Selon un rapport de la Banque mondiale, le Liban a perdu un temps précieux et une action urgente est nécessaire. L’institution a adapté sa stratégie pour répondre aux besoins du Liban, aux défis socio-économiques majeurs et à l’instabilité politique qui persiste.

Le Conseil d’administration du Groupe de la Banque mondiale a approuvé le 20 mai l’examen des performances et de l’apprentissage (PLR) du cadre de partenariat pays (CPP) pour le Liban, qui résume les progrès de la mise en œuvre du CPP au cours des exercices 2017-2022 et affine ses objectifs à un moment où le pays traverse l’une des crises économiques et financières les plus graves de son histoire récente. Le PLR proroge également la période du CPP d’une année supplémentaire (jusqu’à l’exercice 2023) pour faire avancer de toute urgence les programmes de relance socio-économique nécessaires qui ciblent les pauvres et les plus vulnérables et soutenir les réformes macroéconomiques et structurelles nécessaires.

"Malgré les premiers avertissements, le Liban a perdu un temps précieux et de nombreuses opportunités pour adopter une voie de réforme de son système économique et financier. Le coût de l’inaction est colossal, non seulement pour la vie quotidienne des citoyens, mais aussi pour l’avenir du peuple libanais", a déclaré Saroj Kumar Jha, directeur régional de la Banque mondiale. "Deux ans et demi après le début de la crise, le Liban n’a pas encore lancé de programme global de réforme et de redressement pour empêcher le pays de s’enfoncer davantage, a-t-il poursuivi. Le retard délibéré et continu dans la lutte contre les moteurs de la crise représente une menace non seulement au niveau socio-économique, mais aussi un risque de défaillance systémique des institutions étatiques et de pression sur une paix sociale déjà fragile."

Contraction du PIB de 58,1%

Au cours de la période du CPP, le Liban a été assailli par des crises complexes qui se sont chevauchées: une grave crise économique et financière, la pandémie de Covid-19, l’explosion au port de Beyrouth et, dernièrement, une crise de sécurité alimentaire suite à l’invasion de l’Ukraine. Selon une analyse de la Banque mondiale, le PIB a chuté de près de 52 milliards de dollars en 2019 à 21,8 milliards de dollars en 2021, marquant une contraction de 58,1%.

Le taux de change a continué à se détériorer fortement, maintenant les taux d’inflation à trois chiffres. Les crises ont exacerbé les difficultés sociales, affectant de manière disproportionnée les ménages pauvres et vulnérables et renforçant les inégalités. Face à l’inaction politique, les crises non résolues ont laissé des cicatrices durables sur l’économie et la société libanaises: les services publics de base sont défaillants, le chômage ne cesse d’augmenter et le capital humain est gravement épuisé.

De plus, le secteur privé est sévèrement contraint par un système financier paralysé. La baisse de la productivité des entreprises et de la génération de revenus a entraîné des licenciements et des faillites généralisés. Si aucune réforme politique ne se fait, le PIB réel devrait se contracter encore de 6,5 % en 2022.

Renforcement de la réponse aux crises

Dans ce contexte d’effondrement de l’économie et de configuration politique incertaine, le PLR met à jour le CPP en le centrant surtout sur les personnes, en exerçant une plus grande sélectivité dans un ensemble restreint de secteurs qui bénéficient directement aux pauvres et aux plus vulnérables, y compris les réfugiés, et en préparant la base d’un programme de réforme.

La révision vise à renforcer la réponse aux crises et à atténuer leur impact socio-économique, comme à préparer le terrain pour relever les défis structurels sous-jacents en matière de gouvernance et de modèle économique.

Les progrès dans la réalisation des objectifs du CPP ont été modestes sur plusieurs fronts compte tenu des défis de gouvernance actuels et de l’inaction politique délibérée de la classe dirigeante. En réponse aux priorités et aux besoins émergents, la Banque mondiale a restructuré et reprogrammé son portefeuille en annulant les projets sous-performants et en allouant de manière proactive des ressources aux priorités nouvellement identifiées grâce à une réponse axée sur l’aide d’urgence, le relèvement et la résilience.

Capacités de gouvernance érodées

Le PLR cherche également à tirer des enseignements de l’expérience de mise en œuvre pour améliorer à la fois la mise en œuvre du portefeuille existant et la qualité des nouveaux projets potentiels. Parmi les principaux enseignements tirés figure la nécessité de soutenir la prestation de services de base, de permettre une flexibilité dans la conception des projets, de renforcer la coordination inter-agences pour la mise en œuvre des réformes, de former des partenariats solides, de reconstruire le contrat social grâce à la responsabilité et à la surveillance des réformes prioritaires, d’institutionnaliser les mécanismes de mise en œuvre décentralisés et maximiser l’impact des agents de suivi tiers dans la réalisation du projet.

La gestion des crises montre à quel point les capacités de gouvernance se sont érodées et la paralysie politique que l’emprise des élites a entraînée. Dans ce contexte, le PLR s’appuie sur trois scénarios potentiels dans lesquels un nouveau règlement politique peut évoluer: impasse politique, consensus minimal ou changement politique. Chaque scénario impose un ensemble différent de contraintes et d’opportunités pour l’engagement de la Banque mondiale.

Pour aller de l’avant, le Liban doit de toute urgence adopter un plan de stabilisation et de relance macrofinancière crédible, global et équitable et accélérer sa mise en œuvre s’il veut éviter une destruction complète de ses réseaux sociaux et économiques et arrêter immédiatement la perte irréversible du capital humain.

Des efforts substantiels sont nécessaires pour faire avancer le programme de réforme de la gouvernance. Cela est d’autant plus essentiel pour renouveler le contrat social et réparer la relation de confiance rompue entre les citoyens et l’État.