Polémique religieuse autour de l'opéra urbain à Toulouse
Des membres du clergé se rassemblent pour une messe et une consécration de la ville de Toulouse. ©Ed Jones/AFP

L’opéra urbain La Porte des Ténèbres, organisé à Toulouse du 25 au 27 octobre, a provoqué une polémique au sein des communautés religieuses. Tandis que les églises catholiques et protestantes dénoncent sa symbolique sombre, les organisateurs défendent un événement festif et artistique.

Opéra urbain de machines géantes organisé fin octobre à Toulouse, une "grande fête pour la ville" selon ses créateurs, La Porte des Ténèbres provoque la colère des églises catholiques et protestantes, qui y voient une glorification des ténèbres.

"Je suis ici pour dire que ce spectacle est sombre et dangereux", a déclaré l’archevêque de Toulouse, Guy de Kerimel, lors d’une cérémonie de "consécration" de la ville mercredi.

Le prélat, qui considérait cette messe comme un acte spirituel nécessaire, a exprimé sa volonté de "redonner de l'espoir" à une société "fascinée par l'obscurité", s’adressant à plus de 700 fidèles dans une église en périphérie de Toulouse.

Le plus grand spectacle jamais créé par la compagnie de théâtre de rue La Machine, La Porte des Ténèbres, mettra en scène trois géants de bois et d’acier qui déambuleront dans la ville rose du 25 au 27 octobre, juste avant Halloween et la Toussaint.

Astérion le Minotaure, mi-homme mi-taureau, et sa demi-sœur Ariane, une araignée de 38 tonnes et 20 mètres d'envergure, avaient déjà impressionné le public en 2018, attirant plus de 800.000 spectateurs. Cette année, ils seront rejoints par Lilith, une créature mi-femme à cornes de bouc, mi-scorpion à pattes de crabe, créée pour l’édition 2024 du Hellfest, un festival de musique métal près de Nantes, une autre ville-phare de la compagnie.

Gardienne des ténèbres "libérée par Hadès", maître des enfers dans la mythologie grecque, Lilith tentera d’ouvrir "la voie vers les enfers", comme l’indique le programme de cet opéra en trois actes sur trois jours.

Symbolisme et protestations

Pour Monseigneur de Kerimel, cette œuvre porte une "symbolique satanique" et un "thème qui blesse les chrétiens".

Maxence Mantel, un étudiant ingénieur présent à la cérémonie de consécration, admire la "technique impressionnante des machines", mais reste perplexe quant au "message". L’affiche de l’événement, représentant des églises en feu et des squelettes dansant dessous, renforce, selon lui, un imaginaire luciférien.

"C'est la ville, et non les églises, qui est en feu", a précisé François Delarozière, directeur artistique de La Machine, lors d’un point presse. Il a ajouté avec ironie que cette "iconographie médiévale" relançait un débat presque "moyenâgeux". "Je ne perçois pas ce spectacle comme une promotion des valeurs du Mal", a rétorqué Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, se disant "étonné" par la polémique, d’autant qu’il n’y avait eu "aucune critique" en 2018. Pour lui, le but est "de faire rêver" avec une histoire ancrée dans la mythologie autour de Lilith, la dernière création de la compagnie.

M. Delarozière a insisté : "En aucun cas, je n’ai cherché à stigmatiser une communauté". Il préfère parler d’une "grande fête pour la ville", transformée pour l’occasion en "immense décor de théâtre".

Réactions contrastées

Comme Maxence Mantel, Malika Hagoug, 70 ans, une autre fidèle rencontrée à la sortie de la messe, compte rester chez elle fin octobre. "Ça vous inspire La Porte des Ténèbres ? Moi non, je suis née pour la lumière", a-t-elle confié.

Du côté des protestants, il n’y a pas eu de messe de consécration, mais l’inquiétude demeure. Ils s’alarment de voir Toulouse transformée en "porte des ténèbres" par une œuvre financée par des fonds publics et qui "flirte avec des thématiques spirituelles inquiétantes", selon la Fédération protestante de France.

L’opéra urbain, qui représente un budget de 4,7 millions d’euros, est l'un des événements phares de l’année culturelle de la métropole toulousaine. "Nous finançons le projet, mais nous n’intervenons pas dans l’écriture de l’œuvre", a précisé Jean-Luc Moudenc, maire et président de la métropole.

Bien qu'il respecte les critiques des communautés catholiques et protestantes, M. Moudenc ne les partage pas et préfère y voir "une bonne publicité pour le spectacle". Il a ajouté en souriant : "Le titre est La Porte des Ténèbres, mais à la fin, c'est le bien qui triomphe", faisant référence à la victoire annoncée d'Astérion, le minotaure "protecteur de la ville", un personnage que l’archevêque et ses fidèles ne parviennent pas à associer aux forces du Bien.

Avec AFP

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