Saint-Barthélemy: hommage aux victimes 450 ans après le massacre
Pour tout Français n'ayant pas séché l'école, le massacre de la Saint-Barthélemy est familier. Pourtant, peu savent réellement où cet évènement sanglant, qui fit 2.000 et 3.000 morts protestants dans la capitale, et 10.000 dans tout le pays, débuta. Pour changer cela, la mairie de Paris a rebaptisé le 16 septembre un jardin, non loin du Louvre, en hommage aux victimes.

Un matin devant la porte du Louvre, huile sur toile d'Édouard Debat-Ponsan, 1880, Clermont-Ferrand, musée d'art Roger-Quilliot. Catherine de Médicis dévisage les cadavres de protestants au lendemain du massacre de la Saint-Barthélémy.

 

La mairie de Paris rebaptise vendredi un jardin en hommage aux victimes de la Saint-Barthélemy, à l'endroit même où démarra le massacre des protestants 450 ans plus tôt. Pour ses initiateurs, le retour du fanatisme religieux donne à l'événement tout son sens.

Quand ils se promènent entre la Samaritaine et le Louvre, Parisiens et touristes savent-ils qu'ils se trouvent au cœur d'un des épisodes les plus dramatiques de l'histoire de France?

Dédier un lieu

"C'est présent dans la mémoire scolaire des Français, mais c'est un événement qui est resté sans lieu clairement identifié à Paris. Ce qui est important, c'est de dédier d'un lieu", estime Isabelle Sabatier, présidente de la Société de l'histoire du protestantisme français, interrogée par l'AFP.

Le Massacre de la Saint-Barthélemy de François Dubois, musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne.

 

Dans la nuit du 23 au 24 août, l'assassinat de l'amiral de Coligny et des autres chefs protestants, venus à Paris assister au mariage du futur Henri IV avec Marguerite de Valois, fut le déclenchement d'une folie meurtrière qui fera entre 2.000 et 3.000 morts dans la capitale, et 10.000 dans tout le pays.

Sonné en pleine nuit, le tocsin de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois a donné le signal du massacre, "pas loin de là où Coligny a été agressé", rappelle Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France (FPF).

"On est dans l'épicentre de cette vague barbare qui d'abord s'est déployée à Paris, puis dans diverses régions", ajoute-t-il.

Le symbole est donc puissant, et c'est une première pour la capitale. La rue située entre l'église et le Louvre s'appelle bien depuis 1972 rue-de-l'Amiral-de-Coligny, représenté par une statue au coin de celle-ci, au chevet du temple de l'Oratoire.

Un premier pas en 2016

"On l'a honoré comme personnalité représentative du protestantisme de cette époque, mais jamais comme victime", affirme Mme Sabatier pour qui "on a complètement occulté ces victimes dans le paysage parisien".

Scène de la Saint-Barthélemy, assassinat de Briou, gouverneur du Prince de Conti, 24 août 1572, Joseph Nicolas Robert-Fleury, XIXe siècle (Paris, musée du Louvre).

 


En 2016, Anne Hidalgo avait fait un premier pas en inaugurant une plaque au pied du Pont-Neuf et de la statue d'Henri IV, car les corps des victimes avaient été jetées dans la Seine.

Une trop "maigre place pour cet événement qui a quand même marqué les esprits durablement", estime M. Krieger. "Cette plaque n'était pas très visible", juge Mme Sabatier.

"C'était un hommage un peu incomplet", renchérit Ariel Weil, le maire de Paris Centre, pour qui la statue de Gaspard de Coligny, qu'il est venu fleurir le 24 août, a été érigée "à un moment où la République cherchait à mettre en scène un apaisement des tensions", en 1889.

Entre-temps, "il y a eu peu de commémorations historiques" et l'inauguration de vendredi vient "corriger un travail de mémoire", estime M. Weil.

Retour du fanatisme religieux

Pour Laurence Patrice, l'adjointe en charge de la mémoire, la commémoration d'un événement "qui est l'expression de l'intolérance religieuse et du fanatisme" prend "beaucoup de sens à une période où le fanatisme religieux fait plus que des dégâts à nouveau".

Pitié : jour de la Saint-Barthélemy, 1572, huile sur toile de John Everett Millais, 1886. Londres, Tate collection. (Domaine public)

 

L'élue communiste met en garde contre la "velléité de certains de réécrire l'histoire", en visant l'ex-candidat à la présidentielle Eric Zemmour qui, dans une tribune au Figaro, avait expliqué la haine du protestantisme en France par le fait que celui-ci "s'alliait avec les puissances huguenotes qui étaient les adversaires de la France".

Un jardin Saint-Barthélemy "a un sens parce qu'on a pu entendre, dans cette campagne électorale, un candidat falsifier l'histoire, dire que Pétain avait protégé les juifs français et se répandre sur les plateaux en disant que les protestants l'avaient bien cherché en embêtant le petit peuple catholique", estime Mme Patrice.

Réaffirmer l'attachement à la laïcité

"On pouvait penser que c'était une tuerie de masse qui ne faisait pas discussion", insiste-t-elle.

Pour Christian Krieger, qui souligne que l'autre partie de la place du Louvre rend hommage à des déportés juifs, "il est important, d'abord, de se souvenir des mécanismes de la haine et de l'intolérance qui ont pu provoquer ce massacre afin de conjurer ces mêmes mécanismes aujourd'hui et demain".

Pour le président de la FPF, l'autre "élément à conjurer" est "la collusion du religieux et du politique".

Ce jardin est donc l'occasion pour lui de "réaffirmer notre attachement à la laïcité, comme principe garantissant à la fois la liberté religieuse, mais aussi la neutralité et le juste positionnement d'un État".

Avec AFP
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