Un an de guerre Israël-Hamas à Gaza, une «longue guerre d’usure»
Un homme fixe les cordes de l'une des tentes de refuge érigées près des bâtiments effondrés dans le camp de Bureij, au centre de la bande de Gaza, le 1er octobre 2024, en pleine guerre entre Israël et le Hamas. ©Eyad BABA / AFP

Un an déjà depuis l’attaque inédite du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023. Depuis, les portes de l’enfer se sont ouvertes sur la bande de Gaza. Pourtant, les combats sont loin d’être terminés et le cessez-le-feu semble un mirage. Retour sur une année de guerre dans l’enclave palestinienne.  

Le 7 octobre 2023, la branche armée du Hamas annonce avoir déclenché l’opération Déluge d’Al-Aqsa contre Israël, provoquant panique et sidération côté israélien.

La formation palestinienne lance un assaut multiforme en tirant des milliers de roquettes et en s'infiltrant dans les zones frontalières de Gaza avec Israël. C'est une attaque sans précédent dans l’histoire du conflit israélo-palestinien, qui a, pour la première fois, pris de court l’État hébreu.

Près de 1.200 Israéliens, dont 37 enfants, sont alors tués, et 7.500 autres sont blessés. 251 personnes sont prises en otages par le Hamas, selon un bilan publié par les autorités israéliennes.

La riposte ne s’est pas fait attendre

Dès le lendemain, le gouvernement israélien déclare l'état d'urgence et l’armée mobilise ses troupes pour une réponse militaire: cibler les positions du Hamas à Gaza par des frappes aériennes.

Le 9 octobre, Israël annonce l'opération «Épées de fer», qui consiste en des frappes aériennes ciblées sur des sites militaires dans l'ensemble de la bande de Gaza. Le Hamas réagit en poursuivant ses tirs de roquettes sur les villes israéliennes.

Et cela dure depuis un an.

Le 7 octobre 2024, la bande de Gaza, un rectangle de 42 kilomètres de long sur 6 à 12 kilomètres de large, est pratiquement rasée.

Sa population, soit près de 2,1 millions d’habitants, est à présent entassée dans la région d’Al-Mawasi, une bande de terre à la frontière égyptienne, qui représente environ 3% de la superficie de l'enclave.

L’une des guerres les plus sanglantes du 21e siècle

L’escalade des hostilités, déclenchée le 7 octobre 2023, est la plus meurtrière qu’ait connue l’enclave palestinienne, d’après les rapports de l’Unicef.

Selon le ministère de la Santé à Gaza, le bilan s’élève à plus de 41.000 tués, soit environ 2% de la population totale. Les femmes et les enfants en représentent 60%.

Les survivants vivent un exode sans fin. Ils sont 1,9 million à avoir fui à plusieurs reprises le nord et le centre de l’enclave, en quête d'un refuge vers le sud, à la suite de nombreux appels d’évacuation adressés par l’armée israélienne.

Les conditions de vie sont insoutenables: sans eau, sans nourriture, sans médicaments.

Alors que les combats se poursuivent, la famine et les maladies, telles que la polio, constituent de rudes épreuves pour les Gazaouis.

Durant toute une année de combats, une seule courte trêve a été observée par les belligérants, du 24 au 30 novembre, dans le but d’acheminer l’aide humanitaire. Durant cette pause, le Hamas a libéré 24 otages et Israël, 39 prisonniers palestiniens.

Une opération en trois temps

«Le 7 octobre est le jour qui a marqué le début du processus de destruction du Hamas», avait déclaré en 2023 Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense.

Il avait alors détaillé, dans un communiqué publié par son bureau, trois phases pour le déroulement de l’opération contre Gaza.

La première serait «une campagne militaire par le feu et plus tard par des manœuvres tactiques, dont le but sera d'assassiner des agents et d'endommager les infrastructures» afin de détruire le Hamas.

Ensuite, les combats se poursuivront «à une intensité moindre» pour éliminer «des poches de résistance».

La phase finale comprendrait «la création d'un nouveau régime de sécurité dans la bande de Gaza, la suppression de la responsabilité d'Israël sur la vie dans la bande et la création d'une nouvelle réalité sécuritaire pour les citoyens d'Israël».

Comment Israël a-t-il mis en œuvre ce plan tout au long de l’année écoulée?

La campagne militaire

Dans la semaine qui a suivi l’attaque du 7 octobre, l’armée de Tel-Aviv a intensifié les bombardements aériens, ciblant les dirigeants du Hamas et les infrastructures associées au groupe.

