Avec la crise qui sévit, de plus en plus de chiens et de chats sont abandonnés par leurs propriétaires. De leur côté, les refuges sont sursaturés et en butte à de nombreuses difficultés pour s’occuper de leurs pensionnaires.
Lundi, une famille libanaise, sur le point de prendre l’avion, injecte une dose de tranquillisant à son chien avant de l’abandonner devant la porte numéro 3 de l’aéroport. Les employés, choqués par la cruauté de ce geste, se sont efforcés de s’occuper du chien, qui pleurait et cherchait sa famille.
Il y a un mois, c’était au tour des employés et volontaires de l’ONG Give me a paw de vivre le cauchemar. Devant le refuge de l’ONG à Deir Khouna, quelque 69 chiens, en état de dénutrition avancée et extrêmement malades avaient été lâchés. Certains d’entre eux s’étaient égarés dans la forêt avoisinante. «Ils avaient presque tous la gale, la maladie de Carré (maladie due à un virus proche de celui de la rougeole humaine, NDLR) et des parasites», raconte à Ici Beyrouth Tamara Abi Khalil, gérante du refuge de Give me a paw. «Je pensais qu’ils étaient morts, poursuit-elle. Ils étaient surtout terrifiés.»
Au cœur de ce scandale, la gérante d’un refuge illégal à Nahr Ibrahim qui, en manque d’argent, a décidé d’abandonner les chiens qui présentaient tous une maladie cutanée. Elle aurait été victime de menaces de mort, si elle ne déménageait pas avec ses chiens.
Un fléau
Ces histoires tragiques ne sont qu’un épisode d’un drame, peu visible, qui accable le Liban et dont les victimes sont les animaux domestiques. De plus en plus de chiens et de chats sont abandonnés par leurs propriétaires qui les laissent en pleine rue, alors que les refuges sont sursaturés et en butte à de nombreuses difficultés pour s’occuper de leurs pensionnaires. La crise économique et financière qui sévit depuis 2019 les touche de plein fouet. Ils ont atteint un niveau de saturation tel qu’ils n’acceptent plus que les cas d’urgence, comme c’est le cas pour BETA, qui dénonce une «irresponsabilité générale».
«Les abandons de chiens ont explosé au Liban depuis le début de la crise», déplore Helena Husseini, vice-présidente de l’association BETA. «Ce qui est dramatique, d’autant que, contrairement aux chiens sauvages, les chiens domestiques ne savent pas se débrouiller dans la rue. Ils finissent par mourir de faim ou renversés par des voitures.»
L’une des solutions envisagées est d’acheminer les chiens vers l’étranger. «La procédure est longue et coûteuse, précise Mme Husseini. Les gens n’y pensent pas ou ne s’y prennent pas assez en avance. Ils finissent par abandonner leur animal ou par le déposer chez nous.»
Avec l’effondrement financier et la chute drastique du pouvoir d’achat des Libanais, le coût d’entretien d’un animal est devenu parfois prohibitif, notamment si celui-ci est affligé d’un handicap ou d’une maladie. Ce coût est estimé en moyenne à 150 dollars par mois par l’association Give me a paw, alors que le sac de croquettes pour chiens coûte environ 22 dollars et qu’une visite de routine chez le vétérinaire peut coûter 60 dollars. Depuis 2019, le nombre d’animaux abandonnés ne fait qu’augmenter.
Une loi peu appliquée
Ce comportement est pourtant sanctionné par la loi libanaise. Votée en 2017, la loi sur la protection et le bien-être des animaux détaille les devoirs du propriétaire envers son animal domestique, interdit les violences contre les animaux et garantit leur bon traitement.
La loi prévoit aussi une amende allant de trois à vingt millions de livres libanaises en cas d’infraction, et une peine de prison entre trois mois et deux ans dans le cas d’un établissement animalier n’appliquant pas les normes légales. De même, l’État libanais est en mesure de confisquer un animal, le placer dans un refuge, l’euthanasier ou le vendre si son propriétaire est suspecté de l’avoir maltraité. En cas de récidive, ces sanctions sont doublées.
Dans la majorité des cas, cette loi n’est toutefois pas appliquée, ou elle l’est de manière sélective, selon les agents de police. «Nous recevons près de 1.000 demandes d’aide par mois, et nous essayons de recenser les violations de la loi», explique Guy Hakim, apprenti vétérinaire chez Animals Lebanon. «L’application de la loi dépend vraiment du fonctionnaire, poursuit-il. Souvent ils rigolent et ne prennent pas notre demande au sérieux. Parfois ils sont compatissants et font leur travail.» Jusqu’à présent, seule une personne a été condamnée pour violation de la loi de protection des animaux, en 2018.
Les Forces de sécurité intérieure estiment pour leur part que l’abandon d’un animal n’est pas illégal, empêchant toute poursuite judiciaire contre les propriétaires.
