©Le négociateur en chef Ali Bagheri accompagné de sa délégation, devant le Palais Coburg lors des pourparlers de Vienne, le 3 décembre 2021. (Photo : JOE KLAMAR / AFP)
Dans une logique de surenchère, le régime entend imposer son agenda aux Occidentaux. Pour l’expert Jonathan Piron, « l’Iran est venu avec des demandes maximalistes, mal vécues par les Européens ».
Les pourparlers sur le dossier du nucléaire iranien n’avaient pas démarré sous les meilleurs auspices, le 29 novembre dernier à Vienne. En guise de provocation, le régime iranien a commencé à enrichir son uranium à 20%, en marge des négociations réunissant six grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni). L’accord âprement négocié en 2015 sous l’administration Obama avait volé en éclat suite au retrait unilatéral voulu par l’administration Trump, en 2018. Cet accord prévoyait de réduire drastiquement le développement nucléaire de l’Iran en échange d’un allègement successif des sanctions qui pèsent sur son économie.
« Le nouveau gouvernement iranien n’est pas venu à Vienne avec des propositions constructives », a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. Emboitant le pas aux propos de la diplomatie américaine, les Européens ont fait part de leur « déception et préoccupation » face aux exigences de la République islamique. Selon Paris, les propositions de Téhéran ne « constituent pas une base raisonnable ». De son côté, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a prévenu que si Téhéran continuait à développer son programme nucléaire en faisant traîner les négociations, « nous nous tournerons vers d’autres options ».
Préalablement aux pourparlers, l’Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) a indiqué dans un communiqué que l’Iran avait commencé à produire de l’uranium avec une « cascade » de centrifugeuses de pointe IR-6 sur son site de Fordow, en violation de l’accord de 2015. Une autre source d’inquiétudes pour l’AIEA concerne le complexe de Karaj abritant un atelier de fabrication de centrifugeuses. L’agence onusienne n’y a plus accès depuis juin, date à laquelle le site a subi une attaque imputée à Israël.
Maximalisme et tensions accrues
Pour le spécialiste belge Jonathan Piron, « l’Iran est venu avec des demandes maximalistes, mal vécues par les Européens, médiateur entre eux et les Américains. Il y a donc des interrogations portant sur les éléments pouvant être négociés, sur les limites pouvant être franchies et sur celles qui ne le sont pas ». Selon M. Piron, cette ligne dure témoigne du sentiment de puissance du régime. « L’Iran se pense être, en fait, en position de force : l’administration du président Raïssi, un ultra-conservateur, estime que les moyens de pression des États-Unis ne jouent plus : il n’y aurait plus d’autres sanctions possibles, l’économie iranienne a tenu d’un point de vue macro et les États-Unis se concentreraient sur d’autres intérêts que le Moyen-Orient. Cette attitude dure de l’administration Raïssi est aussi le signe d’une volonté des ultras de s’écarter au maximum des attitudes diplomatiques du précédent président Rouhani et de son ministre Zarif, jugés trop conciliants » avec les Occidentaux, selon l’expert.
Parallèlement à ces derniers pourparlers, le contexte régional rappelle que l’Iran est au centre de l’actualité. Samedi 4 décembre, une explosion s’est produite à proximité du complexe nucléaire de Natanz. « Un exercice militaire » selon les Gardiens de la révolution, une affirmation impossible à vérifier. Le lundi 6 décembre, un haut responsable émirati s’est rendu à Téhéran, une rare visite dont peu de détails ont filtré, témoignant que de possibles tractations sont à l’œuvre pour tenter de dénouer le nœud diplomatique entre le régime iranien et les grandes puissances. Enfin, le mardi 7 décembre au port de Lattaquié, une cargaison fraîchement arrivée d’Iran a été frappée par l’aviation israélienne. Chaque acteur semble vouloir montrer sa détermination en vue d’un éventuel accord.
Obama de retour ?
