Près de six mois après que son procureur Karim Ahmad Khan a annoncé en avoir fait la demande, la Cour pénale internationale (CPI) a finalement émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant, et le chef de la branche armée du Hamas, Mohammed Deif. Les trois sont poursuivis pour “crimes de guerre” et “crimes contre l'humanité” commis depuis le 7 octobre 2023.
Cette décision de la CPI pourrait avoir de graves conséquences pour les trois personnalités concernées, notamment au niveau des relations internationales. Pour rappel, un mandat d'arrêt émis par cette Cour constitue une décision judiciaire visant à arrêter une personne accusée de crimes relevant de sa compétence, tels que les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité ou le génocide.
Ce mandat est émis lorsque la CPI estime qu'il existe des preuves suffisantes pour justifier des accusations et qu'une arrestation est nécessaire pour assurer la comparution de l'accusé, empêcher des activités criminelles continues ou protéger l'enquête et les victimes. Cela engendre notamment des restrictions significatives sur les déplacements de la personne visée.
Restrictions diplomatiques et légales
En effet, les États parties au statut de Rome (le traité fondateur de la CPI) ont l'obligation légale de coopérer avec cette dernière, ce qui implique l'arrestation et la remise de la personne visée si elle se trouve sur leur territoire.
Un dirigeant visé par un mandat de la CPI pourrait donc être arrêté s'il voyage dans un pays qui reconnaît l'autorité de la Cour. Bien que tous les États n’en soient pas membres – à l’image de la Russie, la Chine, Israël et des États-Unis –, un mandat peut entraîner un isolement politique au niveau international.
Les dirigeants visés peuvent ainsi être perçus comme des parias internationaux, ce qui limite leurs relations diplomatiques. En pratique, cela se traduit par des restrictions forcées de leurs déplacements à des pays non membres, ou à ceux qui ne coopèrent pas activement avec la CPI. Ils sont donc forcés d’éviter les conférences internationales ou les événements dans des États où ils risquent d'être arrêtés.
Enjeux et limites
Du moins, c’est ainsi que les choses fonctionnent en théorie. Cependant, dans les faits, ce type de décision se heurte souvent aux intérêts des États et recueille donc un soutien international varié. Certains pays peuvent ainsi ignorer les mandats de la CPI pour des raisons géopolitiques ou économiques, offrant ainsi des “refuges sûrs” aux dirigeants visés.
Par exemple, en mars 2023, la CPI a émis un mandat d'arrêt contre le président russe, Vladimir Poutine, accusé de déportation d'enfants ukrainiens. Bien que cela ait limité ses déplacements vers des pays membres de la CPI, plusieurs alliés de la Russie ont ignoré ce mandat, soulignant les limites pratiques de la CPI dans un contexte géopolitique tendu.
Ce fut notamment le cas de la Mongolie, pourtant signataire du statut de Rome, en septembre 2024. Enclavé entre Moscou et son allié chinois, ce pays ne disposait alors d’aucune marge de manœuvre sur le plan géopolitique, au risque de s’attirer les foudres de ses deux grands voisins. Ainsi, durant sa visite de deux jours, le président russe n’a pas été inquiété par les autorités mongoles, malgré le mandat de la CPI.
Le glas des déplacements pour Netanyahou?
À l’image de Vladimir Poutine, le Premier ministre israélien aura donc beaucoup plus de difficultés pour voyager à l’international qu’auparavant. La France et les Pays-Bas, deux pays membres de la CPI, ont ainsi confirmé qu’ils se plieraient à cette décision juridique. Il y a donc désormais peu de chance d’y voir atterrir MM. Netanyahou et Gallant – du moins, pas sous leurs gouvernements actuels.
En revanche, ils ne devraient pas rencontrer de difficultés pour voyager aux États-Unis, principal allié d’Israël. Outre le fait que Washington n’est pas membre de l’institution, l’administration Biden avait notamment menacé de sanctions la CPI si celle-ci émettait des mandats d’arrêt.
Ces positions sont également soutenues par une douzaine de sénateurs républicains, dont Marc Rubio, qui deviendra secrétaire d’État en janvier, sous la nouvelle administration Trump. Un autre membre de celle-ci, le futur conseiller à la sécurité nationale Mike Walz, a pour sa part affirmé sur X qu’il faudra s’attendre à “une réponse forte à la partialité antisémite de la CPI et de l'ONU” en janvier.
Si un mandat d'arrêt de la CPI envoie un message fort sur la responsabilité pénale des dirigeants, son application reste difficile. Il constitue donc à la fois un outil juridique et un acte politique, visant à responsabiliser les dirigeants pour des crimes graves, tout en ayant une portée pratique parfois limitée selon les alliances internationales.
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