À quoi ressemblera l'après-présidentielle américaine?
Des personnes passent devant des vendeurs de souvenirs près de la Maison Blanche avant un rassemblement avec la vice-présidente des États-Unis et candidate démocrate à l'élection présidentielle Kamala Harris sur l'Ellipse à Washington, DC, le 28 octobre 2024. ©Brendan Smialowski / AFP

La présidentielle américaine de 2024 est remarquable en ce qu'elle génère autant de suspense sur le résultat du scrutin que sur l'après-scrutin: verra-t-on une grande bataille judiciaire, une contestation violente s'exprimer dans les rues ou, au contraire, un pays refusant de se déchirer davantage? 

La réponse à ces questions dépendra grandement de la capacité des candidats à accepter leur éventuelle défaite, au terme d'une course probablement remportée sur le fil. Or, de ce point de vue, c'est surtout Donald Trump qui inquiète.

Le républicain de 78 ans ne cesse d'affirmer que la seule possibilité pour lui de perdre serait que le camp de son adversaire, la démocrate Kamala Harris, truque les résultats de l'élection du 5 novembre.

À plusieurs reprises, il a refusé de dire qu'il soutiendrait une transition pacifique au sommet du pouvoir. Et il affirme toujours que la présidentielle de 2020 lui a été volée, élément central des poursuites fédérales qui le visent pour sa tentative présumée d'inverser le résultat de ce scrutin.

“S'il perd, je suis certain qu'il va crier à la triche, faire tout ce qui est possible pour inverser les résultats (...). Non seulement c'est un mauvais perdant, mais jamais il n'admettra une défaite”, prédit Donald Nieman, professeur de sciences politiques à l'université Binghamton dans l'État de New York.

Clôtures métalliques

De son côté, Kamala Harris, si elle perd, acceptera-t-elle de reconnaître son échec? Ses partisans le pensent à 95%, mais ce taux tombe à 48% chez les trumpistes, détaille le Pew Research Center.

Deux Américains sur trois redoutent une éruption de violence dans le sillage du 5 novembre, selon un sondage d'Ipsos dévoilé jeudi dernier.

Illustration de l'électricité ambiante, deux urnes électorales métalliques, contenant des centaines de bulletins déposés de façon anticipée, ont été la cible d'incendies volontaires lundi, dans les États limitrophes de Washington et de l'Oregon.

Ceci, trois jours après que les autorités américaines ont accusé des agents russes d'avoir créé une fausse vidéo devenue virale montrant prétendument la destruction de bulletins par correspondance en faveur de Donald Trump en Pennsylvanie.

Les deux candidats s'accusent mutuellement d'attiser les tensions. Kamala Harris reproche désormais à Donald Trump d'être un “fasciste”. Le milliardaire a, lui, directement imputé les tentatives d'assassinat qui l'ont visé à la rhétorique de son adversaire, responsable selon lui d'un “bain de sang”.

À Washington, les autorités se préparent depuis au moins un an à la période extrêmement sensible qui ira du jour de l'élection au 20 janvier 2025, date de l'investiture du futur président.

Déjà, de premières barrières métalliques se dressent près de la Maison-Blanche. D'autres entoureront bientôt la zone du Congrès.

La police du Capitole verra ses effectifs gonfler à 2.100 agents, environ 300 supplémentaires qu'au 6 janvier 2021, quand des centaines de trumpistes avaient envahi l'édifice par la force.

La journée cruciale du 6 janvier 2025, durant laquelle sera certifié le scrutin, bénéficiera du même niveau de sécurité que la cérémonie d'investiture.

Et on peut imaginer que les centaines de condamnations sévères infligées aux émeutiers du 6 janvier auront un effet dissuasif.

Guérilla judiciaire

Il y a quatre ans, l'élection s'était tenue le 3 novembre, mais le résultat n'avait été connu que le 7.

Donald Trump s'était déclaré vainqueur dès la nuit du vote et avait immédiatement commencé à dénoncer des irrégularités supposées, tentant de rallier à sa cause, en vain, son vice-président Mike Pence et son ministre de la Justice Bill Barr.

Si le candidat républicain devait de nouveau crier victoire de façon prématurée, nous “avons les ressources et l'expertise” pour réagir, a affirmé mardi Kamala Harris. Et, cette fois-ci, l'ex-président républicain ne dirige plus l'administration fédérale.

En 2020, il avait saisi les tribunaux tous azimuts, sans obtenir un seul jugement en sa faveur, les magistrats lui faisant comprendre qu'il aurait dû agir avant.

Mais les républicains ont tiré les leçons de cette Bérézina judiciaire. Ils ont recruté une armée de 100.000 bénévoles et de milliers de juristes chargés de veiller à "l'intégrité" du scrutin et ont engagé plus de 130 actions en justice dans au moins 26 États.

Pas en reste, les démocrates ont répliqué avec environ 35 saisines des tribunaux, faisant de 2024 un scrutin déjà surnommé “the litigation election” (l'élection du contentieux).

À noter enfin que les litiges électoraux se règlent en dernier ressort devant la Cour suprême des États-Unis, solidement conservatrice depuis que Donald Trump y a nommé trois magistrats.

Sébastien Blanc, avec AFP

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