Les chefs d’entreprises industrielles et commerciales célèbrent une victoire majeure. Jeudi dernier, le Parlement a adopté en séance plénière le projet de loi portant sur l’amendement de l’article 45 du décret-loi no144 du 12/6/1959 (la loi sur l’impôt sur le revenu). Celui-ci accorde “une autorisation exceptionnelle” aux contribuables soumis à l'impôt sur le revenu pour réévaluer leurs stocks et actifs immobiliers. Il leur permet également de traiter de manière exceptionnelle les écarts de change, positifs ou négatifs, liés aux créances, dettes et comptes financiers libellés en devises.
L’octroi d’une “autorisation exceptionnelle” pour revaloriser les stocks et les actifs immobilisés est, comme son nom l’indique, une mesure rare et exceptionnelle. Elle a été mise en œuvre au Liban en 1993, puis à nouveau en 2024, à des moments clés de l’histoire économique du pays. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, cette mesure s’avère essentielle pour «atténuer les effets de l’inflation, éviter que les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu ne subissent les conséquences des fluctuations du taux de change (notamment une dévaluation de la livre libanaise de près de 98%) et préserver la valeur de leurs fonds propres”. Ce projet de loi pourrait bénéficier aussi bien aux sociétés de capitaux qu’aux sociétés de personnes, qu'elles soient soumises à l’impôt sur les gains réels ou forfaitaires.
Gains comptables
“Justice a enfin été rendue”, déclare Salim Zeeni, président de l’Association des industriels du Liban (AIL), dans une déclaration à Ici Beyrouth. Il estime que “l’État ne peut imposer un impôt sur le bénéfice net lorsqu’il s’agit de gains purement comptables, sans tenir compte des réalités économiques liées à la dévaluation de la monnaie nationale et à l’inflation, qu’elle soit locale ou importée”. Selon lui, “ce problème n’existerait pas si la loi autorisait les entreprises à établir leur budget en dollars. Cependant, elle exige qu’il soit libellé en livres libanaises”.
Le vice-président de l’AIL, Ziad Bekdache, partage ce point de vue. Avant l’adoption de cette loi, explique-t-il, “une entreprise risquait d’être contrainte de payer un impôt sur des bénéfices apparents et illusoires, en d’autres termes irréalisés, sans disposer de liquidités réelles pour le faire”. Il explique, à titre d’exemple, que jusqu’ici, l’évaluation des stocks au 31 décembre 2023 reposait sur un taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar, alors que sa valeur réelle atteignait 89.500 livres.
Dans un contexte de crise économique, cette mesure peut être considérée comme un équilibre entre soutien aux entreprises et préservation des recettes publiques. La réévaluation profite principalement aux entreprises en leur permettant de stabiliser leur situation financière face à la dévaluation. Cependant, le Trésor public en bénéficie indirectement à travers l'élargissement des bases fiscales et les revenus futurs provenant des actifs réévalués.
Lobbying des chefs d’entreprises: un rôle déterminant
Le vote du projet de loi par le Parlement est le fruit d’un lobbying intensif mené par les chefs d’entreprises, visant à corriger ce que certains considèrent comme une “erreur délibérée”, et d’autres comme une “omission fortuite”, explique Salim Zeeni.
En réalité, les amendements à l’article 45 de la loi de l’impôt sur le revenu figuraient déjà dans le projet de budget 2024. Cependant, ces dispositions n’avaient été ni discutées ni votées lors de la séance plénière du Parlement en début d’année – une situation attribuée à une “inadvertance”, selon les explications fournies à l’époque par des sources proches du bureau de la Chambre.
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