A plusieurs reprises, le président Joe Biden a manifesté sa volonté de faire revivre l’accord sur le nucléaire. Parmi les signes révélateurs illustrant cette intention, la nomination de plusieurs anciens négociateurs de l’accord conclu par Obama à des postes clés de son administration, à l’image d’Anthony Blinken et de Jake Sullivan. Cependant, « le contexte est radicalement différent », selon M. Piron, soulignant que « les sanctions appliquées par l’administration Trump sont allez très loin et ne peuvent être levées d’un seul coup. L’attitude de l’Iran dans la région est aussi beaucoup plus hostile, empêchant un retour rapide à la situation qui existait au moment de l’accord ».
Le principal négociateur iranien, Ali Bagheri, a d’ailleurs longtemps été un critique virulent de l’accord de 2015. En outre, l’expert du dossier rappelle que « la stratégie de la pression maximale de Trump a vu un large pan de sanctions être appliquées. Or l’Iran a tenu. Il reste donc peu d’éléments de contraintes dans les mains des Américains. Ce que l’Iran considère comme autant d’atouts à sa disposition ».
Ce nouveau round de pourparlers est-il pour autant voué à l‘échec ? Si le ministre iranien des Affaires étrangères Amir Abdollahian a rappelé ce lundi 6 décembre dans le quotidien russe Kommersant qu’il souhaitait un accord, aucun signe tangible n'accrédite ces propos. « La poursuite de l’enrichissement à Fordow à des niveaux très loin du cadre de l’accord sur le nucléaire et les demandes maximalistes de la délégation iranienne pourraient très bien amener les autres délégations à claquer la porte, ouvrant la voie à une nouvelle incertitude dans la région », explique l’expert.
Pour l’heure, l’administration Raïssi semble convaincue que le temps joue en sa faveur. Cependant, l’expert rappelle que l’Iran reste particulièrement actif en Syrie et en Irak. « La menace d’une frappe militaire ou de nouvelles actions de sabotage menées par Israël contre les installations iraniennes sont aussi une réalité. Il reste que ces actions ne feraient que ralentir le programme nucléaire iranien et non l’arrêter. Le risque est aussi celui d’un nouvel embrasement de la région, avec l’activation par Téhéran de ses proxys comme le Hezbollah au Liban », conclu Jonathan Piron.
Les pourparlers sur le dossier du nucléaire iranien n’avaient pas démarré sous les meilleurs auspices, le 29 novembre dernier à Vienne. En guise de provocation, le régime iranien a commencé à enrichir son uranium à 20%, en marge des négociations réunissant six grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni). L’accord âprement négocié en 2015 sous l’administration Obama avait volé en éclat suite au retrait unilatéral voulu par l’administration Trump, en 2018. Cet accord prévoyait de réduire drastiquement le développement nucléaire de l’Iran en échange d’un allègement successif des sanctions qui pèsent sur son économie.
« Le nouveau gouvernement iranien n’est pas venu à Vienne avec des propositions constructives », a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. Emboitant le pas aux propos de la diplomatie américaine, les Européens ont fait part de leur « déception et préoccupation » face aux exigences de la République islamique. Selon Paris, les propositions de Téhéran ne « constituent pas une base raisonnable ». De son côté, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a prévenu que si Téhéran continuait à développer son programme nucléaire en faisant traîner les négociations, « nous nous tournerons vers d’autres options ».
Préalablement aux pourparlers, l’Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) a indiqué dans un communiqué que l’Iran avait commencé à produire de l’uranium avec une « cascade » de centrifugeuses de pointe IR-6 sur son site de Fordow, en violation de l’accord de 2015. Une autre source d’inquiétudes pour l’AIEA concerne le complexe de Karaj abritant un atelier de fabrication de centrifugeuses. L’agence onusienne n’y a plus accès depuis juin, date à laquelle le site a subi une attaque imputée à Israël.
