Lisbonne: un tramway en quête d'équilibre
Les tramways historiques de Carris à la parade annuelle des tramways et des bus classiques à l’occasion du 152e anniversaire de la société. © Patricia de Melo Moreira / AFP

Les tramways de Lisbonne, symbole d'un charme d'antan, attisent le désamour des habitants face à l'invasion touristique. Entre fascination des visiteurs et exaspération des locaux, la capitale oscille entre tradition et surtourisme.

Dans les rues sinueuses de Lisbonne, le crissement des petits tramways jaunes dessine un tableau pittoresque de la capitale portugaise. Chaque matin, sur la place Martim Moniz, touristes et locaux se pressent devant le mythique tramway n°28, dont le parcours à travers les collines de la ville offre un aperçu unique du charme ancien de Lisbonne. Mais cette popularité exaspère de plus en plus les habitants, qui peinent à trouver leur place dans leur propre ville.

Succès mitigé

À la fin du XIXe siècle, les premiers tramways de Lisbonne, tirés par des chevaux, sillonnaient déjà ces mêmes collines. Aujourd’hui, les véhicules restaurés avec soin, au plancher de bois et fenêtres guillotine, transportent une cinquantaine de passagers à la fois. Patrice Schneider, touriste suisse de 71 ans, insiste: “C’est un incontournable!” Un avis partagé par Sandra Billy, une Française impatiente de découvrir ce trajet emblématique.

Le parcours du tramway traverse des ruelles étroites, effleurant parfois les façades pastel, et ouvre sur des panoramas spectaculaires de l’estuaire du Tage. Cette expérience, vantée par les guides touristiques, attire des millions de visiteurs, avec un record de près de neuf millions en 2023. Toutefois, ce succès touristique suscite des tensions dans les quartiers populaires comme la Mouraria, où Luisa Costa, une habitante, déplore: “Ce tramway n’est plus pour nous, il est réservé aux touristes!”

Mi-figue mi-raisin

Face à cette situation, les autorités ont instauré des minibus électriques pour les résidents, et des tramways rouges destinés aux touristes, mais ces derniers sont boudés à cause de leurs tarifs élevés. Pour Fatima Valente, retraitée de 82 ans, ces initiatives ne suffisent pas: “La situation ne cesse d’empirer”, affirme-t-elle.

Des voix locales s’élèvent, appelant à un réseau de transport plus accessible et plus fiable pour tous. Fernanda Cancio, journaliste au Diario de Noticias, dénonce dans une tribune que le tramway est devenu “un jouet” pour les touristes qui alimente les réseaux sociaux au détriment des habitants qui en ont réellement besoin. 

Mode de transport durable

Carris, la société des transports de Lisbonne, reconnaît la difficulté de cette cohabitation. Certaines lignes, abandonnées au XXe siècle au profit des bus, sont en cours de réactivation pour répondre aux besoins. “La tendance aujourd'hui est de récupérer les infrastructures là où c'est possible de le faire”, explique Ema Favila Vieira, porte-parole de Carris, en soulignant que ces tramways restent un mode de transport durable et nécessaire pour la ville.

Avec ses cinq lignes historiques et une sixième longeant le fleuve, le réseau des tramways lisboètes symbolise à la fois le passé et l’avenir de la capitale, partagée entre l’attraction touristique et les besoins de ses habitants.

Avec AFP

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