L’enclave, déjà sous blocus imposé par Israël depuis 2007, date à laquelle le Hamas a pris le contrôle de Gaza, se trouve de plus en plus isolée. À la mi-octobre 2023, le point de passage de Rafah est le seul ouvert à l’aide humanitaire, à la frontière sud avec l’Égypte.

Le 27 octobre, l’armée entre dans le territoire gazaoui. C’est le début de l’offensive terrestre.

Les mois qui ont suivi n’ont connu aucun répit. Les activités militaires israéliennes se sont poursuivies dans le but d'éliminer des réseaux de tunnels du Hamas ainsi que des centres de commandement et d'installations militaires critiques de la formation.

Les opérations terrestres gagnent en étendue, entraînant d'importants combats dans le nord de la bande, en particulier autour de la ville de Gaza.

Israël continue d’intensifier les opérations militaires, les orientant davantage vers les régions du centre de l’enclave.

Les incursions israéliennes de plus en plus profondes se heurtent à la résistance acharnée des combattants du Hamas dans le sud du territoire.

Nous sommes déjà en février. Plus d’un million et demi de personnes, soit plus de la moitié de la population, se sont réfugiées dans le sud de la bande, à Rafah, ville frontalière avec l’Égypte.

Or, pour le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, cette zone est le dernier grand bastion du Hamas. «Nous combattrons jusqu’à la victoire complète, ce qui implique une action puissante à Rafah», avait-il déclaré, le 14 février, sur son compte Telegram.

Dès lors, le scénario d’une offensive terrestre sur la ville-refuge s’est imposé, malgré les protestations de plus en plus fortes de la communauté internationale.

Durant le mois d’avril, l’armée israélienne s’est engagée dans des opérations «d’ampleur limitée», selon l’un de ses porte-paroles, pour évacuer «temporairement» les résidents de l’est de Rafah, les appelant à rejoindre des «zones humanitaires», principalement le camp d’Al-Mawasi situé à une dizaine de kilomètres de Rafah.

Le 6 mai 2024, l'armée israélienne entre à Rafah, marquant un moment critique dans le conflit.

Les soldats israéliens se sont alors positionnés à l’extrême sud de l’enclave, reprenant le contrôle du corridor de Philadelphie, une zone tampon située entre l’Égypte et la bande de Gaza. Selon M. Netanyahou, la guerre ne cessera pas tant que ce couloir ne sera pas fermé à la contrebande d’armes au profit du Hamas.

L’été 2024 n’en est que plus sanglant.

Onze mois après le déclenchement de la guerre, M. Gallant affirme en septembre que «le Hamas n'existe plus en tant que formation militaire». Selon lui, le groupe mène désormais une «guérilla» que l’État hébreu continue de traquer.

Le Hamas décapité

Benjamin Netanyahou a réitéré, à plusieurs occasions, sa ferme résolution d’éradiquer le Hamas, tant sur le plan militaire que politique. Dans ce cadre, des membres de haut rang du groupe palestinien ont été éliminés.

Le 2 janvier, Saleh el-Arouri, numéro 2 du Hamas, est tué dans une frappe ayant visé l’immeuble où se trouve le bureau du mouvement, dans la banlieue sud de Beyrouth. Cette zone, nommée en arabe Dahyé, est le bastion du Hezbollah libanais, autre proxy de l’Iran.

Saleh el-Arouri était membre fondateur des Brigades Al-Qassam, branche armée du Hamas, et vice-président du bureau politique du groupe. Deux autres cadres, dont Abou Amer, aide d’El-Arouri et responsable des opérations du Hamas au Liban-Sud, ont également été tués.

Israël n’a pas revendiqué cette attaque. Selon le bureau du Premier ministre israélien, M. Netanyahou aurait demandé à ses ministres de ne pas commenter l’assassinat d’El-Arouri. Par ailleurs, un responsable américain de la Défense a annoncé au Washington Post, sous couvert d’anonymat, que l’armée israélienne était bien responsable de la frappe.

Outre son statut central au sein de la formation palestinienne, Saleh el-Arouri était considéré comme un personnage clé des négociations concernant le cessez-le-feu et le retour des otages israéliens.

Une autre frappe ciblée a ébranlé la structure du Hamas, celle du 31 juillet qui a visé son chef, Ismaïl Haniyé, en pleine capitale iranienne, le tuant avec son garde du corps. Une fois de plus, Israël s’est gardé de commenter l’incident, tout en réitérant ses promesses de destruction du Hamas.

