Par La rédaction de Mondafrique
Le prince héritier d’Arabie saoudite a, ces derniers mois, bénéficié d’un climat qui lui est favorable. La raison en est le contexte international qui fait de Ryad un acteur incontournable, notamment devant la folle montée des prix de l’énergie.
Il y a quatre ans, tout le monde voulait la peau de Mohammed ben Salmane. Surnommé « MBS », le prince héritier d’Arabie saoudite était dans le collimateur de nombreux États et organisations internationales après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul le 2 octobre 2018. Les services de renseignement américains avaient pointé la responsabilité de Mohammed ben Salmane dans l’assassinat de M. Khashoggi.
Quatre ans plus tard, cet assassinat – effectué dans des conditions effroyables – semble comme passé sous silence par certains États, sans doute temporairement. Le prince héritier saoudien bénéficie d’une sorte de retour en grâce du fait de la situation internationale et d’un climat le faisant apparaître comme un dirigeant de nouveau fréquentable. C’est le cas en Turquie, mais aussi en Europe et aux États-Unis.
Volte-face turque
L’assassinat de Jamal Khashoggi a jeté un voile sombre sur les relations entre la Turquie et l’Arabie saoudite. Ankara avait directement pointé la responsabilité de hauts responsables saoudiens dans cet homicide – y compris celle du prince héritier. L’objectif du président Recep Tayyip Erdogan était alors de faire passer Mohammed ben Salmane pour un dirigeant infréquentable qui va jusqu’à faire assassiner ses opposants, y compris à l’étranger, et de le diaboliser à l’heure où l’Arabie saoudite et la Turquie se battaient pour le leadership du monde sunnite.
Mais en aujourd’hui, la donne a changé. Ankara a enchaîné les gestes en direction de Ryad. Il a entre autres transféré il y a quelques mois le dossier de l’affaire Khashoggi aux autorités saoudiennes. Le président turc est même allé jusqu’à se rendre à Jeddah, sur la mer Rouge afin d’y rencontrer le prince héritier. Une opportunité pour M. Erdogan de renouer des liens avec Ryad, et rétablir des relations avec lui. L’occasion pour le chef de l’État turc de redresser son bilan économique (avec la levée du blocus que Ryad impose sur les produits turcs), à un an de l’élection présidentielle turque.
Salut au « paria »!
Le 15 juillet dernier, après avoir décollé de Tel-Aviv, le président américain Joe Biden est accueilli – également à Jeddah – par le prince héritier saoudien pour la première fois. Le chef de la Maison-Blanche et l’homme fort saoudien se saluent avec un « poing à poing ». Ce n’est certes pas une poignée de main, mais cela reste un geste fort, surtout lorsqu’on se souvient des mots prononcés par Joe Biden durant la campagne présidentielle de 2020. Évoquant l’affaire Khashoggi, le candidat démocrate avait alors annoncé qu’il ferait de Mohammed ben Salmane un « paria » de la Communauté internationale. L’assassinat du journaliste saoudien avait alors provoqué des remous dans les relations entre les deux pays.
C’est avant tout le contexte international qui amène Joe Biden à se rendre en Arabie saoudite. Devant le conflit entre la Russie et l’Ukraine – qui dure depuis fin février dernier – le président américain cherche le soutien de Ryad afin que celui-ci augmente sa production de pétrole. Le conflit russo-ukrainien affectant les prix du pétrole et l’inflation qui montent, tous deux, en flèche. Joe Biden semble alors aller à Canossa. Il faut à ce stade rappeler que l’Arabie saoudite détient les premières réserves mondiales de pétrole.
L’allié encombrant d’Emmanuel Macron
Même son de cloche du côté des Européens. Après s’être rendu en Grèce pour une visite officielle, le prince héritier saoudien s’est rendu jeudi 28 juillet à Paris, pour la première fois depuis l’éclatement de l’affaire Khashoggi. Le président français Emmanuel Macron a reçu MBS à l’Élysée. Les observateurs auront remarqué la poignée de main chaleureuse entre les deux hommes, ce qui n’aura pas non plus échappé à l’opposition qui a dénoncé cette visite. Là aussi, c’est la guerre en Ukraine qui rend cette rencontre importante.
En plus des discussions sur les droits de l’homme et l’accord sur le nucléaire iranien – dont les négociations sont au point mort –, Emmanuel Macron a souligné «l’importance de poursuivre la coordination engagée avec l’Arabie saoudite dans la perspective de la diversification des approvisionnements énergétiques des États européens » selon un communiqué de l’Elysée. Cette diversification vient notamment du fait que la France, comme l’Union européenne, a décrété la mise en place d’un embargo sur les hydrocarbures russes, provoquant, aussi, l’envolée des prix.
Il est difficile de dire avec certitude si ce climat de grâce internationale profitera longtemps à Mohammed ben Salmane. Peut-être n’est-ce qu’un moment de vent favorable qui va dans son sens. Un vent qui peut toutefois s’arrêter de souffler d’un instant à l’autre… peut-être lorsque le conflit ukrainien prendra fin.
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