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Norta Global Ltd. Un nouveau nom qui apparaît dans le dossier des bipeurs piégés, ayant explosé mardi au Liban, faisant 12 tués et plus de 3.000 blessés – en majorité des combattants du Hezbollah.

Selon des informations relayées par le média hongrois Telex, c’est cette entreprise bulgare, fondée le 14 avril 2022 (soit un mois après la création de la société hongroise de conseil en relations publiques, BAC Consulting Kft) qui se cacherait derrière l’accord conclu pour la fabrication des bipeurs.

Basée à Sofia, Norta Global Ltd appartient à Rinson Jose, d’origine norvégienne. Elle est enregistrée, avec 196 autres groupes, auprès d’un prestataire de services de domiciliation.

Ce serait elle qui, toujours selon Telex, a pu acheter les appareils à Gold Apollo, la société taïwanaise et en effectuer la livraison pour les vendre au Hezbollah.

Ici Beyrouth a pu confirmer, grâce à une source proche du dossier, la thèse selon laquelle l’achat des bipeurs a été entrepris par Norta Global Ltd qui, spécialisée dans la gestion technologique de projets, ne produit donc pas d’appareils de communication. Aurait-elle joué le rôle de société-écran? Face aux soupçons relatifs au rôle de l’entreprise bulgare dans cette affaire inédite, Sofia a annoncé, selon Reuters, qu’elle enquêtera sur les liens entre Norta Global Ltd et les appareils de communication qui ont explosé au Liban.

Pointées elles aussi du doigt, les deux autres sociétés se sont empressées de rejeter toute responsabilité dans le cadre de cette affaire. Dans un communiqué publié mercredi, le groupe taïwanais Gold Apollo a attribué la fabrication des bipeurs piégés – qui portaient sa marque – à la société hongroise, BAC Consulting Kft. "En vertu d’un accord de coopération, nous autorisons BAC Consulting Kft à utiliser notre marque pour vendre des produits dans certaines régions", peut-on lire dans le communiqué. Et la société de préciser: "La conception et la fabrication de la marchandise sont de l’unique responsabilité de BAC." Le directeur de l’entreprise, Hsu Ching-Kuang, avait également déclaré: "Notre entreprise n’apporte que l’autorisation d’utiliser la marque et n’est pas impliquée dans la conception et la fabrication" de ce bipeur, a-t-il affirmé, avant d’insister: "Ce ne sont pas nos produits (…) Ce ne sont pas nos produits du début à la fin."

Le ministère taïwanais de l’Économie s’est, lui aussi, penché sur la question, assurant que Gold Apollo "avait exporté 260.000 bipeurs entre 2022 et 2024, à destination des marchés européens et américains". Il a, dans ce sens, signalé que "selon les rapports de l’entreprise, aucune mention n’a été faite au sujet d’explosions quelconques liées aux produits en question et qu’aucun document ne fait état de la livraison des bipeurs au Liban".

La Hongrie réagit

Le gouvernement hongrois s’est, lui aussi, lavé les mains de toute implication dans la fabrication des bipeurs piégés. Mercredi, le porte-parole du cabinet hongrois, Zoltan Kovacs, a écrit sur son compte X: BAC est "un intermédiaire commercial, qui ne détient aucun site de production opérationnel en Hongrie". À cela, il a ajouté: "Son gestionnaire est enregistré dans le pays, mais les appareils référencés ne se sont jamais retrouvés sur le sol hongrois." M. Kovacs faisait allusion à Cristiana Rosaria Bársony-Arcidiacono, l’unique gérante de l’entreprise BAC qui ne compte aucun employé. Et de préciser que "les services de sécurité hongrois coopèrent avec toutes les agences et organisations internationales concernées par ce dossier", avant de conclure: "Cette affaire ne pose donc aucun risque pour la sécurité nationale."

Pour sa part, Mme Bársony-Arcidiacono a confirmé que BAC collaborait avec Gold Apollo, mais a rejeté toute responsabilité dans cette affaire. Interrogée par la chaîne américaine NBC News au sujet des détonations, elle a répondu: "Je ne fabrique pas de bipeurs. Je ne suis que médiatrice. Je pense qu’ils se sont trompés."

Le géant Icom impliqué?

Mercredi, l’affaire a pris un autre tournant lorsqu’une deuxième vague d’explosions ont retenti à travers le Liban. Cette fois, c’est de talkies-walkies de la marque Icom qu’il s’agissait et c’était au tour du fabricant japonais d’équipements de communication de s’empresser de décliner toute responsabilité. "Nous avons vendu environ 160.000 talkies-walkies du genre au Japon et à l’étranger. Toutefois, la production et la ventes de ces appareils se sont arrêtées en 2014", a déclaré jeudi le directeur d’Icom, Yoshiki Enomoto. "Même s’il est possible de considérer que les IC-V82 ont été fournis par Icom, nous ne pouvons exclure la possibilité qu’il puisse s’agir de produits contrefaits", a-t-il martelé.

S’attardant sur les images des talkies-walkies piégés qui ont circulé mercredi, à la suite des explosions en série, M. Enomoto a précisé que "les dommages subis au niveau des batteries sont un indice qu’elles aient pu être remplacées par d’autres, destinées à exploser".

Il a, dans ce contexte, signalé qu’"il est difficile de déterminer les canaux de distribution sans vérifier les numéros de série", a déclaré Enomoto.

Selon Icom, la radio portative IC-V82 a été exportée, notamment au Moyen-Orient, entre 2004 et 2014.

Même son de cloche au Liban. Dans un entretien accordé à la chaîne locale MTV, le ministre sortant des Télécommunications, Johnny Corm, a assuré que "les appareils explosifs ne sont pas entrés au Liban par l’intermédiaire d’un agent et ne sont pas passés par le ministère", confirmant ainsi indirectement la contrebande à laquelle s’adonne le Hezbollah au Liban. Il a lui aussi signalé que "le fabricant a cessé d’en produire il y a des années".

De son côté, la compagnie publique Ogero, en charge de la gestion des services de téléphonie fixe et d’Internet au Liban, a déclaré "n’avoir enregistré aucune violation du réseau national par l’État hébreu ou par toute autre partie" et que ses équipes techniques "travaillent 24 heures sur 24 pour le protéger".

Entre-temps, le Hezbollah poursuit sa propre enquête pour déterminer surtout le niveau de la faille qui a conduit au cataclysme de mardi et de mercredi.