L’explosion des cas de Covid-19, avec le variant Omicron du coronavirus, place le monde médical devant des choix difficiles. La question du tri des malades est remise sur le tapis, alors que les lits d’hôpitaux et les services de soins intensifs risquent d’être saturés.

Cette nouvelle vague est différente de celles qui l’ont précédée, puisque ce sont les moins vaccinés qui occupent principalement ces services. Ce n’est donc pas un hasard qu’ils en arrivent là. Mais bel et bien à cause de leur propre volonté de ne pas se faire vacciner!

Dès lors, le monde médical – médecins et soignants – commence à se poser des questions sur la nécessité ou non de les traiter au détriment des places qui devraient être réservées à d’autres urgences qui ne sont pas liées au Covid-19.

L’histoire n’est pas nouvelle. Les soignants deviennent presque inquisiteurs à chaque fois qu’ils sont devant un patient qu’ils pensent être touché par une maladie qu’il a cherchée en adoptant un comportement particulier ou en consommant des substances qui pourraient être nocives.

Les études sur la relation soignants-soignés montrent que les médecins deviennent franchement antipathiques avec des catégories précises de patients: les obèses, ceux souffrant de troubles de l’usage du tabac, de l’alcool et des drogues et ceux qui sont touchés par le sida. Dans la version moderne de l’antipathie, peut s’ajouter désormais la catégorie des patients qui refusent de se faire vacciner contre le Covid-19! Au-delà de l’aspect réfutant le vaccin, qui peut aller d’une simple attitude pour se démarquer des autres, jusqu’à arriver à une vraie idéologie antivax, ceux qui rechignent à prendre le vaccin ne sont pas une catégorie homogène.

En pratique quotidienne, on en voit de toutes les couleurs. On ne peut pas dire que tous ces antivaccins partent du même principe pour leur infliger une telle " sanction " de refus de soins. La fragilité des uns dans leurs angoisses et l’incapacité des autres à comprendre les enjeux vaccinaux de santé publique doivent nous amener à continuer notre croisade d’explication et d’information sur les bienfaits des vaccins.

Par ailleurs, les médecins sont obligés de suivre le serment d’Hippocrate qui insuffle à tous les codes de déontologie du monde qu’un médecin devrait soigner sans discrimination aucune. Et qu’il devrait mettre tous les moyens de son art pour traiter tout le monde, indépendamment de toutes considérations, croyances ou autres préjugés.

" Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité ", peut-on lire dans le serment d’Hippocrate. Celui-ci stipule donc bien qu’on ne devrait jamais s’attarder sur les convictions d’une personne pour lui administrer les soins nécessaires pour son rétablissement.

Lors de la première vague, les soignants étaient tourmentés par le flux de patients aux soins intensifs, cherchant à trouver le moyen de savoir qui avantager dans le cas d’une arrivée de patients nécessitant les mêmes soins mais différant par l’âge ou les comorbidités. Aucune recommandation au monde n’a pu facilement trouver une réponse satisfaisante à ce dilemme qui touche à nos consciences. Certains ont voulu faire privilégier l’âge, d’autres l’espérance de vie, d’autres aussi les pathologies lourdes associées, l’état de conscience ou les paramètres de l’infection elle-même. Tout cela n’aura pas suffi pour nous donner des réponses satisfaisantes.

Cinq vagues plus tard, il n’est pas aussi facile de trancher! Nous pouvons vilipender ceux qui refusent de se faire vacciner, critiquer leur choix, refuser leurs thèmes, mettre en doute leurs arguments et s’élever contre eux car ils gaspillent ce qui reste de nos forces vives exténuées par deux ans de soins ininterrompus.

Mais ce que nous voyons va plus loin. Nous voyons naître la volonté chez certains médecins de se " venger " de personnes n’ayant pas souhaité se vacciner en leur refusant une priorité de réanimation dans les soins intensifs. Telle attitude ne peut être cautionnée. Il en va des bases de l’éthique médicale qui inspirent l’exercice de la médecine.

Cette pandémie peut changer la face du monde, mais nos principes médicaux devraient rester intangibles. C’est plus encore lors des moments difficiles, où l’être humain est en extrême souffrance, qu’il faut savoir respecter les valeurs de notre métier. Même si elles sont constamment mises en difficulté par la situation insolite que nous inflige ce virus.