La Hongrie dans l'étau financier de l'Union Européenne
Suite à ses manquements en termes de lutte contre la corruption et de garantie des libertés fondamentales, la Commission européenne est sur le point de couper le robinet des subventions à la Hongrie. Le pays pourrait perdre près de 7,5 milliards d'euros de financements européens s'il ne met pas en place des réformes structurelles d'ici à deux mois. 

La Commission européenne a déclenché en avril à l'encontre de la Hongrie une procédure jamais utilisée jusque-là, qui peut conduire à suspendre des financements européens dont l'utilisation est menacée par des atteintes aux principes d'État de droit. (AFP)

 

 

La Commission européenne a menacé dimanche de priver la Hongrie de 7,5 milliards d'euros de financements européens, en raison des risques liés à la corruption dans ce pays, tout en accordant quelques semaines de délai à Budapest pour mener des réformes.

"Les mesures proposées (par la Hongrie) pour remédier à la situation sont en principe de nature à répondre aux problèmes identifiés, si elles sont correctement traduites dans des lois et mises en œuvre en conséquence", a estimé le commissaire européen au Budget Johannes Hahn.

La Commission européenne a déclenché en avril à l'encontre de la Hongrie une procédure jamais utilisée jusque-là, qui peut conduire à suspendre des financements européens dont l'utilisation est menacée par des atteintes aux principes d'État de droit.

Pour la Hongrie de Viktor Orban, la Commission cite notamment des "irrégularités" et "carences" dans les procédures de passation de marchés publics, la proportion "anormalement" élevée de candidatures uniques pour ces contrats, le manque de contrôle des conflits d'intérêt et de poursuites judiciaires en cas de soupçons de fraude.

L'exécutif européen suggère donc au Conseil, institution représentant les États membres à qui revient la décision finale, de suspendre 65% des fonds de trois programmes liés à la politique de cohésion, ce qui représente 7,5 milliards d'euros.

70% des subventions européennes



 

 

Une porte de sortie reste néanmoins ouverte. La Commission recommande au Conseil de se laisser jusqu'à trois mois pour évaluer la mise en œuvre des 17 mesures clefs auxquelles la Hongrie s'est engagée pour répondre aux préoccupations.

"Il est juste de se donner un peu de temps afin de pouvoir réellement voir les résultats concrets" de ces réformes, a déclaré Johannes Hahn, estimant qu'elles pourraient "changer la donne". La Commission réévaluera la situation le 19 novembre.

"Nous avançons dans la bonne direction. Nous continuons le travail (...) pour que le peuple hongrois reçoive les ressources auxquelles il a droit!", a réagi sur Facebook la ministre hongroise de la Justice, Judit Varga, qui a effectué ces derniers jours une tournée de plusieurs capitales européennes pour plaider la cause de son pays.

Budapest se démène pour tenter d'échapper au couperet, mais aussi pour convaincre Bruxelles de débloquer son plan de relance post-Covid (5,8 milliards d'euros de subventions), alors que le pays affronte une inflation galopante et la chute du forint, la monnaie nationale.

La Hongrie est le seul pays de l'UE dont le plan n'a toujours pas reçu le feu vert de la Commission européenne, pour les mêmes raisons liées au respect de l'État de droit.

Faute d'accord sur le plan de relance hongrois d'ici à la fin de l'année, 70% des subventions seront perdues.


Des réformes express

Le Premier ministre nationaliste Viktor Orban a tissé ces dernières années des liens étroits avec le président russe Vladmir Poutine et cette collaboration a été maintenue malgré l'invasion russe de l'Ukraine. (AFP)

 

 

La Hongrie a récemment annoncé qu'elle allait mettre rapidement sur pied une "autorité indépendante" de lutte contre la corruption, chargée de contrôler l'utilisation des fonds de l'UE, et s'est engagée à améliorer la transparence des marchés publics.

Des mesures doivent permettre aux citoyens de porter plainte devant les tribunaux s'ils estiment que le parquet a arbitrairement mis fin à une enquête pour corruption. La transparence du processus législatif doit aussi être renforcée.

Le gouvernement du Premier ministre nationaliste et ultra-conservateur Viktor Orban a indiqué que les lois destinées à satisfaire l'UE seraient soumises au Parlement hongrois à partir de lundi. Leur entrée en vigueur est prévue pour novembre.

"Dernière chance pour Viktor Orban (...) Le temps des discussions est terminé", a tweeté l'eurodéputée française Valérie Hayer (Renew Europe). L'élu allemand Daniel Freund (Verts) a quant à lui jugé que les mesures proposées étaient "insuffisantes" et n'allaient "pas empêcher Orban et ses affidés de voler des fonds européens".

Le Parlement européen a estimé jeudi, dans un rapport voté à une large majorité, que la Hongrie n'était plus une véritable démocratie mais "une autocratie électorale", appelant la Commission à "s'abstenir d'approuver le plan de la Hongrie tant qu'elle ne se sera pas conformée pleinement à toutes les recommandations" de Bruxelles.

Pas de consensus européen sur le sujet

La Pologne a assuré dimanche qu'elle s'opposera à "toute démarche" de Bruxelles visant à priver la Hongrie de 7,5 milliards d'euros de financements européens en raison de risques de corruption dans ce pays.

"La Pologne va s'opposer de toute force à toute démarche des institutions européennes visant à priver de fonds un pays membre, en l'occurrence la Hongrie, de manière absolument non autorisée", a déclaré le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki lors d'un point de presse.

Le chef du gouvernement nationaliste-populiste polonais, lui aussi en conflit avec Bruxelles qui l'accuse de non respect de l'État de droit, a rappelé que son homologue et allié hongrois Viktor Orban avait déjà préparé "un projet d'accord avec la Commission européenne".

La Hongrie entre Europe et Russie

Dans le même temps, un commissaire européen a épinglé l'inaction de la Hongrie concernant les avoirs russes, le pays n'ayant gelé qu'un peu plus de 3,000 euros de ceux-ci.

"On doit faire une pression très forte" sur la Hongrie, car "on peut supposer que ses liens, très proches avec la Russie, l'empêchent peut-être d'agir", a déclaré le commissaire européen à la Justice Didier Reynders, dans une interview à la chaîne de télévision LCI.

Le Premier ministre nationaliste Viktor Orban a tissé ces dernières années des liens étroits avec le président russe Vladmir Poutine et cette collaboration a été maintenue malgré l'invasion russe de l'Ukraine.

Budapest a ainsi annoncé fin août un accord avec le géant russe Gazprom pour recevoir des livraisons supplémentaires, au moment où les autres pays européens sont confrontés à une forte réduction des quantités fournies. Le gouvernement hongrois coopère également avec le conglomérat russe Rosatom pour la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires.

Avec AFP
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