La crise prive les enfants de leurs droits basiques 
©Bahaa, 13 ans, a décidé de travailler durant l’été pour aider sa famille. ©Unicef Liban
Dans un nouveau rapport rendu public jeudi, l’Unicef déplore l’impact de la crise économique et de la pandémie sur les enfants, celle-ci affectant tous les aspects de leur vie. Selon le document, de nombreux enfants n’ont plus accès à leurs droits les plus élémentaires comme la santé et l’éducation.

La crise économique et financière qui sévit au Liban depuis trois ans, conjuguée à la pandémie de Covid-19, a entraîné une dégradation des progrès enregistrés pour garantir les droits fondamentaux des enfants – y compris le droit à la santé, à l’éducation, à la protection, au jeu et aux loisirs, selon un nouveau rapport de l’Unicef rendu public jeudi.

Baptisé «Des enfances défavorisées, la pauvreté des enfants dans un Liban en crise», le document souligne qu’en juin 2022, 80% des ménages ayant fait l’objet de l’étude n’avaient pas assez d’argent pour couvrir leurs besoins essentiels, et 38% ont réduit les dépenses pour l’éducation contre 26% en avril 2021. Toujours selon le rapport, 23% des enfants se sont couchés affamés durant les trois mois qui ont précédé cette évaluation, menée par téléphone du 13 au 27 juin sur 1.500 ménages ayant au moins un enfant (700 libanais, 300 ménages parmi les réfugiés syriens et 400 ménages parmi les réfugiés palestiniens).

De plus, 60% des ménages ont réduit les dépenses sur les soins de santé, contre 42% en avril 2021, et 70% d’entre eux empruntent de l’argent pour acheter de la nourriture ou l’achètent à crédit. «Les enfants sont poussés à travailler pour assurer des rentrées aux familles et les filles sont mariées à un jeune âge pour réduire le fardeau économique», lit-on dans le rapport.

«Je travaillais dans une station de lavage auto, mais j’ai laissé tomber le travail pour aller à l’école», confie un jeune enfant de 15 ans à l’équipe de l’Unicef. «Mais lorsque le propriétaire de la maison a augmenté le loyer, j’ai dû quitter l’école pour travailler et aider ma famille», a-t-il poursuivi.

Les privations croissantes dont sont victimes les enfants volent leur enfance et détruisent leurs rêves, d’après le rapport. L’Unicef souligne que l’étude a montré que «les enfants sont conscients de l’impact de la crise sur leurs vie et leurs aspirations». «Beaucoup d’entre eux sentent qu’ils ont peu d’opportunités au Liban et que l’émigration reste leur seul espoir pour un meilleur avenir», lit-on dans le document. Cette réalité «affecte la santé mentale des enfants», dont plusieurs d’entre eux «n’ont pas accès aux soins nécessaires». D’après l’étude, plus des deux-tiers des parents ont confié que l’état psychologique de leurs enfants a nettement empiré au cours de la dernière année.

Manque de confiance


Parallèlement, «les enfants ont l’impression d’être délaissés». «Ils ne font plus confiance à leurs parents parce qu’ils sont dans l’incapacité de leur assurer leurs besoins les plus basiques», constate l’Unicef dans le rapport. «De leur côté, les parents développent un sentiment de culpabilité parce qu’ils n’arrivent pas à subvenir aux besoins de leurs enfants», poursuit l’agence onusienne. Ce qui est en train de se répercuter sur la relation des parents avec leurs enfants.

«Nous avons atteint une situation où l’enfant ne fait plus confiance à son père, surtout lorsqu’il lui demande de lui acheter quelque chose et que ce dernier refuse parce qu’il n’en a pas les moyens», confie un père de deux enfants âgés de 4 et 5 ans.

Frustrés par cette situation, les parents sont obligés de faire des choix. D’après l’étude, ils accordent une priorité à la nourriture, suivie par l’éducation. D’autres besoins comme les vêtements ou le matériel scolaire viennent au bas de la liste des priorités. D’après le document, cette situation a créé des tensions au sein des ménages. Ainsi, 36% des parents sont moins tolérants avec leur progéniture et les traitent de manière violente.

Par ailleurs, les tensions croissantes – renforcées par la polarisation au sein des communautés – ont entraîné une hausse de la violence, y compris dans les maisons et les écoles.

Pour l’agence onusienne, «les réformes économiques et financières sont une première étape cruciale pour faire face à la pauvreté des enfants». «Il est également nécessaire de promouvoir une reprise économique inclusive susceptible de mener à la création d’emplois équitables et décents», constate-t-elle. Cela doit être accompagné d’une expansion massive de l’accès à des services de qualité.»

Selon le représentant de l’Unicef à Beyrouth, Edouard Beigbeder, la pauvreté des enfants nécessite une «réponse multidimensionnelle basée sur le renforcement majeur du système de protection sociale du Liban de manière à assurer aux enfants les plus vulnérables leurs droits fondamentaux».
Commentaires
  • Aucun commentaire