Guerre à Gaza: des Jordaniens en colère contre Israël
Des Jordaniens scandent des slogans lors d'une manifestation près de l'ambassade d'Israël à Amman le 28 mars 2024, en soutien aux Palestiniens. ©Khalil MAZRAAWI/AFP

L'attaque menée par deux Jordaniens contre des soldats israéliens au sud de la mer Morte au lendemain de la mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, témoigne d'une profonde indignation dans le pays qui entretient d'étroits liens avec les Palestiniens, selon des experts.

"Les Jordaniens bouillonnent de colère" dans le contexte de la guerre à Gaza, "c'est indéniable", estime Oraib Rantawi, directeur du Centre d'études politiques d'al-Qods à Amman.

Le 18 octobre, deux membres de la confrérie des Frères musulmans jordaniens ont été tués après avoir ouvert le feu sur des soldats israéliens, au sud de la mer Morte. Un soldat et un réserviste israéliens ont été légèrement blessés lors de l'échange de tirs.

Le 8 septembre, trois vigiles israéliens avaient été tués par un chauffeur de camion jordanien ayant ouvert le feu au point de passage d'Allenby, entre la Cisjordanie occupée et la Jordanie, contrôlé par Israël.

Les Frères musulmans jordaniens ont affirmé que les deux auteurs de l'attaque au sud de la mer Morte, Houssam Abou Ghazaleh et Amer Qawoos, ont agi de manière indépendante et qu'ils participaient régulièrement "à des évènements en soutien à Gaza et à la résistance".

Selon M. Rantawi, nombre de Jordaniens souhaitent des mesures concrètes contre Israël.

"Certains jeunes, en particulier ceux des mouvements islamistes, nationalistes et de gauche, estiment que les manifestations ne suffisent pas", dit-il à l'AFP, évoquant le souhait d'actions plus fortes comme la suspension des échanges commerciaux ou la rupture des liens diplomatiques.

La Jordanie, où près de la moitié de la population est d'origine palestinienne, n'a pas encore officiellement condamné l'attaque du 18 octobre.

Mais "nous ne serons pas un lieu de conflit et nous n'accepterons pas de mettre en péril l'avenir de ce pays, et nous ne permettrons à aucune partie de reproduire ses modèles de chaos et de destruction", a toutefois déclaré le Premier ministre jordanien, Jafar Hassan.

En 1994, la Jordanie est devenue le deuxième État arabe, après l'Égypte, à signer un traité de paix avec Israël et à établir des relations diplomatiques. Leur frontière commune est restée largement calme depuis lors.

"Le seul moyen"

La direction du Hamas a qualifié l'attaque au sud de la mer Morte de "développement significatif dans la bataille en cours du Déluge d'al-Aqsa".

Elle est survenue quelques heures après l'annonce par Israël de la mort de Yahya Sinouar, tué par l'armée israélienne.

Les attaques transfrontalières "mettent en évidence la pression croissante qui pèse sur les Jordaniens" en raison de "l'escalade de l'agression israélienne avec le soutien permanent des États-Unis", indique à l'AFP le politologue jordanien Labib Kamhawi.

Selon lui, "la colère est évidente tant au niveau public qu'au niveau officiel, le gouvernement jordanien étant frustré par le comportement agressif d'Israël".

Amman a "fait savoir que la Jordanie ne pouvait pas ignorer l'indignation croissante de l'opinion publique", ajoute-t-il.

De nombreux Jordaniens ont perçu les auteurs des deux attaques contre Israël comme des martyrs héroïques, certains allant même jusqu'à les célébrer avec des feux d'artifice dans la capitale.

Le père de Maher Diab Hussein Al-Jazi, auteur de l'attaque de septembre tué par Israël, a déclaré à des médias locaux qu'il était "honoré d'avoir élevé un fils courageux qui a accompli un acte de sacrifice".

Confrontée à la colère généralisée de sa population, la Jordanie s'efforce de trouver une issue diplomatique à la guerre à Gaza.

Mais, d'après M. Kamhawi, "certains Jordaniens considèrent désormais que mener des attaques reste le seul moyen d'exprimer leur solidarité avec les Palestiniens".

 

Mussa Hattar, avec AFP

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