Maximalisme et tensions accrues
Pour le spécialiste belge Jonathan Piron, « l’Iran est venu avec des demandes maximalistes, mal vécues par les Européens, médiateur entre eux et les Américains. Il y a donc des interrogations portant sur les éléments pouvant être négociés, sur les limites pouvant être franchies et sur celles qui ne le sont pas ». Selon M. Piron, cette ligne dure témoigne du sentiment de puissance du régime. « L’Iran se pense être, en fait, en position de force : l’administration du président Raïssi, un ultra-conservateur, estime que les moyens de pression des États-Unis ne jouent plus : il n’y aurait plus d’autres sanctions possibles, l’économie iranienne a tenu d’un point de vue macro et les États-Unis se concentreraient sur d’autres intérêts que le Moyen-Orient. Cette attitude dure de l’administration Raïssi est aussi le signe d’une volonté des ultras de s’écarter au maximum des attitudes diplomatiques du précédent président Rouhani et de son ministre Zarif, jugés trop conciliants » avec les Occidentaux, selon l’expert.
Parallèlement à ces derniers pourparlers, le contexte régional rappelle que l’Iran est au centre de l’actualité. Samedi 4 décembre, une explosion s’est produite à proximité du complexe nucléaire de Natanz. « Un exercice militaire » selon les Gardiens de la révolution, une affirmation impossible à vérifier. Le lundi 6 décembre, un haut responsable émirati s’est rendu à Téhéran, une rare visite dont peu de détails ont filtré, témoignant que de possibles tractations sont à l’œuvre pour tenter de dénouer le nœud diplomatique entre le régime iranien et les grandes puissances. Enfin, le mardi 7 décembre au port de Lattaquié, une cargaison fraîchement arrivée d’Iran a été frappée par l’aviation israélienne. Chaque acteur semble vouloir montrer sa détermination en vue d’un éventuel accord.
Obama de retour ?
A plusieurs reprises, le président Joe Biden a manifesté sa volonté de faire revivre l’accord sur le nucléaire. Parmi les signes révélateurs illustrant cette intention, la nomination de plusieurs anciens négociateurs de l’accord conclu par Obama à des postes clés de son administration, à l’image d’Anthony Blinken et de Jake Sullivan. Cependant, « le contexte est radicalement différent », selon M. Piron, soulignant que « les sanctions appliquées par l’administration Trump sont allez très loin et ne peuvent être levées d’un seul coup. L’attitude de l’Iran dans la région est aussi beaucoup plus hostile, empêchant un retour rapide à la situation qui existait au moment de l’accord ».
Le principal négociateur iranien, Ali Bagheri, a d’ailleurs longtemps été un critique virulent de l’accord de 2015. En outre, l’expert du dossier rappelle que « la stratégie de la pression maximale de Trump a vu un large pan de sanctions être appliquées. Or l’Iran a tenu. Il reste donc peu d’éléments de contraintes dans les mains des Américains. Ce que l’Iran considère comme autant d’atouts à sa disposition ».
Ce nouveau round de pourparlers est-il pour autant voué à l‘échec ? Si le ministre iranien des Affaires étrangères Amir Abdollahian a rappelé ce lundi 6 décembre dans le quotidien russe Kommersant qu’il souhaitait un accord, aucun signe tangible n'accrédite ces propos. « La poursuite de l’enrichissement à Fordow à des niveaux très loin du cadre de l’accord sur le nucléaire et les demandes maximalistes de la délégation iranienne pourraient très bien amener les autres délégations à claquer la porte, ouvrant la voie à une nouvelle incertitude dans la région », explique l’expert.
Pour l’heure, l’administration Raïssi semble convaincue que le temps joue en sa faveur. Cependant, l’expert rappelle que l’Iran reste particulièrement actif en Syrie et en Irak. « La menace d’une frappe militaire ou de nouvelles actions de sabotage menées par Israël contre les installations iraniennes sont aussi une réalité. Il reste que ces actions ne feraient que ralentir le programme nucléaire iranien et non l’arrêter. Le risque est aussi celui d’un nouvel embrasement de la région, avec l’activation par Téhéran de ses proxys comme le Hezbollah au Liban », conclu Jonathan Piron.
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