«Il n’y a en réalité aucune pénalité en cas d’attaque contre des chiens, dénonce Helena Husseini. Les gens se prennent en photo, en vidéo en train de se défouler sur des chiens, et il n’y a aucune conséquence.» Montrant des animaux défigurés ou handicapés par les sévices humains, elle déplore: «On nous dit de nous occuper des enfants au lieu de nous occuper des chiens.»
Les refuges au bord de l’implosion
Pas une seule adoption de chien depuis trois mois, déplore l’association BETA, qui est obligée de recourir aux adoptions internationales, longues et coûteuses. Idem pour Animals Lebanon qui, avant 2020, faisait adopter plus de 300 animaux par an, un chiffre qui a chuté à 50 cette année.
«Les adoptions au Liban sont devenues quasi inexistantes, surtout pour les gros chiens, révèle Helena Husseini. Nous avons eu à peine six adoptions locales depuis début janvier.» Selon elle, les adoptions internationales sont aussi rendues difficiles par le refus de la plupart des compagnies de voyage d’accepter les chiens en transit, hormis Qatar Airways, ainsi que par le coût très important du voyage. De même, le Canada et les États-Unis, principaux pays d’accueil jusque-là, ont fermé leurs frontières aux chiens libanais jusqu’à nouvel ordre, notamment en raison du risque de rage.
Les propriétaires d’animaux n’hésitent pas à confier leur animal aux refuges, qui sont à présent saturés. Augmentation des besoins et baisse du financement placent ces associations devant des situations tragiques: refuser d’accueillir des chiens qui ne sont pas en danger immédiat, par manque de place et d’argent. BETA, qui accueille 850 chiens et 350 chats, a dû changer de localisation par manque de place et a renoncé à ses bureaux, pour y accueillir des animaux. Même paysage chez Animals Lebanon, où les cages pour chats ont remplacé les bureaux et étagères.
«Nous n’avons plus de place pour accueillir des animaux, même dans nos domiciles personnels, explique Jason Mier, assistant vétérinaire chez Animals Lebanon. Aussi, quand les gens recueillent des animaux, nous les aidons en offrant des cages, des visites gratuites chez le vétérinaire, et nous répondons à leurs questions concernant le bien-être de l’animal.»
Les travailleurs animaliers sont unanimes: face à la crise, il est impératif que tout le monde fasse preuve d’un sens des responsabilités. Un individu ou une famille ne doivent pas se procurer un animal de compagnie s’ils ne souhaitent pas s’en occuper pendant des années. De même, la castration constitue une solution pérenne pour résoudre la crise animalière au Liban, qui, comme dans tous les pans de la société, gagne de l’ampleur.
Lundi, une famille libanaise, sur le point de prendre l’avion, injecte une dose de tranquillisant à son chien avant de l’abandonner devant la porte numéro 3 de l’aéroport. Les employés, choqués par la cruauté de ce geste, se sont efforcés de s’occuper du chien, qui pleurait et cherchait sa famille.
Il y a un mois, c’était au tour des employés et volontaires de l’ONG Give me a paw de vivre le cauchemar. Devant le refuge de l’ONG à Deir Khouna, quelque 69 chiens, en état de dénutrition avancée et extrêmement malades avaient été lâchés. Certains d’entre eux s’étaient égarés dans la forêt avoisinante. «Ils avaient presque tous la gale, la maladie de Carré (maladie due à un virus proche de celui de la rougeole humaine, NDLR) et des parasites», raconte à Ici Beyrouth Tamara Abi Khalil, gérante du refuge de Give me a paw. «Je pensais qu’ils étaient morts, poursuit-elle. Ils étaient surtout terrifiés.»
Au cœur de ce scandale, la gérante d’un refuge illégal à Nahr Ibrahim qui, en manque d’argent, a décidé d’abandonner les chiens qui présentaient tous une maladie cutanée. Elle aurait été victime de menaces de mort, si elle ne déménageait pas avec ses chiens.
Un fléau
Ces histoires tragiques ne sont qu’un épisode d’un drame, peu visible, qui accable le Liban et dont les victimes sont les animaux domestiques. De plus en plus de chiens et de chats sont abandonnés par leurs propriétaires qui les laissent en pleine rue, alors que les refuges sont sursaturés et en butte à de nombreuses difficultés pour s’occuper de leurs pensionnaires. La crise économique et financière qui sévit depuis 2019 les touche de plein fouet. Ils ont atteint un niveau de saturation tel qu’ils n’acceptent plus que les cas d’urgence, comme c’est le cas pour BETA, qui dénonce une «irresponsabilité générale».
«Les abandons de chiens ont explosé au Liban depuis le début de la crise», déplore Helena Husseini, vice-présidente de l’association BETA. «Ce qui est dramatique, d’autant que, contrairement aux chiens sauvages, les chiens domestiques ne savent pas se débrouiller dans la rue. Ils finissent par mourir de faim ou renversés par des voitures.»
