Réchauffement climatique: “Le temps perdu se paie en vies humaines”
Le logo de la 29e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques (COP29) orne la façade d'un bâtiment en rénovation à Bakou, la capitale de l'Azerbaïdjan, qui accueillera l'événement du 11 au 22 novembre 2024. © Tofik Babayev / AFP

Publié le 29 octobre, le rapport 2024 du Lancet Countdown met en garde contre les dangers croissants du réchauffement climatique sur la santé publique mondiale. Cette situation s’aggrave au fil des années et exacerbe les inégalités, entraînant une augmentation alarmante des décès et des problèmes de santé. Les experts lancent un appel urgent à des actions globales et immédiates.

Le réchauffement climatique représente une menace de plus en plus importante pour la santé publique, révèle le rapport 2024 du Lancet Countdown sur la santé et le changement climatique. Réalisé chaque année par des chercheurs issus de nombreuses universités et agences onusiennes, ce document met en lumière les multiples dangers auxquels la population mondiale est confrontée. “Alors que des records préoccupants continuent d'être battus et que les populations font face à des risques sans précédent dus au changement climatique, le bien-être, la santé et la survie des individus dans chaque pays sont désormais en jeu”, résume ce rapport. Selon les auteurs, le réchauffement climatique n’est pas seulement une menace à long terme mais représente dès maintenant un défi de grande ampleur, responsable d’un nombre croissant de problèmes de santé, parfois mortels.

Des coûts humains alarmants

Publié par Elsevier, l'un des plus grands éditeurs scientifiques, ce bilan (de cinquante pages) indique que la hausse des températures globales a des impacts sanitaires bien plus graves et immédiats que prévu. En effet, les vagues de chaleur deviennent de plus en plus fréquentes et intenses à travers le monde, notamment dans des régions tempérées qui n'étaient pas auparavant préparées à ces températures extrêmes. Malgré les espoirs suscités par l'Accord de Paris en 2015, le monde risque de dépasser le seuil de +1,5 °C de réchauffement. En 2023, la température moyenne annuelle a atteint un niveau record de 1,45 °C au-dessus des niveaux préindustriels, et entre février 2023 et janvier 2024, elle a même été supérieure de 1,52 °C par rapport à la période 1850-1900, selon l’institut européen Copernicus.

L’étude, signée par cent vingt-deux experts, fait état d’une augmentation alarmante des mortalités liées aux vagues de chaleur chez les personnes âgées de plus de 65 ans. Ces décès ont atteint des niveaux sans précédent en 2023, affichant une hausse de 167% par rapport aux années 1990. Outre ce triste record, le rapport évoque aussi des problèmes variés, tels que les troubles du sommeil (avec une diminution de 6% des heures de sommeil par rapport à la moyenne observée entre 1986 et 2005), les coups de chaleur liés aux activités physiques en plein air et une aggravation des conditions chroniques. Tous ces facteurs renforcent les inégalités de santé entre les régions exposées et celles bénéficiant de climats plus tempérés. Autant de défis qui nécessitent des réponses adaptées et immédiates.

Événements climatiques extrêmes

Parallèlement à l’élévation des températures, Lancet Countdown souligne que les événements climatiques extrêmes se multiplient et s'intensifient, engendrant des répercussions directes sur la santé humaine et les infrastructures. Entre les périodes 1961-1990 et 2014-2023, 61% des terres émergées à l’échelle mondiale ont connu une augmentation du nombre de jours de précipitations extrêmes. En provoquant des inondations et des contaminations des sources d’eau potable, ces dernières accentuent le risque d’épidémies infectieuses d'origine hydrique.

En 2023, 48% des terres émergées ont, par ailleurs, subi au moins un mois de sécheresse accrue, exacerbant ainsi la pauvreté et la malnutrition dans les pays concernés, notamment en Afrique. Les répercussions économiques sont tout aussi préoccupantes. Les pertes annuelles dues à ces événements climatiques extrêmes ont augmenté de 23% entre 2010-2014 et 2019-2023, atteignant 227 milliards de dollars. Dans les pays à faible indice de développement humain, la grande majorité de ces pertes n'étaient pas couvertes par les assurances, contraignant les communautés locales à assumer l'ensemble des conséquences des dommages.

Efforts insuffisants

Les experts insistent sur la nécessité d’appréhender les risques dans leur globalité. “Les multiples dangers révélés par des indicateurs individuels sont susceptibles d'avoir des impacts simultanés et en cascade (...) qui menacent de manière disproportionnée la santé et la survie des gens dès que la température mondiale augmente d'une fraction de degré”, peut-on lire dans le rapport. Cette vision systémique du problème met en exergue des situations complexes où les différents facteurs précités (la chaleur, la sécheresse et les intempéries) interagissent entre aux, provoquant des crises sanitaires difficiles à maîtriser.

En outre, la publication révèle que les efforts d'adaptation au changement climatique sont largement insuffisants. Les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie ont atteint un niveau historique en 2023. Les compagnies pétrolières et gazières continuent d'élargir leurs projets malgré les promesses de transition énergétique. En mars 2024, les 114 plus grandes entreprises du secteur étaient sur le point de dépasser de 189% les émissions considérées comme compatibles avec les objectifs fixés, contre 173% un an plus tôt. Cette dépendance croissante aux combustibles fossiles, alimentée par les bénéfices de la crise énergétique mondiale, compromet clairement la feuille de route de l'Accord de Paris sur le changement climatique.

“Si on n'agit pas maintenant, l'avenir s'annonce très dangereux, a précisé à l'AFP la chercheuse Marina Romanello qui a coordonné le rapport. Le temps perdu se paie en vies humaines.”

Vers une adaptation urgente

Afin d’atténuer les répercussions du changement climatique sur la santé et l'environnement, le rapport exhorte à la mise en œuvre immédiate de stratégies d'adaptation. La gestion des feux de forêt, la prévention des inondations et l’amélioration des infrastructures sanitaires sont des exemples de mesures permettant de réduire les risques immédiats. De plus, un développement urbain intégrant des espaces verts et une architecture adaptée aux températures extrêmes pourrait diminuer la mortalité en période de canicule. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les Nations unies appellent également à une mobilisation internationale pour renforcer la résilience des systèmes de santé, particulièrement dans les régions les plus exposées.

À l'heure où les effets du changement climatique se font de plus en plus destructeurs, il devient impératif de repenser les politiques énergétiques, de soutenir de manière pragmatique les initiatives de prévention et d'adaptation, et surtout de promouvoir une prise de conscience collective des menaces auxquelles le monde est confronté.

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