Le Haut-Karabakh reste au cœur des tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Malgré des pourparlers de paix sous l’égide de l’Union européenne et la présence des forces russes pour assurer le maintien de la paix, les accrochages restent fréquents.
La région du Haut-Karabakh a été le théâtre de nouveaux affrontements entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Malgré la présence de militaires russes pour assurer le maintien de la paix, les accrochages ont fait trois morts. L’armée azerbaïdjanaise a annoncé avoir attaqué plusieurs positions arméniennes, dans une opération baptisée « vengeance ». « Le contrôle a été établi sur plusieurs hauteurs importantes », a souligné dans un communiqué le ministère de la Défense azerbaïdjanais.
Selon Tigrane Yégavian, chercheur au Centre français de Recherche sur le Renseignement et spécialiste de l’Arménie, «la raison annoncée de cette escalade était la demande de l'Azerbaïdjan de cesser d'utiliser la route actuelle reliant Goris en Arménie à Stepanakert (capitale du Karabakh) qui traverse Berdzor, de déplacer la population arménienne hors de Berdzor et des villages environnants et de déplacer le flux de transport vers la route alternative nouvellement construite». L’objectif étant de compliquer la connexion entre l'Arménie et la République du Haut-Karabakh…
Image aérienne du ministère azerbaïdjanais de la Défense montrant les frappes contre des positions arméniennes dans le Haut-Karabakh (AFP)
Présente dans la région pour assurer le maintien de la paix, la Russie a accusé Bakou d’avoir violé le cessez-le-feu en vigueur depuis la guerre de 2020. Dans un communiqué, le ministère russe de la Défense a insisté pour que «le commandement de la force russe de maintien de la paix, avec des représentants de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie, prenne des mesures pour stabiliser la situation». De son côté, le porte-parole du chef de la diplomatie de l’Union européenne Peter Stano a déclaré qu’«il est essentiel de désamorcer, de respecter pleinement le cessez-le-feu et de revenir à la table des négociations pour rechercher des solutions pacifiques».
L’Arménie avait appelé la communauté internationale à «prendre des mesures pour arrêter l'attitude et les actions agressives de l'Azerbaïdjan et d'actionner les mécanismes nécessaires pour se faire». Suite aux attaques, le dirigeant des Arméniens du Haut-Karabakh, Arayik Haroutiounian, a proclamé une mobilisation militaire partielle dans tout le territoire. Depuis plusieurs mois, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont pourtant engagés dans des pourparlers de paix, sous l’égide de l’Union européenne.
Ancien territoire soviétique, le Haut-Karabakh avait été rattaché à l’Azerbaïdjan par Staline en 1921. À la chute de l’Union soviétique en 1991, une guerre avait éclaté entre les deux pays pour se départager ce territoire. Le Haut-Karabakh est un territoire particulièrement montagneux. D'ailleurs, le nom même est composé des termes Nagorny, qui veut dire "haut" ou "montagneux" en russe, et Karabagh (ou -bakh), pour "verger noir" en turc. Il est peuplé en majorité d’Arméniens. Après trois ans de combats intenses, l’Arménie avait gagné la guerre et récupéra de nombreux territoires en 1994.
Cependant, en 2020, la région avait de nouveau été frappée par une guerre entre les deux pays. L’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie, remporta alors la victoire et récupéra la totalité des territoires perdus en 1994. Cette guerre a été vécue comme une humiliation par l’Arménie, et nombre d’Arméniens ont appelé à la démission du Premier ministre Nikol Pachinian, qu’ils accusent d'avoir engagé une armée mal préparée et d’avoir fait trop de concessions aux Azéris. Les deux conflits ont fait des dizaines de milliers de morts. Le Haut-Karabakh, que ses habitants arméniens appellent Artsakh, est une république auto-proclamée depuis 1991, qui n’est reconnue par aucun État membre de l’ONU.
Selon Antranik Dakessian, directeur du Centre de recherche sur la diaspora arménienne de l’Université Haigazian, la question centrale est «l’opposition entre le principe du droit à l'autodétermination et le principe de l'intégrité territoriale». L’Azerbaïdjan refuse, en effet, le droit à l’autonomie des populations arméniennes du Haut-Karabakh. «C'est la question politique centrale du conflit» ajoute-t-il, « pour l'Azerbaïdjan, la région du Haut-Karabakh a été une arrière-cour isolée tout au long des décennies soviétiques. Cependant, le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, a fondé sa carrière politique sur la défaite des Arméniens et sur l'intégration complète de la région à l'Azerbaïdjan continental ».
