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Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour viendrait où je te rédigerais une lettre posthume ! Toi, dont la jeunesse pulpeuse et l’effervescence pétillante, éclipsaient les esprits les plus chagrins.

Notre amitié remonte à il y a (au moins) 35 ans. Mais quand on aime, on ne compte pas. Ces dernières années, qui ont défilé avec une rapidité étourdissante, nous ont éloignées, chacune immergée dans son microcosme, tentant de s’ancrer dans les sables mouvants de la vie libanaise. Dans notre terre du Cèdre, le temps semble avoir une essence différente, nous avons appris à évoluer dans l’existence comme des êtres en perpétuelle survie.

Ta vie, ma Valvoul, a été loin d’être un long fleuve tranquille, mais tu as toujours choisi de voir le verre à moitié plein. Ta force – puisée au fin fond de ta fragilité, paradoxe extrême- venait à bout de chaque obstacle, qu’il soit psychique, matériel ou, surtout, existentiel. Inlassablement, tu as su te réinventer, t’adapter, pousser comme une plante splendide, qui bien qu’elle n’ait pas toujours été arrosée régulièrement, a survécu par un prodige de la nature. Tu étais une rescapée de la vie ; une vie qui t’a malmenée à travers de soudaines et tragiques pertes. Ta sœur Dominique. Ta maman Liliane.
L’ultime roc sur lequel tu t’appuyais encore, ton illustre papa, Roméo Lahoud, est parti lui aussi rejoindre tes anges chéris en 2022, te privant du dernier repère de ce qui fut une famille un jour il y a longtemps.

Il demeure toutefois ta fratrie de cœur, tes amis et compagnons intemporels. Ces âmes jumelles avec qui tu as tissé une relation symbiotique, intradermique, et qui pleurent ton absence aujourd’hui. Il demeure, surtout, l’amour de ta vie : ta fille Dominique, ton lien passionné et fusionnel, qui a fait de toi une grand-mère comblée il y a moins d’un an. Ce que tu n’as pas reçu, Valvoul, c’est-à-dire la quiétude d’une vie familiale traditionnelle, tu as su le réinventer, offrant à ta fille Dominique la stabilité d’un foyer d’amour qui lui a permis de grandir en étant aimée non seulement par toi, mais également par sa famille de cœur, comprenant d’innombrables personnes dont la fidélité à ton égard a été infaillible.

Dans quelques instants, j’irai embrasser les tiens, pleurer dans les bras de Papou, ta tante adorée qui t’aimait tant en retour. Je prendrais Dominique, qui ne me reconnaitra pas, dans mes bras. Je tenterai surtout de condenser ce temps passé durant lequel je ne me suis pas manifestée. J’essaierai d’apaiser ce cri de révolte qui déchire mon cœur. Cet après-midi, je vais revoir tous tes amis. Nos amis. Mais quoi que je fasse, ou dise, ou écrive, je ne me pardonnerai jamais de n’avoir pas saisi le téléphone pour t’appeler le jour où j’ai – par pur hasard – appris que tu étais atteinte d’un cancer des poumons.

J’ai passé hier une nuit blanche à repasser en rewind nos souvenirs communs.
À interroger ma mémoire et ma conscience aussi. En revoyant en boucle certains moments forts que nous avions partagés, j’ai tenté d’alléger mes remords, me persuadant qu’au fond de moi, je te pensais immortelle.

J’étais d’ailleurs convaincue que tu t’en sortirais comme tu l’as toujours fait avec la grâce d’une sylphide à la beauté éternelle. Belle en tout et partout, ma Valvoul.

Trop belle pour que la grande faucheuse te ravisse à nous.

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