Entre science et art: le nucléaire comme source d'inspiration au Musée d’art moderne
Le Musée d'art moderne lance une exposition inédite entre nucléaire et art. ©Site officiel Paris musées

À Paris, le Musée d'art moderne lance une exposition inédite explorant l'influence du nucléaire dans l'art, depuis les premières découvertes atomiques jusqu'à nos jours. L’exposition se déroulera du 11 octobre 2024 au 9 février 2025.

Quoi de plus éloigné en apparence de l'art que le nucléaire? Pourtant, depuis les premières découvertes sur l'atome jusqu'à l'usage de la bombe atomique, ce sujet a inspiré de nombreux artistes. Une exposition inédite au musée d'art moderne de la Ville de Paris (MAM) en est le témoin.

"C'est une grande lacune dans l'histoire de l'art et nous avons voulu la combler, en montrant l'ambivalence du nucléaire et la façon dont les artistes l'ont perçu à travers le temps", explique à l'AFP Maria Stavrinaki, professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Lausanne et commissaire de l'exposition avec Julia Garimorth, conservatrice en chef au MAM.

Quelque 250 peintures, dessins, photographies, vidéos, films et installations peu connues du grand public sont présentés, à partir de vendredi et jusqu'au 9 février, dans le contexte où ils ont été créés, en relation avec d'innombrables documents.

Parmi eux, plusieurs sont inédits et proviennent du laboratoire américain de Los Alamos, que dirigea J. Robert Oppenheimer, père de la bombe atomique, ainsi que des musées japonais d'Hiroshima et de Nagasaki, présentés aux côtés d'un étonnant film du cinéaste ukrainien Vladimir Shevchenko, réalisé juste après l'accident nucléaire de l'ex-centrale soviétique de Tchernobyl en 1986, ce qui lui a été fatal.

Intitulé L'Âge atomique, les artistes à l'épreuve de l'histoire, le parcours est conçu en sections thématiques conjuguant intimement art, science et politique. Il débute à l'aube du XXe siècle avec les premières découvertes scientifiques sur l'atome et la radioactivité, bouleversant le rapport à la matière. On y découvre notamment la "danse du radium", interprétée en 1911 par l'Américaine Loïe Fuller pour Marie et Pierre Curie, vêtue d'immenses ailes ou manches de soie recouvertes d'une matière phosphorescente.

Bombe et Bikini

"Certains artistes optent alors pour l'abstraction mystique, comme le Russe Vassily Kandinsky ou la Suédoise Hilma af Klint, d'autres pour l'art conceptuel tel Marcel Duchamp", dont plusieurs expérimentations sont retracées, expliquent les commissaires.


"L'invention de la bombe atomique et son utilisation au Japon par les États-Unis en août 1945 marquent un point de bascule de l'histoire moderne de l'atome, inaugurant 'l'âge atomique'", poursuivent les spécialistes.

L'atome destructeur devient un champ d'expérimentation pour nombre d'artistes avec "l'omniprésence de l'image du champignon atomique qui inscrit la réalité du nucléaire dans la propagande, la consommation et le spectacle", ajoutent-elles.

Des documents d'archive retracent les exploits d'une "miss atomique", concours de beauté organisé pour soutenir les essais nucléaires dans le désert du Nevada, tandis qu'un célèbre maillot de bain est baptisé "bikini", du nom d'un atoll du Pacifique où est réalisé un essai américain.

Aux côtés d'œuvres de Francis Bacon, Salvador Dali, Lucio Fontana, Gary Hill, Asger Jorn, Yves Klein, Sigmar Polke, Jackson Pollock ou Thomas Schütte, sont exposés d'émouvants dessins de survivants d'Hiroshima et de Nagasaki, considérés comme une œuvre de mémoire collective, ainsi que des photos inédites après l'explosion des bombes baptisées "little boy" et "fat man".

"Colonialisme nucléaire" et féminisme

Dès la fin des années 60, se profile une conscience écologique accrue avec la menace persistante que représente l'énergie nucléaire pour le vivant dans son ensemble.

L'exposition met en lumière des collectifs autochtones aux États-Unis, en Afrique ou dans le Pacifique qui se révoltent contre ce qu'ils appellent le "colonialisme nucléaire": les essais nucléaires et le travail d'extraction de l'uranium par leurs populations. Photos et œuvres d'art témoignent aussi de l'héritage toxique de ces activités en Algérie et en Polynésie, sur la côte ouest des États-Unis ou en Afrique du Sud.

Autre volet marquant: le féminisme écologique et antimilitariste des années 60 autour du nucléaire et son militantisme, à la lisière de l'art et de l'activisme.

En 1977, la peintre Hélène de Beauvoir, sœur de la romancière et philosophe Simone de Beauvoir, crée les Mortifères, toile exposée aux côtés d'une robe d'ampoules électriques multicolores de la Japonaise Atsuko Tanaka ou de gouaches de Nancy Spero, dénonçant les effets dévastateurs de la radioactivité sur les organes reproducteurs féminins.

L'exposition s'achève par des œuvres évoquant un hiver nucléaire dystopique et des dessins de la Française Natacha Nisic, inspirée de la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima en 2011, nous rappelant que "l'âge atomique" est notre présent.

Avec AFP

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