L'ONU a prévenu mardi que le conflit n'était pas "encore terminé" en Syrie, où les nouvelles autorités dominées par des islamistes radicaux s'efforcent de rassurer sur leur capacité à pacifier et réunifier le pays, morcelé et dévasté par 13 ans de guerre civile.
Alors que plusieurs missions étrangères ont rencontré à Damas les nouveaux dirigeants, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a évoqué devant le Conseil de sécurité les affrontements dans le nord du pays entre les forces kurdes syriennes et des groupes soutenus par la Turquie, dans le sillage de l'offensive rebelle qui a chassé du pouvoir Bachar al-Assad le 8 décembre.
Washington a annoncé la prolongation "jusqu'à la fin de la semaine" du cessez-le-feu entre ces deux camps.
Dans un communiqué, les pays membres du Conseil ont appelé à un processus politique "inclusif" qui soit "mené par les Syriens", soulignant la nécessité que la Syrie et ses voisins s'abstiennent de toute "interférence" pouvant menacer la sécurité.
Soutien du nouveau pouvoir syrien, la Turquie estime que les forces kurdes implantées dans le Nord-Est -- soutenues par les États-Unis face aux jihadistes du groupe État islamique (EI) -- émanent de son ennemi juré, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), séparatiste.
"Dissolution" des factions armées
Le nouveau pouvoir entend étendre son autorité sur les zones kurdes du nord-est de la Syrie, a déclaré à l'AFP le chef militaire du groupe radical Hayat Tahrir al-Cham (HTC), qui en a pris la tête.
Mourhaf Abou Qasra, connu sous son nom de guerre d'Abou Hassan al-Hamwi, a annoncé que "la prochaine étape" serait la dissolution des factions armées pour les fondre au sein de la future institution militaire. Le HTS sera "le premier à prendre l'initiative" de se dissoudre, a-t-il ajouté.
Il a aussi appelé l'ONU, les États-Unis et les pays européens concernés à retirer HTC – ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, qui affirme avoir rompu avec le jihadisme – de leurs listes d'organisations "terroristes".
Bien qu'avec méfiance, les Occidentaux cherchent pour leur part à établir des liens avec le nouveau pouvoir.
La France, dont le drapeau a de nouveau été hissé sur l'ambassade, fermée depuis 2012, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont envoyé des émissaires à Damas et Washington a établi des contacts avec HTC. Des diplomates allemands ont mené mardi de premiers entretiens avec le chef de HTC, selon le ministère allemand des Affaires étrangères. "La France se prépare à être aux côtés des Syriens", a déclaré l'émissaire français Jean-François Guillaume. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a elle jugé que l'UE, qui s'est dite "prête" à rouvrir sa représentation à Damas, devait "intensifier" sa relation avec HTC.
"Loup déguisé en agneau"
Israël affiche de son côté sa défiance envers les nouvelles autorités du pays voisin: son Premier ministre, Benjamin Netanyahou, a tenu mardi une réunion sécuritaire en Syrie, au sommet du mont Hermon, aux confins de la partie du Golan occupée et annexée par Israël, où l'armée israélienne s'est déployée après le 8 décembre.
Sa vice-ministre des Affaires étrangères, Sharren Haskel, a qualifié le chef de HTC, Abou Mohammad al-Jolani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmad al-Chareh, de "loup déguisé en agneau". L'armée israélienne a lourdement bombardé depuis le 8 décembre les sites militaires syriens, pour empêcher leur prise par les nouvelles autorités.
Le chef militaire de HTC a demandé l'arrêt des frappes et "incursions" israéliennes.
À travers le pays, les habitants s'emploient à reprendre leur vie, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie et qui a fait un demi-million de morts et poussé à l'exil six millions de Syriens.
Dans les vieux souks de Damas, où la plupart des boutiques ont rouvert, des commerçants peignaient en blanc leurs façades pour effacer les couleurs de l'ancien drapeau syrien aux deux étoiles.
La plupart des prix des produits de première nécessité ont baissé avec la levée temporaire de taxes.
"Aucun service de base"
"Tout est arrivé d'un seul coup: la chute du régime, la baisse des prix, l'amélioration de la vie. On espère que ce ne soit pas temporaire", affirme Abou Imad, qui a transformé sa voiture en petite épicerie sur une place de la capitale.
Mais l'ONU estime que sept Syriens sur dix ont besoin de l'aide internationale et a "déconseillé" mardi un retour "à grande échelle" des réfugiés tant que la situation n'est pas stabilisée.
Dans un pays à majorité sunnite mais multiethnique et multiconfessionnel, les nouvelles autorités sont aussi scrutées sur le traitement qui sera réservé aux minorités.
Selon l'agence de l'ONU pour les migrations (OIM), des membres des minorités religieuses ont fui le pays par crainte de "menaces potentielles".
M. Chareh a prôné lundi "un contrat social entre l'État et l'ensemble des confessions pour garantir une justice sociale". Devant une délégation britannique, il a aussi "souligné la nécessité de lever toutes les sanctions imposées à la Syrie afin de permettre le retour des réfugiés".
Certains ont commencé à rentrer dans leurs foyers, comme à Maaret al-Noomane, dans l'Ouest, où les combats qui ont éclaté dès 2012 ont laissé un paysage de dévastation.
Kifah Jaafer, responsable local de la "Direction des Zones libérées", rappelle que "la ville manque de tout", notant qu'il n'y a "pas d'école, aucun des services de base (...) Il va falloir (...) beaucoup d'aide".
Mardi, les secouristes turcs à la recherche d'éventuels détenus encore enfermés dans les cachots de la prison de Saydnaya ont mis fin à leur opération sans qu'"aucune personne vivante (ne soit) trouvée", a déclaré aux journalistes leur responsable, Okay Memis.
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