Depuis la guerre de 2020 et la mise en place d’un cessez-le-feu, des pourparlers de paix ont lieu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sous l’égide de l’Union européenne. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays se sont rencontrés en juillet dernier et « ont discuté d’une large palette de sujets relatifs à la normalisation des relations entre les deux pays », selon un communiqué du ministère arménien. Cette réunion faisait suite aux deux rencontres en avril et en mai entre le président azerbaïdjanais et son homologue arménien à Bruxelles.
Pourtant, on observe des violations régulières du cessez-le-feu et les désaccords entre les deux pays restent importants. L’Azerbaïdjan demande à l’Arménie de retirer ses troupes du Haut-Karabakh, alors qu’il mène depuis janvier des voyages réguliers en bus vers les territoires repris aux Arméniens, dans le cadre d'une opération nommée « Grand retour ». L’objectif est de repeupler le Karabakh avec une population azérie, un plan dans lequel le gouvernement a investi 1,3 milliard de dollars.
Les ministres des Affaires étrangères de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan réunis en Géorgie pour leurs premiers pourparlers depuis la guerre de 2020. (AFP)
«L’Azerbaïdjan n’est pas satisfait de la situation consécutive à l’accord trilatéral de cessez-le-feu du 9 novembre 2020», analyse Tigrane Yégavian. «Son but est d’exercer une pression maximale pour étrangler ce qui reste du Karabakh arménien et favoriser l’exode de sa population et d'entraîner le départ des forces russes de maintien de la paix » ajoute-t-il. L’Azerbaïdjan dispose en outre d’un armement dernier cri, fourni par la Russie, la Turquie et Israël.
De son côté, l’Arménie exige que son voisin reconnaisse «l’existence du Haut-Karabakh» et le « corridor de Latchin », qui relie l’enclave séparatiste à l’Arménie. Elle souhaite également que l’Azerbaïdjan signe un document sur le mandat des forces russes présentes dans la région, ce que ce dernier refuse. L’Arménie a annoncé pour septembre le retrait de ses troupes du Haut-Karabakh, mais les forces séparatistes arméniennes, celles des Arméniens du Karabakh devraient rester dans leur zone.
La communauté internationale est peu engagée dans le conflit. L’Union européenne tente de parvenir à un traité de paix entre les deux parties, mais le manque de volonté des belligérants et la défiance de la Russie rend ses efforts vains. «La Russie est le principal acteur concerné et n’a aucunement l’intention de régler le conflit», souligne Tigrane Yégavian. «Son intérêt vise à le geler afin de pérenniser sa présence militaire dans cette zone considérée comme un avant-poste de son ancien empire. Pour cela, elle a besoin d'une population arménienne pour justifier la présence de ses forces de maintien de la paix ». Ainsi, la Russie n’a pas pour objectif principal d’assurer la sécurité des populations arméniennes. Sa stratégie reste d’assurer sa présence dans la région, tout en ménageant les différents acteurs selon ses intérêts. Ainsi, un éventuel accord avec l’Azerbaïdjan pourrait la pousser à revoir sa politique.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev, dans la ville symbolique de Choucha dans la région du Haut-Karabakh (AFP)
La Turquie est également engagée dans le conflit, soutenant l’Azerbaïdjan. Ce soutien a permis Bakou de remporter la guerre de 2020 et de poursuivre sa politique d’expansion territoriale, face à une Arménie assez isolée au niveau politique. «Sur la scène régionale et internationale, la Turquie, en tant qu'héritière de l'Empire ottoman, aspire à retrouver son statut d'avant-guerre», analyse Antranik Dakessian. Il ajoute que «la Turquie tient à établir une région panturque qui traverse le Caucase, pour inclure l'Asie centrale jusqu'aux territoires des Ouïghours dans l'ouest de la Chine». L’un de ses objectifs est donc d’établir un couloir qui ferait la jonction entre son territoire et l’Azerbaïdjan, grâce à la région du Siunik, territoire arménien qui sépare l’enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan du reste du pays.
Face au désintérêt de la communauté internationale, l’Arménie est en conséquence isolée, alors que l’Azerbaïdjan profite d’un rapport de force favorable. « La communauté internationale devrait s'impliquer de manière proactive dans ces conflits pour imposer une solution de compromis. Sinon, ces conflits pourraient s'aggraver, devenir incontrôlables et, qui sait, conduire à une catastrophe mondiale sans précédent», conclut Antranik Dakessian.
