Gaël Faye, écrivain et musicien franco-rwandais, a reçu le prix Renaudot pour Jacaranda. Ce roman explore la mémoire du génocide rwandais à travers les yeux d'un narrateur en quête de ses racines et de justice post-génocidaire.
Le romancier et chanteur franco-rwandais Gaël Faye, qui figurait parmi les favoris pour le prix Goncourt, a remporté le prix Renaudot pour son deuxième roman, Jacaranda. Dans ce récit, l’auteur aborde avec sensibilité la reconstruction du Rwanda après le génocide des Tutsis de 1994, en offrant une perspective personnelle et poignante à travers son personnage principal, Milan, un jeune homme né en France de parents rwandais et français.
Gaël Faye s'était déjà distingué avec son premier roman, Petit pays, lauréat du prix Goncourt des lycéens en 2016 et best-seller traduit en plusieurs langues. Inspiré de son enfance au Burundi, ce premier ouvrage relatait l’histoire d’un garçon franco-rwandais naviguant entre les tumultes de son identité et la guerre. Avec Jacaranda, il approfondit cette exploration des blessures rwandaises, en adoptant cette fois-ci le point de vue de Milan, qui découvre à Kigali une famille marquée par le souvenir omniprésent du génocide.
Lors de la cérémonie de remise du prix au restaurant Drouant à Paris, Gaël Faye a exprimé sa "grande surprise" et son "immense joie" face à cette distinction. Dans son discours, il a partagé son espoir que son roman circule au-delà des cercles littéraires habituels, emportant avec lui l’histoire d’un pays meurtri mais résilient. Selon ses propres mots, Jacaranda porte une "histoire qui a valeur d'enseignement" pour le présent, en écho aux traumatismes auxquels nos sociétés doivent encore faire face.
Une voix littéraire et musicale unique
À 42 ans, Gaël Faye est un artiste aux multiples talents, mêlant slam, musique et littérature. Dans ses œuvres, les thèmes graves s’allient à une plume vive et musicale, faisant de lui une voix singulière de la scène littéraire française. Comme l’a souligné Frédéric Beigbeder, membre du jury du Renaudot, "on couronne un slammeur, un rappeur et l'ensemble de son œuvre en tant que musicien et romancier". Pour Frédéric Beigbeder, la force de Gaël Faye réside dans sa capacité à faire dialoguer musique et littérature, deux formes d’expression qui "se nourrissent mutuellement".
Dans Jacaranda, comme dans ses chansons, Gaël Faye explore les traumatismes et la résilience de la diaspora rwandaise et burundaise. Son œuvre littéraire et musicale est indissociable, chaque forme d’expression enrichissant l’autre. Il a confié au restaurant Drouant: "On ne peut pas comprendre ce que je fais en littérature si on n'écoute pas ma musique. Tout est connecté."
L’artiste dont la grande taille et les gestes amples rappellent ses années de basketball, a abandonné une carrière dans la finance pour se consacrer pleinement à l’art. Il s’est d’abord illustré sur la scène musicale avec son premier album solo, Pili-Pili sur un croissant au beurre, en 2013. En 2020, il a sorti Lundi méchant, et a reçu une Victoire de la musique en 2018, récompensant son talent de performeur. En littérature, il a confirmé son succès avec Petit pays avant de séduire critiques et lecteurs avec Jacaranda.
Un artiste engagé et conscient
Marqué par le génocide des Tutsis, Gaël Faye utilise ses talents d'écrivain et de chanteur pour apporter des mots d'apaisement aux victimes et sensibiliser son public. Dans une interview, il se souvenait de ses débuts en tant qu’adolescent invité à chanter lors des commémorations du génocide, où ses textes apportaient un réconfort entre deux témoignages poignants. Cette mission de mémoire, il la poursuit aujourd’hui en encourageant la lecture des témoignages de survivants et des ouvrages d’histoire, pour sensibiliser au-delà de ses propres œuvres.
Dans ses romans, Gaël Faye adopte souvent le regard de ceux qui sont "traumatisés par ricochet". Dans Petit pays, le narrateur avait grandi au Burundi, tout comme l’auteur. Dans Jacaranda, Milan, le personnage principal, est né en France, mais se rend à Kigali pour étudier la justice post-génocidaire. L’auteur transforme ainsi le récit personnel en une quête de mémoire collective, témoignant de l’héritage complexe du passé rwandais.
Une réception critique nuancée
Si Petit pays a largement séduit la critique et le public, Jacaranda a suscité des avis plus réservés dans la presse littéraire française, qui a salué son efficacité narrative tout en reprochant parfois à sa langue de manquer de surprises. Néanmoins, Le Monde reconnaît que l’auteur comble les lacunes d’une mémoire collective blessée par l’histoire récente. Pour Olivier Nora, directeur des éditions Grasset, le succès de Gaël Faye tient à "la grâce de l’homme", une sincérité et un magnétisme qui transparaissent dans ses écrits comme dans ses apparitions publiques.
Gaël Faye, désormais reconnu comme l’une des voix les plus marquantes de la scène littéraire et musicale contemporaine, continue d’explorer les blessures de son passé à travers la fiction. Pour cet artiste franco-rwandais, le prix Renaudot représente une consécration et une opportunité d’amplifier la voix des survivants et des familles touchées par le génocide. "L'histoire de Jacaranda doit circuler, elle doit aller là où elle n'était peut-être pas prévue", a-t-il déclaré.
Avec AFP
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