Kiev procède à l'évacuation de la région de Donetsk
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé samedi les habitants de la région de Donetsk à évacuer pour échapper aux bombardements ininterrompus de l'armée russe. Kiev a demandé en outre à la Croix-Rouge et à l'ONU de se rendre auprès de ses soldats prisonniers des forces russes, après des menaces proférées à leur encontre. Cette demande est devenue urgente après le massacre de prisonniers ukrainiens appartenant au régiment Azov lors d'explosions dans une prison pour des soldats ukrainiens à Olenivka, à l'est de l'Ukraine. Par ailleurs, Moscou a une nouvelle fois brandit la menace énergétique en réduisant samedi ses livraisons de gaz en suspendant l'approvisionnement de la Lettonie.

Un énorme cratère creusé par un missile russe à Soledar, dans le Donbass.

"Une décision gouvernementale a été prise sur l'évacuation obligatoire de la région de Donetsk", a déclaré M. Zelensky dans une adresse vidéo dans la soirée. "S'il vous plaît, évacuez", a-t-il demandé. "A ce stade de la guerre, la terreur est la principale arme de la Russie", a-t-il souligné.

La vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk avait précédemment annoncé l'évacuation obligatoire pour toute la population du Donetsk, l'une des deux régions administratives du bassin industriel du Donbass où la Russie gagne du terrain.

Elle avait motivé cette décision, dans des déclarations à la télévision, par la destruction des réseaux de gaz et l'absence de chauffage l'hiver prochain dans la région.

Les frappes russes sur les villes de la région font pratiquement tous les jours des victimes dans la population civile.
Le massacre d'Olenivka

Vendredi, le bombardement d'un baraquement abritant des soldats ukrainiens prisonniers à Olenivka, en territoire occupé par les Russes dans la région de Donetsk, a fait une cinquantaine de morts. Un "crime de guerre russe délibéré", selon M. Zelensky.

Deux images satellitaires de la prison d'Olenivka, avant et après les explosions qui ont tué des prisonniers de guerre ukrainiens.

Le chargé des droits humains ukrainien Dmytro Loubinetsk a annoncé samedi avoir demandé à la Croix-Rouge et à la Mission de surveillance des droits de l'homme des Nations unies, qui avaient supervisé en mai la reddition négociée avec les Russes des défenseurs de l'usine d'Azovstal à Marioupol, de se rendre à Olenivka.

Après de longues semaines de siège et de résistance sur le site sidérurgique, environ 2.500 combattants ukrainiens s'étaient rendus et Moscou avait fait savoir qu'ils seraient incarcérés à Olenivka.

"Quand les défenseurs d'Azovstal avaient quitté l'usine, l'ONU et le CICR avaient agi en garants de la vie et de la santé de nos soldats", a déclaré vendredi soir M. Zelensky, en appelant l'ONU et la Croix-Rouge à "réagir".
Torture et émasculation

L'Union européenne a condamné vendredi soir "les atrocités commises par les forces armées russes et leurs supplétifs", dans un communiqué de son chef de la diplomatie Josep Borrell visant à la fois le bombardement de la prison et des accusations de torture et d'émasculation d'un prisonnier ukrainien, dont une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux.

Des destructions près de Kharkiv.

La France a exprimé "son horreur devant les informations faisant état d’assassinats et d’actes de torture contre des prisonniers de guerre ukrainiens, dans le centre de détention d'Olenivka, sous protection de la Fédération de Russie", ajoutant que le cas échéant les responsables devront "répondre de leurs actes", dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

La tension autour du sort des milliers de prisonniers de guerre ukrainiens aux mains des Russes ou des séparatistes du Donbass a été encore ravivée par un tweet vendredi soir de l'ambassade russe au Royaume-Uni, visant spécifiquement le régiment nationaliste ukrainien Azov.

"Les combattants d'Azov méritent d'être exécutés, mais pas par un peloton d'exécution, par pendaison. Ce ne sont pas de vrais soldats. Ils méritent une mort humiliante", pouvait-on lire dans ce tweet en anglais. Le régiment nationaliste Azov a combattu à Marioupol.

Andrii Iermak, le chef du cabinet du président ukrainien, y a vu la preuve que la Russie est "un Etat terroriste".


Une maison en feu à Bakhmout, dans le Donbass.

"Il n'y a aucune différence entre les diplomates russes appelant à l'exécution des prisonniers de guerre ukrainiens et les troupes russes le faisant à Olenivka. Ils sont tous complices de ces crimes de guerre et doivent en être tenus responsables", a de son côté souligné sur Twitter le porte-parole de la diplomatie ukrainienne, Oleg Nikolenko.

Le Comité d'enquête russe avait annoncé vendredi le bombardement d'Olenivka, affirmant que les forces ukrainiennes avaient elles-mêmes "tiré sur la prison où sont détenus les membres du bataillon Azov, utilisant des projectiles américains du système Himars", lance-roquettes multiples de grande précision livrés par les Etats-Unis.

La télévision publique russe a diffusé des images présentées comme celles de baraquements carbonisés et d'armatures de lits en métal détruits, et a montré des images floutées de ce qui semble être des corps humains.

L'état-major ukrainien a balayé ces accusations, affirmant qu'il s'agissait pour les forces russes ou séparatistes de "camoufler les tortures de prisonniers et les exécutions" qui avaient été "perpétrées".

Un immeuble détruit à Soledar, dans le Donbass.

Selon le renseignement ukrainien, l'attaque "a été réalisée par des mercenaires de la division Wagner", compagnie russe de mercenaires dont les hommes ont été accusés de crimes en Syrie et en Afrique notamment.

Quant au chargé des droits humains ukrainien Dmytro Loubinetsk, il a affirmé que selon l'analyse de la vidéo russe, seul élément disponible à ce stade, "l'explosion s'est produite à l'intérieur" du baraquement et non après un bombardement.

Sur le terrain des opérations militaires, les autorités ukrainiennes ont annoncé samedi que des bombardements russes avaient visé plusieurs localités dans le sud et l'est du pays, faisant au moins un mort à Mykolaïv (sud) et un à Bakhmout (est).

A Kharkiv (nord-est), deuxième ville ukrainienne, trois missiles S-300 se sont abattus sur une école qui a pris feu, a annoncé la mairie.

Le président Zelensky s'est rendu vendredi au port de Tchernomorsk pour assister au départ à l'exportation de la première cargaison de blé ukrainien.

Sur un autre plan, le géant gazier russe Gazprom a annoncé samedi avoir suspendu ses livraisons de gaz à la Lettonie. Il avait déjà réduit drastiquement cette semaine ses livraisons à l'Europe via le gazoduc Nord Stream, officiellement en raison de la maintenance d'une turbine.

Concernant les céréales bloquées en Ukraine depuis le début de la guerre, la reprise des exportations se fait toujours attendre et pourrait intervenir "dans les prochains jours", selon Kiev.

Selon le ministère ukrainien des Infrastructures, 17 navires ont déjà été chargés de céréales à Tchornomorsk et à Odessa, et dix sont prêts à partir.

L'Ukraine, comme la Russie, sont parmi les plus gros exportateurs mondiaux de céréales. Kiev assure vouloir vendre quelque 20 millions de tonnes pour environ 10 milliards de dollars dans le cadre de cet accord.

Avec AFP
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