Le prix Goncourt se dessine comme un duel entre Kamel Daoud et Gaël Faye, explorant les tragédies de l’Algérie et du Rwanda, tandis que Sandrine Collette et Hélène Gaudy pourraient surprendre. Décision imminente au restaurant Drouant.
La finale du prix Goncourt de lundi est largement perçue comme un face-à-face entre Kamel Daoud et Gaël Faye, deux auteurs explorant les traumatismes récents de l'Algérie et du Rwanda, à moins que Sandrine Collette ou Hélène Gaudy ne créent la surprise. Le plus prestigieux des prix littéraires francophones doit être décerné à l'un de ces quatre auteurs à la mi-journée au restaurant Drouant à Paris, suivant une tradition initiée depuis l'édition 1914 du Goncourt. Cette élection, décidée par dix jurés, s’annonce serrée entre deux fictions, Houris (éditions Gallimard), sur les massacres de la "décennie noire" algérienne, et Jacaranda (éditions Grasset), sur l'après-génocide au Rwanda.
Selon six journalistes littéraires interrogés par Livres Hebdo, Kamel Daoud est le favori. Cinq d'entre eux le voient couronné, dont une journaliste affirmant que deux jurés "auraient récemment viré de bord" en faveur de l'auteur franco-algérien. Dans le milieu de l'édition parisien, ce pronostic revient souvent. "Kamel Daoud l'aura, pour des raisons non pas littéraires, mais politiques," selon un éditeur anonyme cité par l'AFP. La décision de l'Algérie d'interdire à Gallimard de participer au Salon international du livre d'Alger, qui se tiendra du 6 au 16 novembre, pourrait jouer en sa faveur.
D’après un autre éditeur, Gaël Faye a "le profil du Goncourt idéal" : très populaire, auteur d'un best-seller adapté au cinéma (Petit pays), et, chose inédite dans un palmarès souvent dominé par les écrivains bourgeois d'un certain âge, musicien, chanteur et slameur. Les deux autrices finalistes, Sandrine Collette avec Madelaine avant l'aube (éditions JC Lattès) et Hélène Gaudy avec Archipels (éditions de L'Olivier), sont des outsiders. "Elles peuvent servir de recours si le jury n'arrive pas à se mettre d'accord, surtout Sandrine Collette," indique une éditrice à l'AFP. La romancière, qui s’est fait un nom dans le roman noir, a signé l’œuvre préférée du Parisien, avec son histoire d’enfant sauvage qui bouscule un village.
À noter : les deux dernières finales ont atteint le maximum de 14 tours, avec cinq voix pour chaque prétendant. Dans ce cas, la voix du président du jury compte double, comme ce fut le cas avec Didier Decoin en 2022 et 2023. Or, ce président a changé. Philippe Claudel, élu en mai, a laissé entendre qu'il éviterait autant que possible ce scénario et pourrait orienter le jury vers une solution négociée si le premier tour aboutit à une égalité de cinq voix.
Un autre point à considérer : lors des deux élections précédentes en 14 tours, Gallimard avait été battu. En 2022, Giuliano Da Empoli avait été désavantagé après avoir remporté le Grand Prix du roman de l'Académie française, tandis que Brigitte Giraud (Vivre vite, chez Flammarion) bénéficiait de la sympathie de cinq jurés. En 2023, l'attribution du prix Femina à une finaliste du Goncourt, Neige Sinno, avait rebattu les cartes en faveur de Jean-Baptiste Andrea (Veiller sur elle, chez L'Iconoclaste). En 2024, la situation diffère légèrement : le groupe Madrigall, maison mère de Gallimard, a tout misé sur le Goncourt et n'a obtenu aucun autre prix avant cette finale. Celle-ci représente un affrontement au sommet entre deux patrons emblématiques de l'édition parisienne, Antoine Gallimard et Olivier Nora, qui, chaque rentrée, défendent vigoureusement leurs auteurs. Le dernier prix Goncourt pour Gallimard remonte à 2020, tandis que Grasset n’a plus gagné depuis 2005, la plus longue disette pour cette maison depuis les années 1960.
Avec AFP
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