique étrangère de la France. Je ne compte en aucune façon évoquer les problèmes internes, économiques ou politiques que traverse notre pays. Fort de ma longue expérience et mu par un sentiment de paternité, je voudrais uniquement sortir de mon silence et vous apporter mon témoignage.

La France libre a fondé sa politique étrangère sur le renforcement des amitiés et la création de modèles à suivre qui ressemblent à notre riche expérience. Depuis la fin du 19ᵉ siècle, nous avons étendu notre influence à travers le monde, traversé des continents, vu grand, répandu notre langue. Nous avons bien assis notre influence alentour par le biais de notre culture, notre civilisation, nos lois… Nous avons mené deux Grandes guerres auxquelles j’ai personnellement participé. Nous avons libéré la France du nazisme et recouvré une France libre, grande, valeureuse.

Vous savez probablement tout cela et vous connaissez sans doute, peut-être superficiellement, ce petit pays sur la rive orientale de la mer Méditerranée appelé Liban. Nous avons participé à la naissance de ce bébé, et ne l’avons jamais regretté. Le Liban est bien plus qu’un pays, c’est un message. Plus encore, c’est notre miracle, notre cadeau au monde. C’est le joyau de la couronne d’un grand système de valeurs dont il fut le foyer jusqu’en 1975.  C’est un rayon de soleil dans un Orient sombre. C’est l’imprimerie, l’université, la liberté de presse. C’est le pays qui n’a jamais connu de coup d’États de la part de généraux décorés. C’est la patrie de l’homme que la France a tout fait pour préserver.

Certains Libanais n’ont pas nié notre maternité ; ils en sont même fiers. Aujourd’hui, j’observe de loin et je vois que la plupart des Libanais considèrent la France comme leur tendre mère/une seconde patrie. Nous avons bien mérité notre surnom car nous avons effectivement été la mère de cet enfant, nous l’avons défendu sans compter et sans reproche, afin qu’il reste vivant et libre.

Durant notre mandat, et après la création du Grand Liban, j’ai résidé à Moussaitbé, un des plus beaux quartiers de Beyrouth. Mais, vous ne le savez probablement pas, ce quartier fut également l’un des plus touchés par l’explosion du port de Beyrouth. Je vous ai vu fouler les rues de Gemmayzé martyre et j’ai vu les Libanais se rassembler autour de vous. Cette scène m’a profondément touché.

Monsieur Macron, ne les laissez pas tomber. Ils ont mis toute leur confiance en vous. La France ne les a pas habitués à être sacrifiés sur l’autel des politiques réalistes, de la sécurisation des intérêts au détriment des valeurs et des principes. Ne les laissez pas tomber. Pour eux, la France est bien plus qu’une " vacance " financière qui tente d’affaiblir notre démocratie et qui va nous voler notre présence, nos valeurs et notre influence dans la région, voire dans le monde.

Monsieur Macron, pour la France, le Liban revêt une grande valeur; c’est un message rayonnant. Mes paroles ne sont que vérité. Le Liban est un pilier sur lequel repose la France pour servir de modèle dans le monde. Il est certes petit de stature, mais il a son poids. C’est notre fils légitime, fruit de nos valeurs. Nous ne pouvons en aucun cas le brader. Je suis triste de voir l’Arabie Saoudite se positionner du bon côté de l’Histoire. Alors que la France compte entériner un accord sur le cadavre de notre fils bien-aimé…

Je vous adresse mes salutations de là où je me trouve. J’ai insisté pour faire graver quatre mots sur mon épitaphe : " Ici repose Charles de Gaulle ". J’espère que cela servira d’exemple à tous les gens libres qui comprendront que les grands qui font l’Histoire ne sont certainement pas les petits courtiers.