©Le président français Emmanuel Macron s'entretient avec la ministre émirienne de la Culture et du Développement des connaissances, Noura al-Kaabi (D) lors de sa visite du pavillon des Emirats à l'Expo de Dubaï. Les pays du Golfe, l'Arabie saoudite et les Emirats en particulier, se rendent bien compte qu'ils ne peuvent plus compter de la même façon sur les Américains en matière de défense.(AFP)
La commande record de 80 avions de combat français Rafale par les Emirats illustre le changement de paradigme dans le Golfe, en quête de nouveaux partenariats, de la Chine à Israël, face à la réduction de la voilure américaine.
Les Emirats arabes unis (EAU) ont signé vendredi un accord pour l'achat de 80 Rafale de nouvelle génération - un contrat total de 16 milliards d'euros - devenant le premier client à l'étranger du constructeur français Dassault devant le Qatar, l'Inde et l'Egypte. Cette commande vise à remplacer 60 Mirage 2000-9 acquis en 1998.
"Ils veulent être les mieux équipés de la région, avec du côté américain le F35 et du côté européen le choix du Rafale", pointe François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris.
En contrepartie de la normalisation de ses relations avec Israël en septembre 2020, Abou Dhabi avait obtenu l'accord de l'administration Trump pour acquérir 50 chasseurs F-35 afin de remplacer ses F-16 de fabrication américaine.
Mais les négociations avec Washington sur ce méga-contrat de 23 milliards de dollars, qui comprend également des drones Reaper, n'ont toujours pas abouti, au grand mécontentent d'Abou Dhabi.
"L'acquisition des 80 Rafale s'inscrit dans la politique d'influence, de puissance régionale des Emirats", observe également François Heisbourg.
Ils entendent de plus en plus faire entendre leur petite musique face à l'Arabie saoudite et au Qatar, leur grand rival dans la péninsule arabique, qui sera l'hôte de la Coupe du monde de football en 2022.
"Il y a une volonté de s'affranchir de la tutelle saoudienne, de montrer qu'ils sont un acteur beaucoup plus autonome qu'ils ne l'ont été, qu'ils ont leurs propres intérêts", souligne Agnès Levallois.
Ils se sont ainsi engagés dans une normalisation avec Israël, avec à la clé un important volet de coopération militaire, là où l'Arabie, freinée par une opinion hostile, s'est abstenue.
Abou Dhabi prône aussi un politique de désescalade dans la région, y compris face à l'Iran. "Nous devons changer le modèle de confrontation ouverte" qui a prévalu ces dernières décennies, martèle Anwar Gargash, conseiller du président émirati, en concédant lui aussi que les Etats-Unis ne "conserveront pas (éternellement) le même engagement dans la région".
"Le contrat des Rafale confirme aussi la dominante aérienne de la puissance militaire émiratie", considère Emma Soubrier, experte à l'Institute for Middle East Studies à Washington.
Les Emirats ont engagé leur aviation dans la coalition internationale contre le groupe Etat islamique et au côté des Occidentaux en Libye en 2011. Ils ont depuis apporté un soutien militaire appuyé à l'homme fort de l'Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar.
En optant pour le Rafale, Abou Dhabi confirme aussi un partenariat stratégique de longue date avec la France, qui y dispose de trois bases.
"Ca annonce un potentiel nouveau tournant, résolument ancré dans une relation avec la France", esquisse Emma Soubrier.
Et ce à un moment où les crispations s'accumulent entre Abou Dhabi et Washington, autour du F-35 mais aussi du rapprochement des Emirats avec la Chine, adversaire stratégique numéro un des Etats-Unis.
"La Chine est un important partenaire commercial des EAU (..) Et un volet de défense a commencé à se consolider", constate l'experte basée à Washington.
Les Emirats se sont dotés de drones armés chinois Wing Loong. Il est en outre "question de la construction d'une base chinoise, une vraie ligne rouge" pour Washington, dit-elle.
AFP
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