Dans le nord de Chypre, des maronites retrouvent avec nostalgie leur village abandonné
©Le patriarche maronite libanais, Mgr Béchara Raï (à gauche) en compagnie de Chypriotes maronites à son arrivée dans le village de Karpasha (Karpaseia), dans la République turque autoproclamée de Chypre du Nord, lors d'une tournée organisée en décembre 4, 2021. Photo Christina Assi/AFP
Les Chypriotes maronites, dont le nombre est estimé près de 6000 personnes, sont issus de quatre villages: Agia Marina, Karpasia, Kormakitis et Asomatos. Ils sont restés dans les villages de Kormakitis et Karpasia, bien que leur nombre ait diminué au fil des ans, lais les villages d'Agia Marina et d'Asomatos ont été abandonnés.

Ninos Josephides, un Chypriote maronite de 68 ans, n'a que rarement l'occasion de se rendre dans son village natal d'Agia Marina, transformé en site militaire après l'invasion du tiers nord de l'île par la Turquie il y a 47 ans.

«Ma maison était là, juste en face de l'église. Elle a été détruite. Il y avait beaucoup de maisons ici», raconte-t-il à une équipe de l'AFP, qui a participé samedi à une visite organisée par l'église maronite dans ces villages que la communauté a dû abandonner en 1974.

Une autorisation exceptionnelle a été accordée à un groupe d'une cinquantaine de personnes à la demande du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, venu du Liban voisin à l'occasion du la visite jeudi et vendredi du pape François à Chypre.

L'église d'Agia Marina est un des seuls bâtiments à ne pas avoir été occupé par l'armée turque, qui utilise les quelques maisons qui restent.

Les Chypriotes maronites, entre 5.000 et 7.000 personnes, sont issus de quatre villages: Agia Marina, Karpasia, Kormakitis et Asomatos.

L'île méditerranéenne est divisée depuis 1974, après que la Turquie a envahi son tiers nord en réponse à un coup d'Etat de nationalistes chypriotes-grecs qui voulaient la rattacher à la Grèce.
Bien que le coup d'Etat ait échoué, les forces turques ne se sont pas retirées depuis et les Chypriotes-grecs, dont la majorité sont orthodoxes, ont fui vers la partie sud, laissant derrière eux leurs tous leurs biens.

Les négociations, sous l'égide de l'ONU pour la réunification du seul pays divisé de l'Union européenne, sont suspendues depuis 2014.

Contraints de fuir


Les maronites, une minorité appartenant à l'Eglise catholique, sont eux restés dans les villages de Kormakitis et Karpasia, bien que leur nombre ait diminué au fil des ans. Mais les villages d'Agia Marina et d'Asomatos ont été abandonnés.

«Notre village a été bombardé et ses habitants ont été contraints de fuir. Ils pensaient qu'ils reviendraient le lendemain. Ça n'a pas été le cas», se souvient Ninos Josephides.
Mais quand en 2003, le passage entre les deux parties de l'île a été ouvert, les Chypriotes-grecs et les maronites avaient pu retrouver leurs villages, découvrant parfois que leurs maisons avaient été détruites, étaient occupées par l'armée ou habitées par d'autres.


Quant à Agia Marina et Asomatos, ils ont été transformés en bases militaires pour l'armée turque. Plus de 30.000 soldats turcs sont stationnés dans la partie nord de l'île.

Cinq fois par an, les autorités de la République turque de Chypre-Nord (RTCN, autoproclamée et reconnue uniquement par Ankara) autorisent les maronites à se rendre à Agia Marina à l'occasion des fêtes religieuses, où l'église est l'un des derniers bâtiments encore debout.

Jeudi, le pape François avait appelé au dialogue pour «guérir» la «terrible lacération» dont souffre l'île.

Le patriarche maronite à l'issue d'une messe célébré en l'église de l'Archange Mikhalis dans le village maronite d'Asomatos, dans la République turque autoproclamée de Chypre du Nord. Photo Christina Assi/AFP

«Repartir de zéro»


A Asomatos, les maronites sont autorisés à célébrer une messe hebdomadaire. Ils doivent s’enregistrer deux jours avant et quitter le village dès la fin de la messe.

«Ma mère avait refusé de partir» après l'invasion turque, raconte Maria Partella Stefani, 71 ans. «Elle vendait du pain aux soldats turcs pour survivre. A sa mort, les forces turques ont confisqué sa maison», dit-elle.

«Je suis née et j'ai grandi ici. Je me suis mariée ici. Ma maison a été construite trois mois avant l'invasion. Elle est maintenant occupée par un commandant de l'armée turque», confie-t-elle avec tristesse. Aujourd'hui, elle vit dans la partie sud de l'île, tout comme sa soeur Anetta.

«J'ai été forcée de partir (...) et j'ai dû repartir de zéro», poursuit Anetta, ajoutant que son rêve serait de retourner dans son village.

«Pour les maronites, ces villages sont leurs foyers» et leurs racines, a déclaré à l'AFP l'archevêque maronite de Chypre, Salim Sfeir, soulignant l'importance de la visite du cardinal maronite pour le «moral» de toute la communauté.

Source: AFP/Christy-Belle GEHA
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