L'Amérique refuse d'exporter un traitement anti-Covid efficace

Le débat sur les inégalités vaccinales est relancé: aux États-Unis, un traitement pour les malades du Covid-19 - au nom barbare de bebtelovimab - est jusqu'ici réservé au marché local. Encore au stade expérimental, il a été autorisé en urgence à cause de ses résultats positifs. Mais les soignants et des patients européens font pression pour le diffuser, alors que les alternatives thérapeutiques sont réduites face aux nouveaux variants du virus.





Il n'est pas le seul à tirer la sonnette d'alarme, mais le Conseil scientifique, créé en mars 2020 pour lutter contre le Covid, vient de demander au gouvernement français, dans son ultime avis publié mercredi, "de mettre tout en œuvre pour que le bebtelovimab, le seul anticorps monoclonal actif sur BA.5 actuellement, soit le plus rapidement disponible en France".

De quoi s'agit-il? Le bebtelovimab est un anticorps monoclonal expérimental, c'est-à-dire pas encore officiellement mis sur le marché. Au mois de mars, les autorités sanitaires américaines lui ont toutefois accordé une autorisation dite d'urgence, après des résultats positifs d'une étude clinique chez des patients ayant des symptômes légers à modérés du Covid.

"Le bebtelovimab est un anticorps monoclonal qui cible particulièrement bien la protéine spike mutée des sous-variants BA.4 et BA.5 d’Omicron", dit à l'AFP le professeur Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé mondiale de l'université de Genève. Or c'est quasiment l'un des seuls restant dans la panoplie des traitements potentiels, la plupart des anticorps utilisés depuis le début de la pandémie s'étant par la suite révélés moins efficaces face aux variants d'Omicron.



"Il est indiqué chez les patients particulièrement vulnérables et à très haut risque de complications sévères du Covid-19, notamment les patients immunodéprimés en raison de leur maladie ou de leurs traitements immunosuppresseurs", ajoute Antoine Flahault. Problème: le laboratoire Eli Lilly ne le propose qu'aux patients américains. Le gouvernement américain lui a passé une première commande de 600.000 doses en février, avant de commander 150.000 doses supplémentaires fin juin.
Inégalités vaccinales

"La compagnie entretient une communication permanente et ouverte avec les autorités de santé du monde entier, afin de comprendre le besoin local de cet anticorps, le bebtelovimab, qui reste pour l’heure expérimental", répond Eli Lilly, contactée par l'AFP. Toutefois, "en Europe, au regard des données disponibles considérées comme préliminaires (...), le groupe Lilly ne prévoit ni la mise en place d'un essai clinique de phase III, ni la mise à disposition du bebtelovimab dans le cadre d'un essai clinique, ni à terme la soumission d'une demande d'autorisation de mise sur le marché pour ce produit", ajoute-t-elle, sans en donner les raisons.




Une position qui ne passe pas, alors que la septième vague de la pandémie de Covid continue de faire des victimes. "Ce médicament peut sauver des vies, ce n’est pas un médicament de confort. Il faudrait envisager d’en faire un bien public mondial afin de le mettre à la disposition des malades très vulnérables qui pourraient en bénéficier dans le monde entier", plaide ainsi le professeur Flahault. De leur côté, des chercheurs de l'agence française de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) ont lancé un plaidoyer pour l’obtention de doses de bebtelovimab pour les patients les plus vulnérables.

Face aux inégalités vaccinales, les déclarations pour plus de solidarité se sont multipliées ces derniers mois. La fédération internationale du médicament, l'Ifpma, a notamment appelé mardi les pays riches à promouvoir une distribution plus équitable des vaccins et traitements en cas de nouvelles pandémies. Pourtant, les mêmes causes semblent provoquer les mêmes effets: quand un médicament n'est disponible qu'en quantités limitées, par un seul producteur, les premiers servis sont souvent les habitants du pays du fabricant.



"Ce médicament est celui qui conserve la meilleure efficacité sur BA.5. Qu'attendent nos autorités de santé européennes pour qu'une licence d'office permette d'en garantir l'accès aux patients immunodéprimés qui en ont besoin ?", interroge sur Twitter l'association de dialysés et d'insuffisants rénaux Renaloo. De manière générale, la prescription d'anticorps monoclonaux a été faible jusqu'alors, regrette dans son dernier avis le Conseil scientifique. Ainsi, mi-mai, entre 10.000 et 20.000 demandes avaient été acceptées pour des anticorps monoclonaux en France. Entre 50.000 et 300.000 patients immunodéprimés seraient pourtant éligibles.

Avec AFP

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