Washington a donné l'autorisation à l'Ukraine de frapper le territoire russe avec des missiles à longue portée fournis par les États-Unis, a indiqué un responsable américain à l'AFP dimanche. Ce changement stratégique majeur survient à quelques semaines de l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Les États-Unis ont "donné le feu vert à l'utilisation de missiles à longue portée", a précisé ce responsable sous couvert de l'anonymat.
Le président Joe Biden accède ainsi à une demande de longue date de Kiev, juste avant son départ de la Maison-Blanche et le retour de Donald Trump, qui est très critique à l'égard de l'aide américaine à l'Ukraine.
Depuis des mois, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, réclame l'autorisation d'utiliser les missiles Storm Shadow britanniques et les missiles américains ATACMS pour atteindre des cibles plus à l'intérieur du territoire russe.
Ces armes, avec une portée maximale de plusieurs centaines de kilomètres, permettraient à l'Ukraine de frapper des sites logistiques de l'armée russe et des aérodromes d'où décollent ses bombardiers.
Cependant, plusieurs pays, dont les États-Unis, avaient jusqu'à présent refusé d'accorder une telle autorisation, craignant une escalade avec Moscou.
Le président russe, Vladimir Poutine, avait averti qu'une telle décision signifierait que "les pays de l'OTAN sont en guerre contre la Russie".
Cette décision des États-Unis pourrait inciter d'autres alliés à suivre le même chemin, notamment le Royaume-Uni.
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, dont le pays est le deuxième fournisseur d'aide militaire à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe en février 2022, refuse catégoriquement de fournir les missiles à longue portée Taurus demandés par Kiev.
Koursk
L'annonce américaine coïncide avec l'une des plus importantes attaques russes de ces derniers mois contre l'Ukraine, ayant fait 10 morts et une vingtaine de blessés à travers le pays, selon les autorités.
Les missiles ATACMS fournis par les États-Unis devraient être initialement utilisés dans la région frontalière russe de Koursk, où des soldats nord-coréens ont été déployés en soutien aux troupes russes, selon le New York Times, qui cite des responsables américains sous couvert d'anonymat.
La décision de Washington d'autoriser l'Ukraine à utiliser ces missiles fait suite à ce déploiement de soldats nord-coréens, selon ces mêmes responsables.
Dans sa campagne pour revenir à la Maison Blanche, Donald Trump a souvent critiqué les dizaines de milliards de dollars alloués à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe.
Le président élu, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, a promis de résoudre ce conflit "en 24 heures", sans jamais préciser comment.
L'Ukraine craint un affaiblissement du soutien américain alors que ses troupes rencontrent des difficultés sur le front, ou qu'un accord imposant des concessions territoriales à la Russie ne lui soit imposé.
Le président sortant Joe Biden cherche à accélérer la livraison d'aide militaire à Kiev et continue de mettre en place des mécanismes pour que les alliés européens prennent le relais.
L'OTAN s'est déjà vue confier la coordination de l'aide militaire à l'Ukraine, qui était jusqu'alors assurée uniquement par les États-Unis.
Il reste environ 9,2 milliards de dollars à attribuer de l'enveloppe votée au printemps par le Congrès américain, dont 7,1 milliards à puiser dans les stocks d'armements américains et 2,1 milliards pour financer des contrats d'achat d'armes, selon le Pentagone.
La Chine appelle à la paix
La Chine a de nouveau appelé lundi à la paix en Ukraine, après l’annonce des États-Unis quant à l’autorisation d’utilisation de missiles de longue portée.
"Un cessez-le-feu rapide et une solution politique sont dans l'intérêt de toutes les parties", a déclaré lors d'une conférence de presse régulière Lin Jian, interrogé sur cette décision américaine. "Le plus urgent est d'encourager un apaisement de la situation aussi vite que possible", a-t-il affirmé.
Le Kremlin réagit
L'autorisation donnée à Kiev par Joe Biden pour utiliser des missiles américains à longue portée sur le territoire russe, est de nature à "jeter de l'huile sur le feu" dans le conflit en Ukraine, a déclaré lundi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
Si elle devait être officiellement confirmée par Washington, cette autorisation conduirait à "une situation fondamentalement nouvelle en termes d'implication des Etats-Unis dans ce conflit", a encore mis en garde le porte-parole.
Jean-Noël Barrot à Bruxelles
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a réaffirmé lundi que l'utilisation de missiles français par les forces ukrainiennes sur le sol russe restait "une option".
Il a rappelé la position exprimée par le président Emmanuel Macron le 25 mai à Meseberg, en Allemagne, selon laquelle cette possibilité pourrait être envisagée pour viser des cibles servant à attaquer le territoire ukrainien. Ces propos ont été tenus à son arrivée à Bruxelles pour une réunion des ministres des Affaires étrangères.
Frappe meurtrière à Odessa
La pérennité de ce soutien de Washington a été mise en doute par l'élection à la présidence de Donald Trump dont les déclarations de campagne font craindre à Kiev et à ses soutiens qu'il ne cherche à faire faire à l'Ukraine des concessions inacceptables pour elle.
Moscou, dont les troupes avancent sur de multiples segments du front, a prévenu que toute discussion sur un arrêt des combats ne pourrait s'appuyer que sur les "nouvelles réalités territoriales".
Peu avant les élections américaines du 5 novembre, la Russie a commencé à intensifier ses frappes meurtrières sur les zones civiles chez son voisin, une tactique considérée par beaucoup à Kiev comme une tentative de briser l'esprit des Ukrainiens, épuisés par bientôt trois ans de guerre, dans l'optique d'éventuelles négociations.
Un tir de missile russe a ainsi causé la mort d'au moins huit civils et fait 39 blessés lundi en plein jour à Odessa, une ville portuaire située sur la mer Noire, loin de la ligne de front, ont déploré les autorités locales.
Sur de premières images prises par des témoins et diffusées par des chaînes d'information sur Telegram, on peut voir des corps sur le sol, des véhicules en feu et un immeuble enveloppé de poussière et de fumée.
"Ces frappes démontrent une chose (...), la Russie n'est intéressée que par la guerre", a réagi sur Telegram le président Zelensky.
Dimanche déjà, 11 Ukrainiens dont deux enfants ont péri dans le bombardement d'un immeuble d'habitation à Soumy, une ville du nord-est de l'Ukraine. Le pays a en outre subi une nouvelle attaque massive russe contre ses installations énergétiques.
Cette dernière ayant infligé des dégâts importants au réseau, les autorités ukrainienne ont annoncé lundi des coupures d'électricité pour la population, une première depuis des mois.
(Avec AFP)
Commentaires