Allemagne: perpétuité requise contre un ex-colonel syrien du régime Assad
©La justice allemande a requis la réclusion à perpétuité pour Anwar R., ex-colonel du régime Assad responsable d'exactions, à Coblence, le 2 décembre 2021. (Photo : AFP)
Le Parquet fédéral allemand a requis jeudi la réclusion à perpétuité contre un ancien colonel des services de renseignement syriens jugé en Allemagne dans le cadre du premier procès au monde des exactions imputées au régime Assad.

Anwar Raslan, réfugié en Allemagne, s'est rendu coupable de crimes contre l'humanité, a estimé le procureur devant la Cour de Coblence (ouest) qui le juge depuis le 23 avril 2020 pour avoir torturé des détenus dans un centre de détention secret du régime à Damas.

Cet ancien colonel de la Sûreté de l'État âgé de 58 ans répond notamment de la mort de 58 personnes, le viol de plusieurs autres et la torture de 4.000 détenus dans une geôle de Damas, dite Al-Khatib ou «branche 251».

Dix ans après le déclenchement du soulèvement populaire en Syrie, c'est la première fois au monde que les exactions imputées au pouvoir en place à Damas sont jugées.

Le verdict dans ce procès historique, très suivi par les Syriens en exil en Europe, est attendu pour le 13 janvier.

Ce procès, scindé en deux en début d'année, s'est déjà conclu par la condamnation le 24 février d'un ancien membre des services de renseignement d'un grade subalterne pour «complicité de crimes contre l'humanité».

Les juges avaient prononcé une peine de quatre ans et demi de prison à l'encontre d'Eyad al-Gharib pour l'arrestation en 2011 de manifestants et leur transfert vers le centre de détention des services de renseignement Al-Khatib.

Pour juger ces Syriens, l'Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité et l'endroit où ils ont été commis.

Anwar Raslan qui avait déserté en 2012, est resté muet pendant toutes les audiences. Mais au début du procès, son avocat avait lu une longue déclaration en son nom dans laquelle il niait avoir eu recours à la torture dans le centre Al-Khatib, dont il dirigeait le service des enquêtes.

Anwar Raslan n'a jamais fait mystère de son passé lorsqu'il trouva refuge en Allemagne. C'est d'ailleurs lui qui, sollicitant une protection policière à Berlin, a raconté son parcours à des policiers en février 2015.

Reconnu dans la rue


Il avait été reconnu dans une rue de la capitale allemande par un autre réfugié, Anwar al-Bunni, avocat et opposant syrien qui traque aujourd'hui les anciens collaborateurs du régime exilés en Europe.


Arrêté en février 2019, Anwar Raslan est depuis en détention.

Depuis l'ouverture du procès, plus d'une dizaine de Syriens et de Syriennes, réfugiés en Europe, ont défilé à la barre pour témoigner des sévices qu'ils ont endurés à Al-Khatib.

Certains témoins ont toutefois refusé de se présenter à Coblence, d'autres ont été entendus anonymement, le visage dissimulé ou coiffés d'une perruque par crainte de représailles sur leurs proches toujours en Syrie.

Pour la première fois, des photos du «dossier César» ont en outre été présentées dans un tribunal.

Cet ex-photographe de la police militaire a exfiltré au péril de sa vie 50.000 clichés montrant 6.786 détenus syriens figés par une mort brutale, affamés et suppliciés. Des clichés dont la présidente de la Cour a reconnu qu'ils la poursuivraient longtemps.

Des affidés du régime syrien font l'objet de plusieurs plaintes en Europe, souvent initiées par des Syriens activistes chassés de leur pays et qui se sont tournés vers les parquets français, allemand, suédois ou autrichien.

Des recours ont également été déposés contre des attaques chimiques attribuées à Bachar al-Assad.

Un autre procès lié au régime syrien doit s'ouvrir en janvier à Francfort. Un médecin d'une prison militaire de Homs y répondra de crimes contre l'humanité pour avoir torturé des détenus.

Réfugié en Allemagne où il travaillait comme médecin, il a été formellement reconnu par des victimes et des proches de victimes.

En France, en revanche, la Cour de Cassation a jugé dans un récent arrêt que la justice était «incompétente» pour poursuivre pour complicité de crimes contre l'humanité un ex-soldat syrien, interpellé le même jour qu'Anwar Raslan et Eyad al-Gharib.
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