La région du Haut-Karabakh a été le théâtre de nouveaux affrontements entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Malgré la présence de militaires russes pour assurer le maintien de la paix, les accrochages ont fait trois morts. L’armée azerbaïdjanaise a annoncé avoir attaqué plusieurs positions arméniennes, dans une opération baptisée « vengeance ». « Le contrôle a été établi sur plusieurs hauteurs importantes », a souligné dans un communiqué le ministère de la Défense azerbaïdjanais.
Selon Tigrane Yégavian, chercheur au Centre français de Recherche sur le Renseignement et spécialiste de l’Arménie, «la raison annoncée de cette escalade était la demande de l'Azerbaïdjan de cesser d'utiliser la route actuelle reliant Goris en Arménie à Stepanakert (capitale du Karabakh) qui traverse Berdzor, de déplacer la population arménienne hors de Berdzor et des villages environnants et de déplacer le flux de transport vers la route alternative nouvellement construite». L’objectif étant de compliquer la connexion entre l'Arménie et la République du Haut-Karabakh…
Image aérienne du ministère azerbaïdjanais de la Défense montrant les frappes contre des positions arméniennes dans le Haut-Karabakh (AFP)
Présente dans la région pour assurer le maintien de la paix, la Russie a accusé Bakou d’avoir violé le cessez-le-feu en vigueur depuis la guerre de 2020. Dans un communiqué, le ministère russe de la Défense a insisté pour que «le commandement de la force russe de maintien de la paix, avec des représentants de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie, prenne des mesures pour stabiliser la situation». De son côté, le porte-parole du chef de la diplomatie de l’Union européenne Peter Stano a déclaré qu’«il est essentiel de désamorcer, de respecter pleinement le cessez-le-feu et de revenir à la table des négociations pour rechercher des solutions pacifiques».
L’Arménie avait appelé la communauté internationale à «prendre des mesures pour arrêter l'attitude et les actions agressives de l'Azerbaïdjan et d'actionner les mécanismes nécessaires pour se faire». Suite aux attaques, le dirigeant des Arméniens du Haut-Karabakh, Arayik Haroutiounian, a proclamé une mobilisation militaire partielle dans tout le territoire. Depuis plusieurs mois, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se sont pourtant engagés dans des pourparlers de paix, sous l’égide de l’Union européenne.
Un conflit ancien
Ancien territoire soviétique, le Haut-Karabakh avait été rattaché à l’Azerbaïdjan par Staline en 1921. À la chute de l’Union soviétique en 1991, une guerre avait éclaté entre les deux pays pour se départager ce territoire. Le Haut-Karabakh est un territoire particulièrement montagneux. D'ailleurs, le nom même est composé des termes Nagorny, qui veut dire "haut" ou "montagneux" en russe, et Karabagh (ou -bakh), pour "verger noir" en turc. Il est peuplé en majorité d’Arméniens. Après trois ans de combats intenses, l’Arménie avait gagné la guerre et récupéra de nombreux territoires en 1994.
Cependant, en 2020, la région avait de nouveau été frappée par une guerre entre les deux pays. L’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie, remporta alors la victoire et récupéra la totalité des territoires perdus en 1994. Cette guerre a été vécue comme une humiliation par l’Arménie, et nombre d’Arméniens ont appelé à la démission du Premier ministre Nikol Pachinian, qu’ils accusent d'avoir engagé une armée mal préparée et d’avoir fait trop de concessions aux Azéris. Les deux conflits ont fait des dizaines de milliers de morts. Le Haut-Karabakh, que ses habitants arméniens appellent Artsakh, est une république auto-proclamée depuis 1991, qui n’est reconnue par aucun État membre de l’ONU.
Selon Antranik Dakessian, directeur du Centre de recherche sur la diaspora arménienne de l’Université Haigazian, la question centrale est «l’opposition entre le principe du droit à l'autodétermination et le principe de l'intégrité territoriale». L’Azerbaïdjan refuse, en effet, le droit à l’autonomie des populations arméniennes du Haut-Karabakh. «C'est la question politique centrale du conflit» ajoute-t-il, « pour l'Azerbaïdjan, la région du Haut-Karabakh a été une arrière-cour isolée tout au long des décennies soviétiques. Cependant, le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, a fondé sa carrière politique sur la défaite des Arméniens et sur l'intégration complète de la région à l'Azerbaïdjan continental ».
