Pourquoi Kamala Harris a-t-elle perdu l'élection présidentielle?
La vice-présidente américaine Kamala Harris s'exprime au siège de sa campagne à Wilmington, dans le Delaware, le 22 juillet 2024. ©Eric Schaff / Pool / AFP

Le poids écrasant des thèmes de l'immigration et de l'inflation, le vote pro-Trump d'hommes blancs, noirs ou latinos, une entrée en campagne trop tardive et pas assez distanciée de Joe Biden: voici des raisons cruciales qui expliquent la défaite de Kamala Harris.

Impact plombant de l'économie

“It’s the economy, stupid”: c'est la fameuse citation entrée dans la postérité du stratège en chef de Bill Clinton, Jim Carville, pour expliquer la victoire du président démocrate en 1992.

Trente ans après, l'inflation post-pandémie et les prix élevés de l'essence et des produits de première nécessité ont fait très mal à la candidature de Kamala Harris et au bilan du président Joe Biden, contre lesquels Donald Trump n'a cessé de taper.

“L'inflation a joué un rôle important”, constate Bernard Yaros, économiste pour Oxford Economics. Et, dit-il à l'AFP, même si elle “a ralenti, cela n'a semble-t-il pas profité au parti au pouvoir”.

“Échec” sur l'immigration

Le président-élu Donald Trump n'a eu de cesse tout au long de sa campagne de dénoncer l'immigration clandestine de millions de “criminels” qu'il a promis d'expulser massivement.

Un discours qui a fait mouche auprès de sa base électorale, qu'il a élargie: Carl Tobias, professeur de droit à l'université de Richmond, pense que “l'immigration a clairement été un facteur de la victoire de Trump, une question sur laquelle il insiste depuis 2016 avec ses discours sur le mur, l'invasion et les menaces sur l'emploi américain”.

D'autant qu'il a tapé à bras raccourcis sur Kamala Harris qui était chargée en tant que vice-présidente de la politique migratoire aux États-Unis.

Nouvelle démographie électorale

D'après deux sondages de sortie des urnes du centre Edison Research et de CNN, le soutien des Afro-américains à Donald Trump est passé de 8% à 13% entre 2020 et 2024, et de 32% à 45% chez les Latinos. Signe inquiétant pour les démocrates de la démographie mouvante de leur base.

Selon Roberto Suro, professeur à l'université de Californie du Sud, “on a véritablement observé – parmi les hommes Mexicains-Américains, (chrétiens) évangéliques, sans diplôme universitaire et membres de la classe ouvrière – un mouvement constant vers Trump, élection après élection”, notamment car ils sont traditionnellement conservateurs sur les questions sociales.

Et, contre toute attente, Donald Trump a fait mieux qu'en 2020 avec les femmes et la jeunesse, malgré une campagne Harris axée sur la défense des droits et notamment l'avortement.

Pour Sylvie Laurent, enseignante à Sciences Po Paris, “les femmes ont la charge du budget de la famille, font les courses pour les repas. Les prix de l’alimentation ont augmenté de plus de 30% depuis 2020 (...) Harris n’a pas su répondre à cette situation” et n'a pas fait le plein dans cet électorat.

Arrivée trop tardive dans la campagne

En annonçant, en avril 2023, son intention de se représenter, Joe Biden avait déjà suscité des réserves chez beaucoup de démocrates.

Mais les ténors du parti ont choisi de s'aligner derrière la seconde candidature du président octogénaire, en niant pendant des mois les signes manifestes du déclin de celui qui affirmait être le seul à pouvoir battre Donald Trump.

Quand il a fallu remplacer Joe Biden dans l'urgence, en juillet, il ne restait que trois gros mois à Kamala Harris pour combler son déficit de notoriété et dissiper l'impression qu'elle n'avait pas eu le temps de préparer un programme.

“Ce désastre démocrate est en grande partie imputable à Joe Biden. Il n'aurait jamais dû tenter de se représenter à l'âge de 80 ans, laissant finalement Harris gérer une courte campagne de substitution qui s'est avérée inadéquate”, résume Larry Sabato, politologue à l'université de Virginie.

Difficulté à se différencier de Biden

Les Américains ont massivement rejeté la présidence Biden, et Kamala Harris s'est différenciée bien trop tard du président, particulièrement impopulaire sur l'économie et l'immigration, ou encore critiqué par des Arabo-américains sur le soutien à Israël.

La vice-présidente s'est retrouvée piégée le 8 octobre, sur la chaîne ABC, quand on lui a demandé si elle aurait agi différemment que Joe Biden ces quatre dernières années. Après un instant d'hésitation, elle a répondu: “Rien de spécial ne me vient à l'esprit”.

Cet échange s'est révélé “désastreux”, a souligné David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama, sur CNN.

Donald Trump ne s'y est pas trompé: à chacun de ses meetings, il a projeté sur grand écran ce moment décisif, qu'il a exploité à outrance dans ses clips de campagne.

Nicolas Revise, avec AFP

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