Concentrez-vous sur la toile en vous répétant: "Je suis un point infiniment lumineux". "Un point infiniment lumineux"… Faisable… mais de là à me concentrer… Essayons quand même… "Je suis un point infiniment lumineux" …
D’un coup je retombe en enfance goût Picon à la lueur de la lanterne. Les années. Le temps qui défile. Les minutes qui me défient. Le temps à l’envers. La vie des souvenirs. La vie de plongeons dans des points infiniment lumineux. On s’y noierait. C’est si noir. C’est si noir parfois dans nos souvenirs. C’est si noir dans ces points infiniment lumineux. C’est à peine si on y voit quelque chose.
"Je suis un point infiniment lumineux"…
La voix du yogi Baba-je-ne-sais-plus-quoi, mâchant ses mots, m’invite à tout laisser pour le moment… Baba énumère un à un les organes de mon corps qu’il me dit de sentir et de libérer… puis de m’élever au-dessus ….
Une crampe au mollet interrompt. Concentré d’émotions. Hérésie de l’esprit. Désordre intérieur.
"Je suis un point infiniment lumineux"… Tiens, mais il a les mêmes chaussettes qu’hier, celui-là devant moi… Le bas du dos me brûle… Je pense à ma colonne vertébrale, je me ressaisis et j’essaie de me concentrer…
Je ferme les yeux et je les rouvre… Point lumineux… Blocage de l’intérieur et de l’extérieur… Boules à la gorge. Nœud au ventre. Attaque existentielle en pleine méditation… D’un coup j’ai le sentiment d’avoir tout faux, d’avoir tourné à gauche quand il aurait fallu prendre à droite ou l’inverse… Mon système d’auto-défense me sort une pensée salvatrice: le destin. J’ai tellement envie d’y croire… Mais je renonce… Pauvre destin… Je me demande de quoi elle a l’air, sa colonne vertébrale à lui…
Je dramatise, je mélange… Je regarde par terre… Moquette, chaussettes et plis de bas de pantalons…
Je lève la tête… Je me concentre, ferme les yeux, les rouvre…
Dans le silence total je me répète: "Je suis un point infiniment lumineux", mais quand je lève les yeux, tout ce que je vois, c’est le vase transparent où les fleurs attendent impatiemment de mourir en beauté.
J’ai toujours eu une affinité particulière pour les choses éphémères.
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