Les pourparlers de paix
Depuis la guerre de 2020 et la mise en place d’un cessez-le-feu, des pourparlers de paix ont lieu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sous l’égide de l’Union européenne. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays se sont rencontrés en juillet dernier et « ont discuté d’une large palette de sujets relatifs à la normalisation des relations entre les deux pays », selon un communiqué du ministère arménien. Cette réunion faisait suite aux deux rencontres en avril et en mai entre le président azerbaïdjanais et son homologue arménien à Bruxelles.
Pourtant, on observe des violations régulières du cessez-le-feu et les désaccords entre les deux pays restent importants. L’Azerbaïdjan demande à l’Arménie de retirer ses troupes du Haut-Karabakh, alors qu’il mène depuis janvier des voyages réguliers en bus vers les territoires repris aux Arméniens, dans le cadre d'une opération nommée « Grand retour ». L’objectif est de repeupler le Karabakh avec une population azérie, un plan dans lequel le gouvernement a investi 1,3 milliard de dollars.
Les ministres des Affaires étrangères de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan réunis en Géorgie pour leurs premiers pourparlers depuis la guerre de 2020. (AFP)
«L’Azerbaïdjan n’est pas satisfait de la situation consécutive à l’accord trilatéral de cessez-le-feu du 9 novembre 2020», analyse Tigrane Yégavian. «Son but est d’exercer une pression maximale pour étrangler ce qui reste du Karabakh arménien et favoriser l’exode de sa population et d'entraîner le départ des forces russes de maintien de la paix » ajoute-t-il. L’Azerbaïdjan dispose en outre d’un armement dernier cri, fourni par la Russie, la Turquie et Israël.
De son côté, l’Arménie exige que son voisin reconnaisse «l’existence du Haut-Karabakh» et le « corridor de Latchin », qui relie l’enclave séparatiste à l’Arménie. Elle souhaite également que l’Azerbaïdjan signe un document sur le mandat des forces russes présentes dans la région, ce que ce dernier refuse. L’Arménie a annoncé pour septembre le retrait de ses troupes du Haut-Karabakh, mais les forces séparatistes arméniennes, celles des Arméniens du Karabakh devraient rester dans leur zone.
Acteurs internationaux au conflit
La communauté internationale est peu engagée dans le conflit. L’Union européenne tente de parvenir à un traité de paix entre les deux parties, mais le manque de volonté des belligérants et la défiance de la Russie rend ses efforts vains. «La Russie est le principal acteur concerné et n’a aucunement l’intention de régler le conflit», souligne Tigrane Yégavian. «Son intérêt vise à le geler afin de pérenniser sa présence militaire dans cette zone considérée comme un avant-poste de son ancien empire. Pour cela, elle a besoin d'une population arménienne pour justifier la présence de ses forces de maintien de la paix ». Ainsi, la Russie n’a pas pour objectif principal d’assurer la sécurité des populations arméniennes. Sa stratégie reste d’assurer sa présence dans la région, tout en ménageant les différents acteurs selon ses intérêts. Ainsi, un éventuel accord avec l’Azerbaïdjan pourrait la pousser à revoir sa politique.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev, dans la ville symbolique de Choucha dans la région du Haut-Karabakh (AFP)
La Turquie est également engagée dans le conflit, soutenant l’Azerbaïdjan. Ce soutien a permis Bakou de remporter la guerre de 2020 et de poursuivre sa politique d’expansion territoriale, face à une Arménie assez isolée au niveau politique. «Sur la scène régionale et internationale, la Turquie, en tant qu'héritière de l'Empire ottoman, aspire à retrouver son statut d'avant-guerre», analyse Antranik Dakessian. Il ajoute que «la Turquie tient à établir une région panturque qui traverse le Caucase, pour inclure l'Asie centrale jusqu'aux territoires des Ouïghours dans l'ouest de la Chine». L’un de ses objectifs est donc d’établir un couloir qui ferait la jonction entre son territoire et l’Azerbaïdjan, grâce à la région du Siunik, territoire arménien qui sépare l’enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan du reste du pays.
Face au désintérêt de la communauté internationale, l’Arménie est en conséquence isolée, alors que l’Azerbaïdjan profite d’un rapport de force favorable. « La communauté internationale devrait s'impliquer de manière proactive dans ces conflits pour imposer une solution de compromis. Sinon, ces conflits pourraient s'aggraver, devenir incontrôlables et, qui sait, conduire à une catastrophe mondiale sans précédent», conclut Antranik Dakessian.
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