Qu'est-ce que le THAAD, ce système antimissile américain envoyé en Israël?
(ARCHIVES) Cette photo du Département américain de la Défense montre un lanceur THAAD tirant un intercepteur au cours d'un test opérationnel dans le Pacifique, le 10 septembre 2013. ©Handout / DoD / AFP

Washington a annoncé dimanche l'envoi d'un puissant système américain de défense antimissile en Israël, ainsi qu’une centaine de soldats pour le mettre en œuvre. Nommé THAAD, celui-ci doit permettre à l’État hébreu de renforcer son dispositif militaire de défense face aux menaces de Téhéran et ses alliés.

Le Pentagone a annoncé, dimanche 13 octobre, le déploiement en Israël d'un de ses systèmes de défense antimissiles à haute altitude, THAAD. Mis en œuvre par des militaires américains, celui-ci doit venir renforcer le dispositif israélien préexistant, face à l’arsenal de missiles que possède l’axe pro-iranien.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel système d’armes est déployé par Washington sur le territoire de l’État hébreu. Cela avait déjà été le cas en 2019, puis à la suite de l’attaque d’envergure du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023.

Qu’est-ce que le THAAD?

Acronyme de Terminal High Altitude Area Defense (Défense de zone à haute altitude terminale), le THAAD a été développé par les États-Unis à la fin des années 2000. Il est conçu et produit par la firme américaine Lockheed Martin, première entreprise en matière de défense au monde.

Son but est de détruire des missiles balistiques en phase terminale de vol, autrement dit lorsque ceux-ci redescendent vers leur objectif. Le système THAAD a été mis sur pied pour intercepter les projectiles à courte (moins de 1000 km) et moyenne portée (1000-3000 km), ainsi qu’intermédiaire (3000-5500 km). Sa portée officielle serait d’au moins 200 km.

Ce système est organisé en batterie. Chacune comprend un radar tracté AN/TPY-2, capable de détecter et de suivre les menaces balistiques à longue distance. Une fois sa cible repérée, il envoie les informations à l’unité de contrôle de tir. Il s’agit d’un centre de commande et de contrôle mobile, qui traite les informations reçues par le radar et coordonne les interceptions. L’ordre de tir est ensuite communiqué aux lanceurs mobiles.

Une batterie est équipée de six lanceurs, chacun d’entre eux déployant jusqu’à huit missiles intercepteurs dans ses tubes. Une fois lancés, ces derniers ajustent leur trajectoire vers la cible, par le biais de leurs capteurs et des informations communiquées par radar. Au total, une batterie nécessite environ 100 soldats pour sa mise en œuvre et coûte près de 1 milliard de dollars.

Depuis quelques années, Lockheed Martin travaille sur une version améliorée du système. Nommée THAAD-ER (pour Extended Range), celle-ci doit être en mesure d’intercepter des planeurs supersoniques.

Ces derniers, contrairement aux missiles classiques, peuvent réaliser des manœuvres d’évitement, compliquant la tâche des intercepteurs. Le THAAD-ER vise à contrer cet avantage par une précision accrue.

Système de défense intégrée

Si son fabricant se targue de produire un système antimissile dont le taux d’interception dépasse les 90%, le THAAD ne peut assurer seul la protection d’un espace aérien. Pour être efficace dans sa mise en œuvre, il doit être utilisé au sein d’un système intégré de défense aérienne ou IADS (Integrated Air Defense System).

Il s’agit d’une structure coordonnée conçue pour protéger l’espace aérien d’un pays contre l’ensemble des menaces aériennes qui, outre les missiles, incluent aussi les avions et les drones. Le cœur d’un IADS repose sur sa capacité à synchroniser et à relier différents systèmes de défense, qu'ils soient terrestres, maritimes ou aériens.

Cela inclut des radars de surveillance qui détectent les menaces à différentes échelles, différents systèmes d'armes destinés à neutraliser chacune de ces menaces, ainsi que des unités de commandement traitant les informations reçues, pour prendre des décisions en temps réel. Les systèmes actuels incluent aussi des capacités de guerre électronique pour brouiller ou déjouer les attaques adverses.

Un IADS performant est ainsi capable de créer une "bulle" de protection couvrant une large zone, souvent organisée en plusieurs couches de défense. Chaque couche est destinée à engager des cibles à différentes distances ou altitudes. Par exemple, le THAAD s’occupe des missiles balistiques à moyenne portée, tandis qu’un autre système sera destiné à engager des cibles à proximité, à l’image des drones.

L'intégration permet une surveillance continue et une gestion centralisée des ressources de défense, ce qui augmente la résilience en cas d'attaque massive. En cas de défaillance d'un composant, les autres peuvent compenser, assurant ainsi une protection efficace.

Renforcer l’IADS israélien

L’envoi d’une batterie THAAD en Israël a néanmoins de quoi soulever des interrogations. Car depuis plusieurs décennies, l’armée israélienne a mis sur pied un IADS que nombre d’analystes considèrent comme étant l’un des plus performants au monde – avec toutefois une aide américaine essentielle.

La composante la plus médiatisée de ce système est sans doute le fameux Iron Dome, ou "Dôme de fer" en français. Celui-ci est équipé de petits missiles à courte portée aussi manœuvrables qu’onéreux.

Il est conçu pour intercepter les roquettes et obus d’artillerie de courte portée, comme ceux tirés par le Hamas depuis Gaza ou par le Hezbollah depuis le Liban-Sud. Le Dôme de fer doit être suppléé dans un futur proche par un système utilisant un faisceau laser pour détruire ses cibles, nommé Iron Beam ("Rayon de fer").

Les couches de protection supérieures sont prises en charges par trois autres types de systèmes. Le Patriot, un système qui a été notamment déployé en Jordanie l’année dernière par l’armée américaine, assure la défense jusqu’à 24 km d’altitude. Au-delà de cette altitude, le système David’s Sling ("Fronde de David") prend le relais pour intercepter les missiles balistiques à courte et moyenne portée, avec un plafond opérationnel de 75 km.

Enfin, le dispositif Arrow (pour "Flèche") complète l’IADS israélien, en contrant les missiles à longue portée jusqu’à 150 km d’altitude. Cela le place donc dans la même catégorie que le THAAD américain.

Un système à bout de souffle?

En théorie, l’État hébreu est en mesure d’assumer sa propre défense, d’autant plus que la production de presque tous ces dispositifs est assurée localement. Néanmoins, l’évolution de la situation régionale rebat les cartes en sa défaveur.

Mardi matin, le média britannique Financial Times dévoilait qu’Israël risque d’être confronté à une pénurie d'intercepteurs pour faire face aux missiles de l’axe pro-iranien. Et c’est précisément le système Arrow qui serait au centre des préoccupations, selon l’aveu même du fabricant, Israeli Aerospace Industries (IAI).

L’attaque iranienne du 1er octobre contre Israël a révélé qu'une force de frappe d'environ 200 missiles pouvait causer des dommages significatifs, tout en mettant à l'épreuve l'IADS israélien, qui avait bénéficié du soutien de la Marine américaine et de l'armée jordanienne.

Téhéran avait pourtant compté seulement sur sa propre force de frappe, les autres membres de l’axe s’étant abstenu de toute participation, notamment le Hezbollah et les Houthis.

Dans le cas d’une attaque coordonnée impliquant l’ensemble des membres de l’axe, Israël pourrait voir ses systèmes de défense submergés. Si l'envoi d'une batterie THAAD par Washington témoigne de son soutien à Tel-Aviv, cela pourrait également être perçu comme un aveu de faiblesse israélienne. 

 

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