À considérer que la première réunion de la session parlementaire ordinaire d’automne sera maintenue mardi, la question reste de savoir ce qu’a prévu le Courant patriotique libre (CPL) à cet effet, notamment en ce qui concerne la reconduction ou non de certains de ses députés à la tête de commissions parlementaires ou au sein du bureau de la Chambre.
Vendredi, le président du Parlement, Nabih Berry, a convoqué les parlementaires à une assemblée plénière, un rendez-vous annuel qui prend place le premier mardi après le 15 octobre, conformément à la Constitution. Les députés se doivent d’élire durant cette réunion, les deux secrétaires et trois commissaires du bureau de la Chambre, mais aussi les membres des 16 commissions permanentes, qui, à leur tour, se réuniront chacune de son côté, pour voter pour un président et un rapporteur propre à chacune d’entre elles.
À l’heure actuelle, les deux secrétaires du bureau de la Chambre sont Alain Aoun et Hadi Abou el-Hosn et les trois commissaires sont Michel Moussa, Abdel Karim Kabbara et Hagop Pakradounian. “À l’exception d’Alain Aoun dont le sort demeure incertain, les quatre autres députés retrouveront leurs postes”, confirme-t-on de source sûre à Ici Beyrouth (IB).
Pour le 22 octobre, les élections des commissions parlementaires revêtent, cette année, une importance particulière, puisqu’elles interviennent dans un contexte politique marqué par de profondes tensions.
L’une des principales préoccupations concerne, outre la tenue ou non de la session, les intentions du CPL à cet égard. Procèdera-t-il à un renversement de la donne en avançant la candidature de nouvelles personnes pour remplacer tant le secrétaire général du bureau de la Chambre, Alain Aoun, que les présidents des commissions des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan, d’une part et de la Jeunesse et du Sport, Simon Abi Ramia, d’autre part?
Les trois ne font plus partie du bloc parlementaire du CPL. Simon Abi Ramia avait été remercié et MM. Aoun et Kanaan avaient présenté leur démission de ce bloc.
Pour cause? Les profondes divisions internes qui perdurent depuis que l’actuel chef du CPL, Gebran Bassil, a pris les rênes du parti.
Si certains milieux politiques confirment la tenue de la session du 22 octobre, d’autres, au contraire, craignent que le quorum (de 65 députés) ne soit pas atteint. De ce qu’a pu apprendre IB, les députés de l’opposition seront au rendez-vous. Reste à savoir si ceux du bloc de la Fidélité à la résistance (Hezbollah) y participeront. Des motifs liés à la situation sécuritaire actuelle (la guerre en cours entre la formation pro-iranienne et Israël) peuvent les en “empêcher”, notamment la crainte d’être ciblés par un raid israélien.
Quels scénarios possibles?
En temps normal, et selon une source au sein du Parlement, la question ne se serait même pas posée, puisque généralement, on procède à une reconduction des membres et présidents des différentes commissions parlementaires. Aujourd’hui, l’éventualité que le CPL remplace ses détracteurs découle de plusieurs facteurs.
D’une part, une volonté d’écarter MM. Aoun, Kanaan et Abi Ramia se traduirait par un “besoin” pour Gebran Bassil de prendre sa revanche contre ceux qui ont “osé” se détourner du parti. Besoin que pourrait freiner, d’autre part, M. Berry, qui a précédemment signalé au chef du CPL son refus catégorique d’effectuer des changements dans la composition actuelle des commissions parlementaires.
À cet obstacle aux desseins de M. Bassil, s’ajoutent l’érosion de l’influence politique de ce dernier, notamment après la fin du mandat présidentiel de Michel Aoun, le 31 octobre 2022, mais aussi les tensions croissantes avec son ancien “allié”, le Hezbollah ou ses adversaires politiques, comme les Forces libanaises.
Si le CPL décide donc d’avancer de nouvelles candidatures, ce choix pourrait avoir un impact sur la capacité du parti à maintenir ses alliances et son influence au Parlement.
“De deux choses l’une: soit M. Bassil se plie à la volonté du président de la Chambre et évite tout bouleversement, dans une tentative de miser sur la carte de la présidentielle (et empêcher ainsi l’accession au pouvoir du commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, pressenti pour être à la tête de l’État), soit il propose, à l’intérieur de l’hémicycle, trois nouveaux noms (parmi ceux de Georges Atallah, Nada Boustani, Salim Aoun et César Abi Khalil) pour remplacer MM. Kanaan, Aoun et Abi Ramia qui pourraient alors bénéficier de l’appui d’autres forces politiques”, suggère-t-on à IB de source proche du dossier.
M. Bassil aurait donc peu de chances de remporter la bataille. D’autant plus que, selon cette même source, “Alain Aoun, neveu de Michel Aoun, est une figure de proue du CPL et un négociateur influent dans les dialogues politiques avec les autres partis. Simon Abi Ramia, quant à lui, est une figure importante, avec une influence sur des questions de société et de gouvernance et Ibrahim Kanaan est souvent présenté comme le maître d’œuvre des dossiers financiers et législatifs, ayant joué un rôle clé dans des réformes budgétaires cruciales”.
Par conséquent, et s’il est procédé à la désignation, par le CPL, de nouveaux candidats, “les forces de l’opposition s’accrocheraient aux deux présidents de commissions et au secrétaire général actuel”, indique-t-on de même source.
Et un autre responsable politique de confirmer que “les FL ne proposeront pas de candidats si M. Bassil tient à une non-reconduction”. Ils signifieront leur attachement au maintien des trois députés susmentionnés à leur postes respectifs”.
Un défaut de quorum pourrait-il faire éviter ce dilemme tant au CPL qu’au président de la Chambre qui s’oppose à tout changement? Les députés du Hezbollah feront-ils acte de présence lorsque l’on sait que M. Berry brandit la carte de leur absence aux séances parlementaires destinées à l’élection d’un président de la République (poste vacant depuis 2022) pour se désister de toute responsabilité de blocage institutionnel?
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