L’appétit insatiable d’un ministre menace l’approvisionnement des repas aux déplacés

Le 1er octobre dernier, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, et Imran Riza, coordonnateur résident des Nations unies et coordonnateur humanitaire pour le Liban, ont lancé un appel d'urgence visant à recueillir 426 millions de dollars afin de répondre aux besoins humanitaires immédiats des civils touchés par la guerre et la crise humanitaire qui en résulte. À ce jour, l'ONU a obtenu des promesses de financement avoisinant 150 millions de dollars, tandis que les efforts se poursuivent pour collecter davantage de fonds, face à l'urgence des besoins au Liban.

Depuis le 8 octobre 2023, la communauté internationale et les organisations humanitaires, en coordination avec le gouvernement libanais, ont apporté leur soutien au Liban. Neuf millions de dollars ont été alloués par le Fonds central d'intervention d'urgence des Nations unies et 24 millions de dollars par le Fonds humanitaire pour le Liban en avril et en août 2024, dont 10 millions pour le sud du Liban. En septembre, des fonds supplémentaires de 10 millions de dollars ont été attribués par les deux fonds pour répondre aux besoins essentiels et maintenir la réponse humanitaire.

Ces contributions restent malheureusement largement insuffisantes pour affronter la crise humanitaire, au regard des ressources qui manquent cruellement.  Des contributions supplémentaires de la communauté internationale restent indispensables. Le Programme alimentaire mondial a prépositionné des stocks de nourriture dans des lieux stratégiques, permettant de répondre chaque jour aux besoins d’environ 200.000 personnes avec des repas prêts à consommer et des aides en espèces. De son côté, l'Unicef fournit l'essentiel ainsi qu'un soutien psychologique aux enfants et à leurs familles, en coopération avec les ministères concernés et ses partenaires. 

En effet, les chiffres sont déjà alarmants et continuent d’augmenter, avec plus de 1,2 million de déplacés, aggravant ainsi une crise qui pèse lourdement sur les ressources du pays et sur ses infrastructures déjà affaiblies. Cette situation touche particulièrement les populations les plus pauvres et vulnérables.

Tous les rapports des institutions internationales, tels que le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Unicef, soulignent l'ampleur des destructions et la peur omniprésente parmi les citoyens. Ces derniers se trouvent confrontés à un avenir incertain tant que leur pays est en proie à la guerre, un conflit que la communauté internationale cherchait à éviter. Cette situation a déjà engendré une catastrophe, exposant de nombreuses familles à des conditions fort périlleuses. Parallèlement, l'intensification du conflit amplifie les répercussions psychologiques sur la population, en particulier chez les enfants et les jeunes.

La réponse des autorités libanaises à la crise demeure limitée en raison des financements restreints, conséquence de la grave crise financière que traverse le pays. Elle s'appuie principalement sur l'aide extérieure et le soutien international d'organisations et de donateurs, ainsi que sur l'assistance des pays amis. La gestion de la crise est confiée à un comité d'urgence dirigé par le ministre sortant de l'Environnement, Nasser Yassine. Depuis le début de la crise, ce comité qui travaille à répondre aux besoins, malgré les défis, a permis d’établir 1.095 centres d'hébergement pour 191.516 déplacés, dont 908 ont déjà atteint leur capacité d’accueil maximale.

La commission collabore également avec des institutions, des organisations internationales ainsi que des pays donateurs. Toutefois, malgré les pressions et les défis rencontrés, des obstacles "internes" ont récemment émergé, mettant en péril l'avenir de l'initiative du PAM pour répondre à la crise libanaise.

À la suite de la distribution par le secrétariat général du Conseil des ministres d'un calendrier de réunions pour suivre les questions de la commission ministérielle d'urgence, une session était prévue en début de semaine pour discuter de l'approvisionnement en repas et des cuisines communautaires. Les acteurs concernés incluent le ministère des Affaires sociales, le ministère de la Santé, le ministère de l'Agriculture, ainsi que le PAM, qui a décidé d’allouer 122 millions de dollars pour fournir des repas aux déplacés dans les centres d'hébergement pendant quatre mois.

Cependant, le ministre sortant des Affaires sociales, Hector Hajjar, a tenté de s'immiscer dans le processus en cherchant à contrôler le financement attribué par le PAM, mettant en péril cette initiative. Des sources présentes aux réunions de la commission d'urgence et lors des discussions avec les responsables du programme rapportent que Hajjar a beaucoup remis en question la transparence de la gestion, allant même jusqu'à formuler des accusations. Il a ainsi affirmé que le programme facturait chaque repas 5 dollars alors que son coût réel n'était que de 2,50 dollars. De plus, d'après des participants, il a noté que les repas arrivaient parfois en avance ou en retard. Ses accusations ne se sont pas arrêtées là: le ministre a également soutenu que les repas fournis avaient provoqué des intoxications chez des dizaines de déplacés.

Face à ces allégations, la commission d'urgence a rejeté ses accusations. Selon des sources du ministère de la Santé, les repas distribués ne présentent aucun danger et aucun cas d'intoxication n'a été signalé dans les centres d'hébergement. De plus, les affirmations de Hajjar concernant les horaires de livraison n'ont pas été corroborées.

La question clé concerne le coût des repas. Bien qu'ils soient financés par le budget du PAM et gérés selon ses mécanismes, certaines sources redoutent que ces montants attirent des convoitises. D’aucuns ont exprimé le désir de gérer et de financer la cuisine centrale du PAM au Liban, tandis que d'autres ont suggéré de faire appel à des entrepreneurs dans leurs cercles proches pour fournir les repas à prix réduit. Ces propositions ont été rejetées par le programme et les membres de la commission d'urgence ont montré peu d'enthousiasme, refusant de commercialiser les repas destinés aux déplacés. Par ailleurs, il semble que le boycott par le ministre sortant des Affaires sociales des sessions consacrées à l'approvisionnement alimentaire se poursuivra, d'autant plus qu'un membre du comité a rapporté que Hajjar a menacé de saboter le projet.

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