Les médias, à la solde de l’ennemi?
©Ici Beyrouth

L'attitude des partisans de “l'axe de la résistance” est pour le moins étrange. Le choc qu'ils traversent est sans doute immense et difficile à surmonter. Face à cette guerre qui s’enlise, ils se retrouvent à lancer des accusations tous azimuts, dans l’espoir de regagner un semblant de dignité ou d’en rejeter la responsabilité sur un acteur plus accessible. Accuser Israël à ce stade ne mène à rien et ne soulage surtout pas la douleur découlant des pertes subies.

Dans un contexte où la majorité des médias au Liban opte pour la politique de l'autruche, la MTV s'est démarquée par son courage face à l'agression. Elle a su respecter les principes de crédibilité, de transparence et de dignité, rendant hommage aux victimes en les honorant comme des martyrs tout en désignant clairement les frappes israéliennes comme une agression.

La chaîne a conservé sa ligne éditoriale depuis son lancement, en 1991, et sa réouverture après sa fermeture forcée en 2009. Elle a été l'une des premières à soulever la question des armes du Hezbollah, bien avant le retrait de l'armée syrienne.

Aujourd'hui, face aux événements qui secouent le Liban en raison de la guerre entre Israël et le Hezbollah, il semble peu probable qu'elle change de cap, ayant déjà averti des conséquences que nous subissons désormais.

Ce qui est réellement frappant dans cette affaire, c’est la montée en flèche des accusations qui frisent parfois l’irrationnel. Tout a commencé avec la diffusion d'une information concernant la présence de combattants dans des centres d'hébergement, laissant entendre, à tort, que la chaîne incitait indirectement à les cibler.

Face à l’indignation suscitée par cette information, la chaîne a rapidement réagi en retirant l'article de son site, par respect pour les opinions contraires.

Cette question a néanmoins déclenché une avalanche de critiques virulentes contre la MTV, certaines allant jusqu'à l’accuser d’être la "chaîne du Mossad", avec toutes les conséquences sécuritaires, morales et juridiques que cela entraîne.

Les éditoriaux de Marcel Ghanem, connu pour ses critiques acerbes contre le Hezbollah et ses politiques, ont été la cible de nombreuses attaques et accusations. La situation s’est encore aggravée lorsque les agences d'Al-Qard al-Hassan au Liban ont été frappées, coïncidant malencontreusement avec un reportage de la chaîne qui abordait, sous l'angle économique, le sort des déposants en pleine crise. Certains ont alors accusé la chaîne locale d’avoir incité à ces attaques, comme si le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, attendait ses bulletins d’information pour décider des cibles à frapper.

Le véritable problème ne réside pas dans les accusations des détracteurs de la chaîne, qui prétendent qu'elle met en danger la sécurité des réfugiés et s'aligne politiquement sur Israël. Ce ne sont pas les reportages de la MTV qui exposent les gens au danger, mais les parties qui stockent des armes et tiennent des réunions à proximité des civils.

La chaîne MTV ne collabore pas avec Israël. Depuis trois décennies, elle plaide pour un monopole des armes sous l’autorité exclusive de l'État libanais.

La vraie problématique est que les partisans du Hezbollah ont trouvé dans cette chaîne un bouc émissaire pour déverser sur lui leur colère, alors qu’ils savent pertinemment que les événements récents n’ont aucun lien avec un simple reportage.

Celui qui a réussi à piéger des bipeurs et des talkies-walkies qui ont explosé simultanément, qui a pu accéder au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ainsi qu'à la réunion de la brigade Al-Radwan, ciblant la plupart des dirigeants du Hezbollah et ses entrepôts de missiles, et qui a anéanti en quelques jours la structure militaire et financière du parti pro-iranien n’a certainement pas besoin de directives de la part d’un média.

Si certains accusateurs malintentionnés prétendent que la MTV joue le rôle d’informatrice ou d’agente, il est important de rappeler que tous les agents arrêtés au cours des dix dernières années sont issus du Hezbollah. Aucune personne s'opposant ouvertement à la formation pro-iranienne n'a été appréhendée pour espionnage.

Le besoin de chercher un exutoire est tout à fait compréhensible, mais il est crucial de se souvenir que les médias ne peuvent pas être réduits au silence. La liberté est une force trop puissante pour être étouffée, surtout en cette période d’effondrement, par ceux qui croient pouvoir gouverner uniquement par la force.

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