Haniyé s’était rendu à Téhéran pour assister à l’investiture du président iranien, Massoud Pezeshkian. Selon les médias iraniens, Haniyé séjournait dans une résidence pour vétérans de guerre, où il a été ciblé pendant la nuit.

Haniyé avait été élu chef du bureau politique du Hamas en 2017. Il a joué un rôle clé au sein du Hamas depuis sa fondation en 1987. Il était réputé pour sa volonté de concilier lutte armée et combat politique au sein du groupe, ainsi que pour ses bonnes relations avec les chefs des différentes factions palestiniennes.

Or, c’est Yahya Sinouar qui lui succède aussitôt, connu pour ses positions plus radicales et pour son rôle présumé dans les événements du 7 octobre, qu’il aurait orchestrés. Vétéran du Hamas, Sinouar incarne l’aile la plus dure de ce mouvement palestinien.

Un haut responsable du Hamas a alors déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat, que la nomination de Sinouar comme nouveau leader politique du Hamas livre un «message fort» de résistance à Israël.

Un territoire transfiguré

Outre les opérations militaires menées contre les positions du Hamas et ses dirigeants, Tel-Aviv a lancé des projets d’infrastructure de grande envergure sur le territoire gazaoui, transformant ainsi sa structure urbaine.

Des travaux de construction amorcés en février 2024 ont abouti à la création du corridor de Netzarim, une zone militarisée qui traverse l’enclave palestinienne d’est en ouest, coupant le nord et le sud du territoire.

Il s’agit d’un couloir de près de deux kilomètres de largeur, longé par une route de 6,8 kilomètres, traversée en sept minutes. Il relie le sud d’Israël (région de Nahal Oz) à la mer Méditerranée, isolant ainsi la ville de Gaza, au nord, du reste de la bande.

Cette zone sert de multiples intérêts pour Israël, à la fois militaires et stratégiques, articulés autour d’un enjeu central: consolider le contrôle sécuritaire de Gaza.

À quel prix? Au prix de destructions massives de nombreux bâtiments, dont des hôpitaux et des universités, voire des villages entiers.

Ce n’est pas tout.

Parallèlement à l’avancée de ce projet militaire, l’armée israélienne a élargi la zone déclarée interdite aux Palestiniens, tout le long de la frontière avec Gaza, établissant une zone tampon large de plus d’un kilomètre. Une fois achevée, cette zone constituerait environ 16% de la superficie de la bande de Gaza.

«La campagne de ruine incessante de l’armée israélienne à Gaza est une campagne de destruction injustifiée», a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International.

«Au moyen de bulldozers et d’explosifs installés manuellement, l’armée israélienne a détruit illégalement des terres agricoles et des bâtiments civils, et rasé des quartiers entiers, y compris des habitations, des écoles et des mosquées», peut-on lire dans le rapport publié le 5 septembre.

Quelle perspective pour Gaza?

Depuis des mois, des négociations pour un cessez-le-feu à Gaza et pour le retour des otages en Israël sont en cours, par la médiation des États-Unis, de l'Égypte et du Qatar.

Jusque-là, aucune initiative n’a abouti, les parties s’accusant mutuellement de saboter les accords.

À présent, le processus est toujours bloqué autour de la question du corridor de Philadelphie, dont Israël tient à garder le contrôle. Or, l’enjeu est crucial pour l’Égypte.

Au 3 octobre 2024, on estime que 101 personnes sont toujours retenues en otage, dont 2 enfants.

Yoav Gallant a annoncé, le 18 septembre, que le «centre de gravité» de la guerre menée contre le Hamas «se déplace vers le nord», à la frontière avec le Liban, se focalisant désormais sur le Hezbollah.

Mais le combat dans l’enclave n’est pour autant pas achevé, de nouveaux fronts émergeant avec le Hamas.

Près d’un an après le début du conflit qui a ravagé la bande de Gaza, Yahya Sinouar soutient, en septembre 2024, que son mouvement est «préparé» à mener «une longue guerre d'usure» contre l'armée israélienne.

De là à se demander si le surnom de «prison à ciel ouvert» qui avait valu à Gaza ne cèderait pas bientôt la place à un autre, plus sinistre encore.

*Nous avons fait le choix de centrer ce bilan uniquement sur la bande de Gaza. C’est pourquoi la situation en Cisjordanie n’y est pas abordée.

 

*Nous avons fait le choix de centrer ce bilan uniquement sur la bande de Gaza. C’est pourquoi la situation en Cisjordanie n’y est pas abordée.
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