L’une des solutions envisagées est d’acheminer les chiens vers l’étranger. «La procédure est longue et coûteuse, précise Mme Husseini. Les gens n’y pensent pas ou ne s’y prennent pas assez en avance. Ils finissent par abandonner leur animal ou par le déposer chez nous.»
Avec l’effondrement financier et la chute drastique du pouvoir d’achat des Libanais, le coût d’entretien d’un animal est devenu parfois prohibitif, notamment si celui-ci est affligé d’un handicap ou d’une maladie. Ce coût est estimé en moyenne à 150 dollars par mois par l’association Give me a paw, alors que le sac de croquettes pour chiens coûte environ 22 dollars et qu’une visite de routine chez le vétérinaire peut coûter 60 dollars. Depuis 2019, le nombre d’animaux abandonnés ne fait qu’augmenter.
Une loi peu appliquée
Ce comportement est pourtant sanctionné par la loi libanaise. Votée en 2017, la loi sur la protection et le bien-être des animaux détaille les devoirs du propriétaire envers son animal domestique, interdit les violences contre les animaux et garantit leur bon traitement.
La loi prévoit aussi une amende allant de trois à vingt millions de livres libanaises en cas d’infraction, et une peine de prison entre trois mois et deux ans dans le cas d’un établissement animalier n’appliquant pas les normes légales. De même, l’État libanais est en mesure de confisquer un animal, le placer dans un refuge, l’euthanasier ou le vendre si son propriétaire est suspecté de l’avoir maltraité. En cas de récidive, ces sanctions sont doublées.
Dans la majorité des cas, cette loi n’est toutefois pas appliquée, ou elle l’est de manière sélective, selon les agents de police. «Nous recevons près de 1.000 demandes d’aide par mois, et nous essayons de recenser les violations de la loi», explique Guy Hakim, apprenti vétérinaire chez Animals Lebanon. «L’application de la loi dépend vraiment du fonctionnaire, poursuit-il. Souvent ils rigolent et ne prennent pas notre demande au sérieux. Parfois ils sont compatissants et font leur travail.» Jusqu’à présent, seule une personne a été condamnée pour violation de la loi de protection des animaux, en 2018.
Les Forces de sécurité intérieure estiment pour leur part que l’abandon d’un animal n’est pas illégal, empêchant toute poursuite judiciaire contre les propriétaires.
«Il n’y a en réalité aucune pénalité en cas d’attaque contre des chiens, dénonce Helena Husseini. Les gens se prennent en photo, en vidéo en train de se défouler sur des chiens, et il n’y a aucune conséquence.» Montrant des animaux défigurés ou handicapés par les sévices humains, elle déplore: «On nous dit de nous occuper des enfants au lieu de nous occuper des chiens.»
Les refuges au bord de l’implosion
Pas une seule adoption de chien depuis trois mois, déplore l’association BETA, qui est obligée de recourir aux adoptions internationales, longues et coûteuses. Idem pour Animals Lebanon qui, avant 2020, faisait adopter plus de 300 animaux par an, un chiffre qui a chuté à 50 cette année.
«Les adoptions au Liban sont devenues quasi inexistantes, surtout pour les gros chiens, révèle Helena Husseini. Nous avons eu à peine six adoptions locales depuis début janvier.» Selon elle, les adoptions internationales sont aussi rendues difficiles par le refus de la plupart des compagnies de voyage d’accepter les chiens en transit, hormis Qatar Airways, ainsi que par le coût très important du voyage. De même, le Canada et les États-Unis, principaux pays d’accueil jusque-là, ont fermé leurs frontières aux chiens libanais jusqu’à nouvel ordre, notamment en raison du risque de rage.
Les propriétaires d’animaux n’hésitent pas à confier leur animal aux refuges, qui sont à présent saturés. Augmentation des besoins et baisse du financement placent ces associations devant des situations tragiques: refuser d’accueillir des chiens qui ne sont pas en danger immédiat, par manque de place et d’argent. BETA, qui accueille 850 chiens et 350 chats, a dû changer de localisation par manque de place et a renoncé à ses bureaux, pour y accueillir des animaux. Même paysage chez Animals Lebanon, où les cages pour chats ont remplacé les bureaux et étagères.
«Nous n’avons plus de place pour accueillir des animaux, même dans nos domiciles personnels, explique Jason Mier, assistant vétérinaire chez Animals Lebanon. Aussi, quand les gens recueillent des animaux, nous les aidons en offrant des cages, des visites gratuites chez le vétérinaire, et nous répondons à leurs questions concernant le bien-être de l’animal.»
Les travailleurs animaliers sont unanimes: face à la crise, il est impératif que tout le monde fasse preuve d’un sens des responsabilités. Un individu ou une famille ne doivent pas se procurer un animal de compagnie s’ils ne souhaitent pas s’en occuper pendant des années. De même, la castration constitue une solution pérenne pour résoudre la crise animalière au Liban, qui, comme dans tous les pans de la société, gagne de l’ampleur.
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