Plusieurs pays suspendent les demandes d'asile des réfugiés syriens
Les forces de sécurité libanaises se déploient pour organiser la foule alors que des personnes, principalement des Syriens, arrivent de leur pays au poste frontière de Masnaa en direction du Liban, le 9 décembre 2024. ©Anwar Amro / AFP

À peine le président Bachar al-Assad chassé du pouvoir, le débat sur l'accueil des réfugiés syriens a ressurgi lundi en Europe, plusieurs pays, dont l'Allemagne, annonçant un gel des procédures de demandes d'asile pour les exilés de ce pays.

Dans un contexte de forte progression des partis d'extrême droite aux récentes élections sur le continent, il n'aura pas fallu 48 heures aux gouvernements allemand, autrichien, suédois, danois, norvégien, belge, britannique et suisse pour décider de la suspension des demandes d'asile des ressortissants syriens.

Le gouvernement français envisage de leur emboîter le pas.

L'Allemagne, pays de l'UE qui accueille la plus importante diaspora syrienne - près d'un million de personnes -, a justifié cette décision par "l'incertitude" qui règne à Damas, a indiqué la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser.

De nombreux Syriens qui ont trouvé refuge en Allemagne depuis la grande crise migratoire des années 2015-2016 "ont désormais enfin l'espoir de retourner dans leur patrie syrienne et de reconstruire leur pays", affirme la ministre social-démocrate.

Même si "les possibilités concrètes de retour ne sont pas encore prévisibles pour le moment", la situation restant "très confuse" et "volatile" sur place, a-t-elle nuancé.

Son homologue autrichien est allé plus loin, annonçant aussitôt "un programme de rapatriement et d'expulsion vers la Syrie". "La situation politique en Syrie a fondamentalement changé", a justifié Gerhard Karner.

Environ 7.300 dossiers en cours sont concernés par cette décision parmi les quelque 100.000 Syriens vivant en Autriche, l'un des pays qui en a accueilli le plus en Europe.

Le cas de ceux qui se sont déjà vu accorder l'asile va également être réexaminé. Le regroupement familial est de même suspendu.

"Patience et vigilance"

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) a appelé à faire preuve "de patience et de vigilance" sur la question du retour des Syriens dans leur pays.

Mais dans une Allemagne en pleine campagne électorale en vue des législatives du 23 février, le débat bat déjà son plein : le député conservateur (CDU) Jens Spahn a proposé "d'affréter des avions" et d'allouer une prime de mille euros à "tous ceux qui veulent rentrer en Syrie".

Les principaux pays d'accueil des Syriens doivent planifier début 2025 une "conférence pour la reconstruction et le retour", a préconisé cet élu du parti de Friedrich Merz, favori pour succéder à Olaf Scholz à la chancellerie.

La CDU devance dans les intentions de vote le parti d'extrême droite AfD, dont l'entrée au Parlement, en 2017, a suivi la crise des réfugiés de 2015-2016.

"Quiconque célèbre la +Syrie libre+ en Allemagne n'a apparemment plus aucune raison de fuir" et "devrait retourner en Syrie immédiatement", a estimé Alice Weidel, cheffe de file de l'AfD.

Après avoir ouvert ses portes aux Syriens, l'Allemagne a depuis durci sa politique migratoire, sans arrêter la progression de ce parti hostile aux migrants, qui a remporté un scrutin régional pour la première fois en septembre.

En Autriche, l'extrême droite a remporté pour la première fois les législatives fin septembre.

"Signal erroné"

Alors que les intentions des rebelles islamistes qui ont chassé Bachar al-Assad du pouvoir restent floues, le Stuttgarter Zeitung suggère déjà à l'Union européenne de "soutenir le nouveau gouvernement de Damas en finançant la reconstruction et en organisant le retour ordonné des réfugiés".

Le président des communautés de communes allemandes, Achim Brötel, réclame lui des contrôles renforcés aux frontières pour empêcher les partisans de l'ancien régime de se réfugier en Allemagne, et ainsi pouvoir "rencontrer les familles de leurs victimes".

Amnesty International a fustigé le "signal totalement erroné" envoyé par Berlin avec le gel de l'examen des demandes d'asile, qui concerne selon l'ONG "près de 50.000 personnes".

"Le prix" d'une réévaluation de la situation à Damas "ne devrait pas être payé par ceux qui tentent depuis des années de se construire une nouvelle vie", déplore l'ONG.

Pierrick Yvon, avec AFP

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