Élections américaines: scepticisme chez les Palestino-Américains de Cisjordanie
Un entrepreneur palestino-américain, pose pour une photo devant son pressoir à Turmus Ayya, un village de Cisjordanie occupé par Israël ©(Photo par Zain JAAFAR / AFP)

"C'est bientôt la fin de la saison, là vous avez une palette d'huile d'olive pour Miami, ici en Géorgie", décrit Jamal Zaglul dans son pressoir de Turmus Aya, en Cisjordanie occupée, où vivent quelques milliers d'habitants dont la plupart ont comme lui un passeport américain.

Mais l'entrepreneur a une autre échéance en tête: l'élection présidentielle de mardi aux États-Unis.

"Il y a beaucoup de problèmes ici et personne ne s'en occupe", affirme le cinquantenaire regrettant les années Clinton (1993-2001) durant lesquelles les accords d'Oslo ont été signés.

"Cette fois-ci, il faut que ça change, que nous poussions pour des indépendants, les autres ne nous ont jamais aidés", poursuit-il, en référence aux petits candidats qui ne sont ni Républicain ni Démocrate, mais qui ont peu de chances de percer.

Comme lui, Basim Sabri a l'intention de voter pour "montrer son mécontentement" après "huit années lamentables". L'homme d'affaires palestino-américain basé dans le Minnesota ne mâche pas ses mots sur l'actuel locataire de la Maison Blanche Joe Biden ("un criminel de guerre"), ni son prédécesseur Donald Trump ("un taré, raciste").

Ce natif du nord de la Cisjordanie envisage de voter pour Jill Stein, candidate écologiste s'étant déjà présentée en 2012 (0,4% des voix) puis en 2016 (1%).

Gaza

Sabri profondément choqué par la guerre à Gaza déclenchée le 07 octobre, il souhaite que les États-Unis s'engagent davantage pour y mettre fin.

"C'est le seul pays qui oppose son veto à la décision de la majorité du monde d'arrêter la guerre et de condamner Israël", lâche-t-il.

Rappelant le large soutien militaire américain à Israël, Odeh Juma exprime la même amertume.

"En tant que Palestiniens, nous avons l'impression que nos préoccupations - comme la fin des guerres dans le monde, en Palestine ou en Ukraine - sont négligées au profit des intérêts électoraux", analyse ce Californien qui revient à Turmus Aya plusieurs fois par an.

Il suivra la soirée électorale mais a décidé de s'abstenir pour "souligner l'importance des voix arabes, palestiniennes et musulmanes pour les élections futures".

Dans son pays d'adoption, les Américains d'origine palestinienne sont environ 172.000 selon une enquête publique de 2022, mais ils sont très présents dans des Etats qui peuvent faire basculer l'élection comme le Michigan ou la Pennsylvanie.

Ces derniers mois, les quelques milliers de ces binationaux vivant en Cisjordanie ont été marqués par la mort de plusieurs ressortissants américains sur place.

Peur

Dans son entourage, Adam, le fils de M. Juma, sent que les gens ont "peur de voter, et encore plus pour Trump". Il se souvient que lors de sa première candidature, certains espéraient qu'il soit "différent" mais une fois élu, il a porté de nombreux coups aux Palestiniens.

Son administration a par exemple affirmé que les colonies en Cisjordanie n'étaient pas illégales, or les habitants de cette petite Amérique voient prospérer sur les hauteurs les colonies et avant-postes, construites dans l'illégalité au regard du droit international, depuis leurs villas qui ont parfois des airs de palais de conte de fées à colonnades.

S'il suit la campagne sur les réseaux sociaux, Adam ne veut pas voter car "ça ne changera rien" puisque selon lui, les Etats-Unis n'ont plus d'influence dans la résolution des conflits.

"Même les Démocrates n'arrivent pas à se mettre d'accord sur la politique étrangère", dit-il.

"Le génocide en cours est au coeur de mes préoccupations et Kamala Harris n'a absolument rien fait pour gagner ma voix à cet égard", abonde Leila, qui vit à Ramallah et a voté pour Jill Stein.

Par Chloe ROUVEYROLLES-BAZIRE et Hossam EZZEDINE avec AFP

Commentaires
  • Aucun commentaire