Quand je m’ennuie la nuit, je fais des listes.

Des listes de choses à faire, à défaire, à refaire, à ne pas faire, à ne plus faire…

Les autres et moi. Les autres émois. Les autres et toi.

La subjectivité. Les miroirs déformants. Les projections. Les points de vue, la vision d’ensemble. Les cadres. Les repères. La place et le vide. L’espace. Les spasmes. Les kaléidoscopes.

Le regard circulaire en dedans et bohémien en dehors. Platon et le mythe de la caverne.

Le monde à ma façon. Le monde sans façon. Le monde de toute façon.

Sortir en dehors de soi. Dans l’univers en expansion. Quelques heures en tout cas, effort de synchronisation.

Quand je m’ennuie la nuit, je fais des listes.

Quand je m’ennuie le jour, je vais dans un café.

Je m’enfonce dans le fauteuil prune de Starbucks et je me fonds au décor. Décortiquer la scène. Malsaine.

Mon latte (au lait de vache, le soy milk est devenu trop cher au pays du cèdre) en main, je me confonds dans les vies des autres qui sont là, autour de moi… en toute indiscrétion.

À ma droite un blind date gauche ; l’homme est assis en face de la femme sans écouter un seul mot de ce qu’elle lui dit… ce sont les autres qu’il regarde… c’est sur celles qui s’amoncellent à une autre table qu’il table… les stéréotypées prototypées… l’une d’elle s’impatiente… sautes d’humeur… sotte d’humeurs. Elle avait un sourire élastique étendu jusqu’aux yeux pourtant… jusqu’à ce qu’une autre ne vienne se joindre au groupe… avec des lèvres plus enflées… une poitrine plus gonflée… attaque… elle ne laissera personne prétendre qu’elle n’existe pas. Il faut qu’on la regarde. Ce n’est pas pour rien qu’elle a sorti ses griffes… au sens propre et au sens… défiguré.

La femme du blind date sourit et gesticule… lui s’explique, prétend. Il parle. Il s’en fout. Il se demande si elle en a encore pour longtemps. Son regard croise le mien. Je lui lance un sourire désabusé. Les deux femmes à l’autre table ont abusé de leur one-man-show. Chacune à son nombril étouffant sous leurs jeans affligés de vieillesse prématurée…

J’arrête mon peep show. 

En marchant vers ma voiture un cireur de chaussures – posé là par erreur de cinéma, on dirait – vient me demander si je veux… je ne le laisse pas terminer sa phrase… je fais une entrée en matière sur les textiles et les textures… le velours du Puma et le cirage… avec tout l’essor de mon aliénation, je lui sors ma rage.

Trottoir… avant que ce ne soit trop tard.

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