Retour des déplacés et perspectives de reconstruction: l’attente et l’incertitude planent
Un habitant de la banlieue sud de Beyrouth inspecte les lieux à la suite des frappes iraéliennes. ©Anwar AMRO / AFP

Au lendemain de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu conclu entre le Liban et Israël, Ici Beyrouth explore plusieurs questionnements avec des déplacés qui tentent de regagner leurs régions ciblées par les bombardements.

“Ce retour ne ressemble en rien à celui de 2006”, une phrase qui circule partout dans les régions où les habitants commencent à retourner chez eux, au deuxième jour du cessez-le-feu conclu entre le Liban et Israël. À la suite de 14 mois de guerre, dont les deux derniers ont connu une escalade extrêmement violente, le retour des déplacés est morne et sceptique.

D’une part, l’ampleur des destructions est de loin plus importante qu’en 2006, vu le type d’armes actuellement utilisées par l’armée israélienne. D’autre part, la crainte d’un retour aux hostilités freine la joie et sème le doute, d’autant que les ciblages israéliens se poursuivent dans certains villages frontaliers du Liban-Sud, en parallèle aux alertes mettant en garde contre tout retour des déplacés dans certains secteurs frontaliers.

À quelle réalité les habitants du Liban-Sud et de la Békaa sont-ils confrontés? Qui va reconstruire? Qui va dédommager les dégâts monstrueux? Et surtout, quand? Autant de préoccupations qu’Ici Beyrouth a explorées auprès de résidents locaux ayant requis l’anonymat.

Au Liban-Sud, un retour partiel

Au Liban-Sud, crainte et prudence sont les maîtres-mots. À Marjayoun, situé à 10 km de la frontière, les destructions sont mineures, selon des informations obtenues par Ici Beyrouth. Presque 60% des habitants qui avaient fui les bombardements y sont retournés, notamment ceux qui s’étaient réfugiés dans des zones proches comme Hasbaya, à quinze minutes de là. En revanche, beaucoup d’autres sont toujours à Beyrouth, attendant de voir comment la situation va évoluer pendant le week-end.

La vie à Marjayoun reprend très lentement son cours. La circulation est légèrement accrue, mais les magasins attendent d’être réapprovisionnés.

Un jeune homme de Hasbaya, conducteur de bus sur la route Beyrouth-Hasabya-Marjayoun, explique qu’en temps normal, il effectue sept à huit navettes par jour. Aujourd’hui, il n’en fait que deux. Cela traduit, selon lui, la peur que la situation actuelle ne soit qu’une trêve provisoire.

Dans les villages à proximité de Marjayoun, tels que Debbine, Qlayaa et Blat, l’armée libanaise a procédé, jeudi, à déblayer les décombres. La priorité maintenant est de débloquer les routes. “La présence de l’armée libanaise nous procure un sentiment de sécurité”, confient les sources interrogées.

Par ailleurs, les chars israéliens sont toujours positionnés à Khiam, Kfar Kila et Odaisseh, des villages presque entièrement rasés. Là-bas, aucun retour n’est possible, l’accès en étant interdit. Certains déplacés originaires de ces localités limitrophes de la Ligne bleue sont rentrés de Tripoli ou du Akkar vers Nabatiyé, où ils avaient déjà loué des appartements lors de la première vague de déplacement. Pour le moment, ils ne peuvent pas se rapprocher davantage de leurs foyers.

Dans ce cadre, les troupes libanaises ont installé des barrages à l’entrée de ces zones dangereuses pour garantir la sécurité des locaux. “La situation est sous contrôle, l’armée interdit les rassemblements et impose son autorité, il n’y a plus de chaos”, affirment encore les résidents.

Il n’en reste pas moins que les gens sont “perdus”, voués à l’attente. Aucune information n’est disponible pour l’instant à l’égard du relevé des dégâts et de la stratégie de dédommagement, dans ces régions où les destructions sont massives et les bâtiments inhabitables.

Inspections furtives à la Békaa

Si au Liban-Sud le redéploiement de l’armée libanaise rassure quelque peu les habitants, à la Békaa, la présence officielle se fait rare. La Défense civile a été déployée sur les routes et le mohafez de Baalabeck-Hermel, Bachir Khodr, a entrepris une inspection des lieux en guise de solidarité avec les citoyens. À part ces initiatives, aucune autorité n’est présente sur le terrain pour enregistrer des données ou contrôler les déplacements. Même les présidents des conseils municipaux de certains villages ne sont pas sur les lieux ayant, eux aussi, fui les hostilités.

Principalement, les personnes viennent inspecter leurs demeures, emportent de quoi affronter d’hiver et regagnent les régions d’accueil, puisque les bâtiments sont, en grande majorité, inhabitables.

Même dans les quartiers peu endommagés, l’approvisionnement en eau, en électricité ou en mazout est souvent coupé. Certains n’attendent pas la Commission supérieure de secours pour entreprendre les réparations. Ils préfèrent rafistoler tant bien que mal ce qui peut l’être afin de réintégrer leurs foyers, la charge financière des loyers étant devenue trop lourde.

Au niveau sécuritaire, les gens respectent les directives données par le commandement de l’armée en signalant d’éventuelles munitions non explosées. La troupe a par ailleurs fait exploser des bombes à fragmentation lancées à Yohmor, dans la Békaa-Ouest, par l’armée israélienne peu avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.

Un accord qui ne semble pas très convaincant, d’autant que, de l’autre côté de la frontière sud, les réticences sont nombreuses. Le gouvernement de Tel Aviv a dit ne pas autoriser dans l’immédiat les habitants du nord israélien à retourner dans leurs colonies à la frontière avec le Liban. Une source diplomatique israélienne avait indiqué, mardi, au quotidien hébreu Yediot Ahronot que l’accord avec le Liban “ne marquera pas la fin de la guerre”, qu’il s’agit d’un cessez-le-feu qui sera réévalué de façon quotidienne".

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