Il y a des endroits dont nous rêvons… ou pas ! Née à Beyrouth, ayant passé mon enfance et mon adolescence dans la chaleur des tropiques africains, rien ne me prédestinait à aller sous les latitudes glacées de l’Arctique.

Et pourtant, une rencontre, une amitié, un chef d’expédition aussi passionné que fou a réussi à m’entraîner dans ses délires.

Les miens de délires n’ayant rien à envier aux siens, voilà que l’Africaine de cœur que je suis devient guide polaire…

Invraisemblable, non ?

Un beau jour, j’ai donc débarqué là-bas, et j’ai découvert… un tout autre monde.

Imaginez un endroit où, l’hiver, le soleil ne se lève pas, et l’été, il ne se couche pas. Il reste en suspension sur l’horizon. Un endroit à la fois hors et dans ce monde, un temps entre les temps à 1000 km du pôle Nord.

Une zone qui m’est devenue familière à force de moult expéditions, mais jamais pleinement conquise : heureusement, certains espaces restent tout à fait sauvages et indomptables. Jamais complètement acquise non plus : mes émotions restent intactes, à chaque fois. Et, à chaque fois, je me sens de nouveau remplie, comme au tout premier contact, à l’instant originel. Jamais rapport avec la glace ne fut aussi passionnel, volcanique…

Tout commence à Paris, par un vol direct de cinq heures jusqu’à Longyearbyen, la capitale du Spitzberg – pas Spielberg, s’il vous plaît, comme le réalisateur, erreur récurrente et automatique des passagers !

Avant l’atterrissage sur cet archipel polaire, pendant que le chef de cabine annonce la " bienvenue à Svalbard " – ouch, au Svalbard, monsieur ! – impossible de ne pas rester scotchée au hublot de l’avion, comme si c’était la première fois. Excusez-moi, messieurs dames, mais c’est plus fort que moi : je dévore des yeux les " montagnes pointues " (c’est le sens de “Spitzberg”) et le dédale de glaciers blancs baignés par des fjords bleus. Cette image résume le paysage unique qui s’offre à moi. Rien que cette vision idyllique suffit pour se sentir fière d’avoir un jour succombé à mon délire expéditionnaire…

Qu’à cela ne tienne, mon excitation est à son paroxysme à l’idée de mettre pied à nouveau sur cette terre polaire et la découvrir encore et encore… suivez le guide, messieurs, mesdames.

Longyearbyen est un aéroport sommaire, où l’on marche sur le tarmac comme sur un bout de terre hors du temps. C’est son emblème, son totem qui vous accueille, bien mis en évidence dans le hangar où l’on récupère les bagages : un immense ours blanc empaillé… Pas de doute, nous sommes bien à l’autre bout de la terre.

Dehors, la modeste capitale compte à peine 2000 âmes pour 10.000 ours polaires sur tout l’archipel, et le triple de rennes. Mais il n’y a pas chat qui vive ! Les petits matous sont bannis pour protéger les différentes espèces d’oiseaux arctiques.

La ville se visite rapidement : une seule rue avec le nécessaire vital, et des panneaux parsemés çà et là, appelant à faire attention aux ours. Vous êtes avertis !

" Marianne, on voudrait acheter des souvenirs, aller à la poste, (évidemment : envoyer une carte postale de la ville la plus au Nord du monde est un must), au restaurant…”

Pour se restaurer, j’ai heureusement une super adresse. Ce serait un délit de ne pas essayer le resto Kroa, bien typique avec des pièces de viandes à faire pâlir tous les amateurs, et des soupes très particulières…

Mais conseil de guide : il vaut mieux faire tout cela au retour, une fois que vous aurez du temps libre. Pour l’instant, nous allons suivre le programme de l’après-midi : le centre-ville est à 5 mn du port, ainsi que de l’ancienne mine désaffectée. Mais avant de nous y rendre, allons dans la vallée voisine de l’Advental, histoire d’avoir un premier contact avec cette terre hors du commun.

Les distractions locales annoncent la couleur, comme la visite d’un élevage de chiens de traineaux, où carcasses et peaux de phoques pendouillent un peu partout. Bonjour l’odeur… Cela attire aussi les ours blancs, que l’on croise parfois en ville, mais il reste plus rentable de nourrir les chiens avec du phoque plutôt que de la viande…

Vers 17 h, nous embarquons enfin sur notre brise-glace qui nous emmènera sans transition vers les fjords polaires.

Allez messieurs dames, exercice d’abandon du navire obligatoire à peine embarqués. Sécurité oblige. Ça fera de belles photos souvenirs, va. Vous pourrez ensuite vaquer librement à vos occupations. À bord, elles sont simples : se laisser aller à la contemplation de l’océan. Les esprits méditatifs seront tout à fait dans leur élément !

Bienvenue à bord. Le Svalbard est la meilleure porte d’entrée dans le monde polaire. Surtout l’été : l’état des glaces est stationnaire, et il s’agit de la période idéale pour observer les animaux polaires. Mais aussi des paysages grandioses, des sites historiques uniques au monde, d’où sont partis les premiers explorateurs à la conquête des pôles. Vous allez bientôt tout découvrir, c’est ça le luxe d’une croisière-expédition. Tout ce qu’elle a à offrir est au-dehors. Restez vigilants, et vous serez bientôt témoins d’une majesté, d’une somptuosité hors du commun.

Et c’est parti…à peine quitté le port et l’Isfjord, le deuxième fjord le plus long de la région, la déconnexion est rapide, au sens normal et figuré. Oubliez vos téléphones ou votre connexion Internet… Ici, rien ne va plus. C’est le moment, le temps de 10 jours de croisière expédition, de vous entourer de silence et de méditation, d’écouter le bateau fendre les eaux, les icebergs clapoter, les glaciers vêler dans un grondement assourdissant. Un véritable festival pour les cinq sens.

Nous sommes dans une autre dimension.

C’est ainsi que notre périple commence au-delà de 78 degrés de latitude nord…

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