Jihadistes et factions rebelles du nord de la Syrie ont lancé leur plus grande offensive de ces dernières années contre le régime de Bachar al-Asssad, parvenant en quelques jours seulement à conquérir selon une ONG la "majeure partie" de l'emblématique métropole d'Alep.
L'opération était préparée depuis plusieurs mois assure Dareen Khalifa, experte de l'International Crisis Group.
"Elle a été présentée comme une campagne défensive face à une escalade du régime", souligne Mme Khalifa, en allusion à de précédents bombardements intensifs de l'armée syrienne et son allié russe, contre des zones rebelles du nord-ouest.
Mais, souligne-t-elle, HTS et ses alliés "observent également le changement régional et géostratégique".
Leur offensive a été lancée le jour même où une trêve entrait en vigueur au Liban entre l'armée israélienne et le Hezbollah --un allié du régime syrien et de Téhéran-- et alors que la Russie est en pleine guerre en Ukraine.
"Ils pensent que maintenant les Iraniens sont affaiblis et le régime acculé", souligne Mme Khalifa.
Ces derniers mois, en parallèle de la guerre au Liban, Israël a mené plusieurs frappes en territoire syrien, disant vouloir neutraliser le Hezbollah en ciblant ses transferts d'armes coordonnés avec Téhéran et les forces syriennes.
Quels enjeux diplomatiques?
Aujourd'hui la perte des quartiers d'Alep est d'autant plus symbolique qu'en 2016, la reconquête par le régime de tous les secteurs rebelles de la métropole constituait une victoire essentielle pour Bachar al-Assad et ses alliés.
Cette bataille d'Alep représentait alors un tournant dans la guerre syrienne. Elle avait été marquée par une forte intervention de l'aviation russe, engagée dès 2015 en Syrie pour remettre en selle le régime affaibli.
Vendredi, le Kremlin a appelé les autorités syriennes à "mettre de l'ordre au plus vite" à Alep. Téhéran a dénoncé un complot fomenté par les Etats-Unis et Israël.
Et après plus d'une décennie d'une guerre ayant morcelé la Syrie, les belligérants sont toujours soutenus par différentes puissances régionales et internationales aux intérêts divergents.
L'offensive intervient d'ailleurs à un moment diplomatique délicat: depuis des années un potentiel rapprochement entre Damas et Ankara piétine.
Moscou et l'Iran plaident pour une détente, mais Damas réclame un retrait des troupes turques déployées dans le nord syrien le long de la frontière.
Pour Caroline Rose, de l'Institut Newlines basé à Washington, la réaction mesurée des alliés de Damas pourrait bien être "une manière de forcer le régime à négocier d'une position plus faible, en l'absence de tout signe de soutien des Russes et des Iraniens", estime-t-elle sur le réseau social X.
La Turquie, qui soutient des rebelles du nord syrien, a elle réclamé la fin des "attaques" du régime contre l'enclave d'Idleb.
"Dans les prochains jours, si (les rebelles) parviennent à garder leurs gains (territoriaux), ce sera un test révélateur de l'étendue de l'engagement turc", indique Mme Khalifa.
Le régime affaibli?
L'offensive constitue indéniablement un coup dur pour Damas.
"Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise", estime Mme Khalifa.
Les rebelles ont coupé la stratégique autoroute M5 reliant Damas à Alep, et un nœud routier assurant la connexion à Lattaquié.
Malgré des combats confirmés par l'armée syrienne, jihadistes et rebelles ont progressé sans être confrontés à "aucune résistance significative" assure Rami Abdel Rahmane, qui dirige l'OSDH.
Par le passé, Damas a pu compter sur le soutien de l'aviation russe et sur les forces du Hezbollah libanais -- absorbées elles ces deux derniers mois par leur guerre ouverte contre Israël.
Mais "la présence russe s'est considérablement réduite", explique par ailleurs l'analyste Aaron Stein.
La fulgurance de l'offensive vient "rappeler à quel point le régime est faible" estime-t-il, ajoutant que les forces pro-gouvernementales avaient probablement baissé leur garde à la faveur du calme précaire qui régnait dans le nord.
Aya Iskandarani, AFP.
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