À l’occasion de ses quarante ans de carrière, Angélique Kidjo continue de faire vibrer les scènes du monde entier en honorant ses racines africaines, qu’elle considère comme le berceau de toutes les musiques. Entre collaborations prestigieuses et engagements humanitaires, la chanteuse béninoise, française et américaine, récipiendaire de cinq Grammy Awards, refuse d’être enfermée dans l’étiquette de «World Music» et demeure une voix engagée pour la liberté et les droits des femmes.
Toutes les musiques «prennent leurs racines» en Afrique, affirme Angélique Kidjo. «Dans ce monde, tu as ta place partout»: portée par ce mantra familial, la star internationale célèbre quarante ans d’une carrière où elle a traversé les modes tout en honorant l’héritage africain, le «berceau» de toutes les musiques.
Qu’elle revisite le Boléro de Ravel, la salsa de Celia Cruz ou David Bowie, en piano-voix ou accompagnée d’un orchestre symphonique, la chanteuse aux trois nationalités (béninoise, française et américaine) et cinq Grammy Awards n’a jamais perdu de vue le continent qui l’a vue naître à Cotonou.
«Il n’y a aucune musique qui n’a pas ses racines en Afrique», déclare à l’AFP l’artiste de 64 ans, dont la «tournée des quarante ans», lancée il y a un an à Londres, fait escale à Paris ce lundi, à la Sainte-Chapelle, avant de s’achever début novembre au Carnegie Hall de New York.
Pas question pour autant de ralentir. Toujours entre deux avions, Angélique Kidjo travaille sur de nombreux projets et vient de finaliser le clip de son duo avec Davido, poids lourd de l’afrobeats, après avoir célébré aux États-Unis le centième anniversaire de l’ex-président Jimmy Carter.
«Ce qui me fait me lever tous les jours, c’est la recherche de ce qui peut nous fédérer», explique la chanteuse polyglotte, capable de partager la scène avec le vétéran Carlos Santana ou la sensation nigériane Burna Boy.
Cependant, ne lui parlez pas de «World Music», l’étiquette sous laquelle elle a percé en Europe, repérée par Chris Blackwell, le légendaire producteur de Bob Marley.
«J’ai toujours détesté ce terme. Pour moi, c’est un ghetto. C’est quand tu ne chantes pas en français ou en anglais, les langues de la colonisation.»
Chanter avant de parler
D’où lui vient cette énergie? Avant de devenir une grande voix africaine, aux côtés de son idole Miriam Makeba, Angélique Kidjo a été une enfant asthmatique, élevée à Cotonou dans une famille pauvre mais nombreuse et ouverte sur le monde.
«J’ai commencé à chanter avant de parler», se souvient-elle, au point d’inquiéter ses parents. «Ils avaient peur que je ne parle pas. Mais quand j’ai commencé, ils ont regretté», plaisante-t-elle.
Née le jour de la fête nationale française en 1960, quinze jours avant l’indépendance du Bénin, la petite Angélique est fascinée par les vinyles que possèdent ses parents, tout en se posant des questions.
«Sur 98% des pochettes, il n’y avait que des hommes, et j’ai commencé à demander: ‘Et les femmes, elles sont où?’», se souvient-elle, évoquant le choc qu’elle a ressenti en découvrant Aretha Franklin, la première femme noire qu’elle a vue sur un album.
À l’adolescence, Angélique Kidjo écrit ses premières chansons et se fait un nom au Bénin. Mais la pression de la dictature marxiste, qui exige des artistes qu’ils soient aux ordres, la contraint à l’exil en France en 1983.
Quarante ans après, le souvenir est toujours aussi vif. «Quand on a vécu ça et qu’on sait combien notre liberté est fragile, on ne peut pas se taire», relève-t-elle.
Elle ne s’est d’ailleurs jamais tue, ni sur scène, ni lors de grands événements comme le G7 ou le Forum de Davos, où elle tente de sensibiliser les consciences. «Les dirigeants sont remplis de bonnes intentions, mais ils n’ont pas les bonnes informations», regrette l’artiste, qui a chanté pour Barack Obama en 2009 et pour le centenaire de l’Armistice en 2018 à Paris, en présence de Donald Trump.
«À Davos, j’ai commencé à me dire: ‘Il y a un truc qui manque: il est où le peuple? (…) Si c’est un club où l’on s’assoit pour se congratuler, les choses n’avancent pas», affirme cette ambassadrice de l’Unicef et fondatrice de Batonga, une organisation qui soutient l’éducation des jeunes filles africaines depuis 2006.
Le sort des femmes est au cœur de son engagement. «Ce qui me tord les boyaux, c’est de voir comment nous faisons du mal à nos enfants», confie celle qui cherche encore à comprendre l’énigme du sexisme. «La question à laquelle je veux une réponse, c’est: ‘quelle menace la femme représente-t-elle pour l’homme?’»
Avec AFP
Commentaires