Macron reçoit MBS malgré la tourmente
Une rencontre sous le signe de la "réhabilitation". Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a été reçu jeudi soir à l'Élysée par Emmanuel Macron. Il s'agit de sa première visite en Europe depuis l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, et qui survient à moins de deux semaines après la visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite. D'emblée, plusieurs élus de la gauche française et autres ONG ont dénoncé la visite. Une plainte pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l'assassinat de Jamal Khashoggi a été même déposée à Paris contre MBS. La présidence française a, elle, déclaré dans un communiqué: "Si on veut se confronter, s'attaquer aux conséquences de ces crises d'une part et peser dans la région au profit de tous, le seul moyen c'est de parler avec tous les principaux acteurs". De son côté, la Première ministre Elisabeth Borne a indiqué qu'il ne s'agissait pas de "remettre en cause notre engagement en faveur des droits de l'Homme". Elle a souhaité "que les Français ne comprendraient pas, dans un contexte où l'on sait que la Russie menace l'approvisionnement en gaz qu'on ne discute pas avec les pays qui sont précisément producteurs d'énergie".

Le président Emmanuel Macron a accueilli jeudi soir d'une longue poignée de main le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, invité pour un dîner de travail au palais de l'Elysée à Paris, malgré les protestations des défenseurs des droits de l'Homme.

M. Macron a chaleureusement salué son hôte vêtu de la tenue traditionnelle saoudienne, et dont c'est la première visite en Europe depuis l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat d'Arabie saoudite en Turquie il y a moins de quatre ans, selon les images diffusées par AFP TV.

Emmanuel Macron tout sourire en recevant MBS sur le perron de l'Elysée...

Les services de renseignement américains ont pointé la responsabilité du prince héritier, qui dément avoir ordonné l'assassinat même s'il a admis en porter la responsabilité en tant que dirigeant.

Cette rencontre signe un peu plus la "réhabilitation" du dirigeant de facto du royaume, moins de deux semaines après la visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite, qui a consacré le retour du prince héritier, surnommé MBS, sur la scène internationale, dans un contexte de guerre en Ukraine et de flambée des prix de l'énergie.

En réponse à la colère des défenseurs des droits humains, la présidence française a affirmé jeudi que M. Macron aborderait la "question des droits de l'Homme comme il fait à chaque fois avec Mohammed ben Salmane". "Il abordera (cette question) de façon générale mais il en profitera pour parler des cas individuels".

L'Elysée affirme que ce dîner est nécessaire, au regard de l'envolée des prix de l'énergie, de la crise alimentaire au Moyen-Orient et des inquiétudes liées au programme nucléaire iranien.

"Si on veut se confronter, s'attaquer aux conséquences de ces crises d'une part et peser dans la région au profit de tous, le seul moyen c'est de parler avec tous les principaux acteurs", a fait savoir la présidence.
Plainte contre MBS

Jeudi, une plainte pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l'assassinat de M. Khashoggi a été déposée à Paris contre le prince héritier, ont annoncé les ONG Democracy for the Arab World Now (DAWN), fondée par le journaliste saoudien, et l'ONG suisse Trial International.

...avant de prendre une pose plus sérieuse devant les caméras

Hatice Cengiz, la fiancée de M. Khashoggi, s'est dite "scandalisée et outrée qu'Emmanuel Macron reçoive avec tous les honneurs le bourreau de mon fiancé", dans un message en français adressé à l'AFP.

"La visite de MBS en France et de Joe Biden en Arabie saoudite ne changent rien au fait que MBS n'est autre qu'un tueur", a déclaré à l'AFP Agnès Callamard, qui avait mené une enquête sur l'assassinat par des agents saoudiens de M. Khashoggi lorsqu'elle était rapporteure spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires.

Chroniqueur du Washington Post, critique du pouvoir saoudien, le journaliste a été tué et démembré le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul alors qu'il venait chercher des papiers nécessaires à son mariage.


Salué pour ses réformes, "MBS" est toutefois critiqué à cause de la répression menée contre les dissidents dans les milieux religieux, politiques, intellectuels, économiques et même au sein de la famille royale.

Son image de réformateur avait été mondialement ternie par l'assassinat de M. Khashoggi.
"Fist bump" v/s poignée de mains

Si le "fist bump", salut poing contre poing, échangé entre les deux hommes à Jeddah lors de la visite de M. Biden a scellé le retour du président américain sur sa promesse de campagne de traiter le royaume en "paria", le premier déplacement de MBS au sein de l'Union européenne passe mal chez les défenseurs des droits de l'Homme.

Pour la militante saoudienne Lina al-Hathloul, directrice de la communication à l'organisation de défense des droits humains ALQST, cette visite "est un coup dur pour les activistes saoudiens". Lina al-Hathloul est la soeur de la féministe Loujain al-Hathloul, icône de la défense des droits des Femmes dans le royaume saoudien, qui a été emprisonnée pendant près de trois ans avant d'obtenir une libération conditionnelle en février 2021.



"Plutôt que de soutenir les victimes des violations systématiques des droits humains en Arabie saoudite, Macron préfère réhabiliter un prince héritier dont les abus ont été largement condamnés par la communauté internationale", a-t-elle dit à l'AFP.

Moins de quatre ans après l'affaire Khashoggi, l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février a provoqué un affolement des prix de l'énergie.

Les pays occidentaux cherchent depuis à convaincre l'Arabie saoudite, le premier exportateur de brut, d'augmenter sa production afin de soulager les marchés et de limiter l'inflation.

Plusieurs personnalités politiques de gauche en France ont critiqué cette visite.

"Ce n'est pas à l'Elysée mais dans un poste de police que MBS doit être accueilli en France", a tonné le député écologiste Aurélien Taché, en estimant que cette visite jetait de la "honte" sur Emmanuel Macron.

Face à ces réactions virulentes, la Première ministre Elisabeth Borne a indiqué qu'il ne s'agissait pas de "remettre en cause notre engagement en faveur des droits de l'Homme".

"Je pense que les Français ne comprendraient pas, dans un contexte où l'on sait que la Russie coupe, menace de couper et recoupe l'approvisionnement en gaz (...) qu'on ne discute pas avec les pays qui sont précisément producteurs d'énergie", a-t-elle estimé.

Avec AFP
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