L'intelligence artificielle, nouvelle complice de la création musicale?
Imogen Heap participe au Web Summit à Lisbonne le 14 novembre 2024, un événement réunissant 3 000 startups, 1 000 investisseurs et 70 000 visiteurs. © Patricia De Melo Moreira / AFP

L'intelligence artificielle transforme progressivement la création musicale, brouillant les frontières entre l'artiste et la machine. Si certains artistes y voient une nouvelle source de créativité, d'autres s'inquiètent de son impact sur l'industrie.

“Intelligence artificielle (IA): est-ce que j’ai vraiment besoin d’elle ?” chantait Lulu Gainsbourg dans son titre Elle, interrogeant l'impact de l'IA sur la musique. Le fils de Serge Gainsbourg, avec une touche d'ironie, s'interroge sur la place grandissante des intelligences artificielles génératives, qui transforment la création musicale. Dans ce monde émergent, les frontières entre l'artiste et la machine s'estompent.

L'impulsion de cette chanson est survenue lorsque Lulu Gainsbourg a découvert une chanson entièrement écrite par une IA. “J’étais vraiment choqué”, confiait-il. Ce sentiment n'est pas isolé, de nombreux créateurs se retrouvent confrontés à cette révolution technologique.

Processus créatif

Cependant, certains artistes, loin de redouter l'IA, l'intègrent pleinement dans leur processus créatif. Imogen Heap, célèbre pour Hide and Seek, a ainsi introduit son propre modèle d’IA dans son dernier projet musical, en partenariat avec la start-up Jen, permettant à tout utilisateur de générer des sons à partir de ses œuvres. D'autres, comme Grimes et le groupe YACHT, ont aussi adopté l'IA. Grimes a même lancé un clone vocal, invitant les internautes à l'utiliser pour créer des compositions. Cette démarche représente un tournant majeur pour l’industrie musicale, où l'IA devient une nouvelle alliée créative.

“L’IA permet de faire des choses surprenantes auxquelles on n'aurait pas pensé", déclare François Pachet, chercheur en IA et ancien de Spotify et Sony. En 2018, il avait déjà collaboré avec des artistes comme Stromae pour produire l’album Hello World, un projet pionnier dans l'utilisation de l'IA. Aujourd'hui, des plateformes comme Aiva, Suno ou Udio permettent à tous de créer de la musique assistée par IA. Des entreprises comme Meta et Google proposent également des services similaires.

Pour Pachet, cette technologie démocratise la création musicale. “Des gens qui ne sont pas du tout musiciens peuvent tout à coup faire des chansons entières”, souligne-t-il. Lors du Web Summit, Eddie Hsu, cofondateur de Moises, a montré comment l'IA peut ajouter une batterie ou transformer une mélodie en bossa nova en quelques secondes.

Outil controversé

Cependant, l'enthousiasme autour de l'IA n'est pas partagé par tous. En juin dernier, la Recording Industry Association of America (RIAA) a porté plainte contre les start-up Suno et Udio, accusées d'exploiter sans autorisation les œuvres d'artistes pour entraîner leurs modèles d'IA. Plus de 35 000 artistes, dont Thom Yorke de Radiohead et Robert Smith de The Cure, ont signé une pétition contre cette exploitation. Pour Cécile Rap-Veber, directrice générale de la Sacem, l'IA pourrait remplacer des secteurs de la création musicale, comme la musique d'ambiance ou l'habillage sonore de certaines chaînes. De nombreux créateurs craignent de voir leur travail supplanté par des algorithmes.

Malgré ces inquiétudes, François Pachet reste optimiste. Selon lui, cette évolution technologique poussera les artistes à repousser leurs limites créatives. “Les choses conventionnelles vont pouvoir être faites, en effet, de manière plus ou moins automatique”, estime-t-il. Quant à la crainte de voir l'humain remplacé par la machine, il doute : “Il n'y a pas encore de chanson composée par une intelligence artificielle qui serait tellement bonne que tout le monde voudrait en faire des reprises.”

Avec AFP

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