La France confrontée au risque d'une rétrogradation par Moody's
Une photo prise le 17 avril 2020 montre le siège de la Banque de France à Paris. ©BERTRAND GUAY / AFP

Rétrogradation ou statu quo? L'agence de notation Moody's doit dévoiler vendredi son évaluation de la note de la dette souveraine de la France, un rendez-vous à haut risque pour le pays, fragilisé par la dérive de ses comptes publics.

Un abaissement de la note est redouté, en plein débat à l'Assemblée nationale sur l'effort de 60 milliards d'euros envisagé par le gouvernement dans son projet de budget pour 2025, destiné à ramener le déficit public à 5 % du PIB et à tenter de reprendre le contrôle d'une dette colossale.

Moody's note actuellement la France "Aa2" (l'équivalent de 18 sur une échelle de 20 niveaux de notation), un cran au-dessus des deux autres grandes agences, Fitch et S&P ("AA-"), et pourrait s'aligner sur celles-ci malgré une perspective "stable".

"Ce serait mieux pour la France que l'agence se contente d'abaisser la perspective à négative tout en maintenant la note inchangée. Mais la probabilité que Moody's dégrade la note est très forte", prévient Éric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management.

"Les écarts de notes attribués par l'agence entre la France et de nombreux pays moins bien notés sont désormais très difficiles à justifier, surtout avec des performances macroéconomiques françaises souvent inférieures", ajoute-t-il dans une note.

Une telle rétrogradation pourrait peser sur les taux auxquels la France emprunte sur les marchés, alors qu'elle est déjà sous tension en raison de ses difficultés budgétaires et de l'instabilité politique issue des élections législatives anticipées de juin-juillet.

Atouts "insuffisants"

La dette française continue de séduire les investisseurs, mais ses taux d'intérêt sont désormais au niveau de ceux de pays comme le Portugal ou l'Espagne, réputés plus risqués.

"Nous sommes aujourd'hui, en Europe, l'un des pays les plus isolés en termes de déficit et de dette", et "nos partenaires européens nous regardent", a admis mardi le ministre de l'Économie et des Finances, Antoine Armand, sur la chaîne TF1.

Selon le cabinet Asterès, plus que les décisions des agences de notation, dont les conséquences seraient, selon lui, "limitées sur les coûts d'emprunt de l'État français", c'est la situation en France qui importe surtout.

La charge de la dette est aujourd'hui le deuxième poste budgétaire après l'éducation, avec plus de 50 milliards d'euros, et elle pourrait devenir le premier d'ici à 2027. Cela réduit d'autant les marges de manœuvre financières.

"Souvent, l'impact d'une dégradation est insignifiant parce que les investisseurs sur les marchés étaient déjà au courant des problèmes du pays concerné et en tenaient déjà compte pour déterminer le taux d'intérêt exigé sur ses obligations", relève Éric Dor.

Pour préserver la crédibilité de la France, le gouvernement souhaite en 2025 réduire les dépenses publiques, dont elle est championne en Europe, et augmenter les impôts des entreprises et des riches contribuables. Il peine cependant à convaincre une Assemblée nationale fragmentée, où il est minoritaire.

Les atouts de la France (économie diversifiée, systèmes fiscal et bancaire solides, notamment) "risquent d'être insuffisants" face à la difficulté "d'obtenir une majorité pour voter les mesures nécessaires à l'assainissement des finances publiques", souligne Éric Dor.

"Risques accrus"

Le gouvernement entend ramener le déficit public de 6,1 % du PIB en 2024 à 5 % en 2025 pour revenir dans les clous européens d'ici 2029, avec 2,8 %.

Alors que la croissance atteindrait 1,1 % en 2025, comme cette année, partiellement pénalisée par les mesures de redressement, la dette publique continuerait de gonfler pour frôler les 115 % du PIB, presque le double du maximum fixé à 60 % par Bruxelles.

Le Fonds monétaire international (FMI) a alerté mercredi sur un risque de dérapage important sans efforts supplémentaires : le déficit atteindrait alors 5,9 % l'an prochain et resterait à ce niveau en 2029, avec une dette culminant à 124,1 % du PIB à cet horizon.

La décision de Moody's interviendra deux semaines après celle de Fitch, qui a placé la France sous "perspective négative" sans revoir sa note à la baisse, malgré des "risques (...) accrus" et des doutes sur les prévisions officielles de déficit.

L'agence S&P doit se prononcer quant à elle le 29 novembre. Elle avait abaissé en mai la note française de "AA" à "AA-".

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