Il était une fois, dans un petit village niché au cœur des montagnes enneigées du Liban, un groupe d'enfants espiègles. Ce village paisible et amical était connu pour un phénomène étrange qui se produisait chaque année à Noël: les “comptes de Noël”.
Les adultes du village, bourrus et un peu mystiques, racontaient que les “comptes de Noël” n'étaient pas simplement des histoires, mais des pièces de monnaie enchantées qui apparaissaient dans la nature la veille de Noël. Chaque pièce, d'une brillance particulière, portait en elle une histoire ancienne, un secret à découvrir. On disait que ceux qui parvenaient à trouver ces “comptes” pouvaient réaliser un vœu, mais il fallait d'abord résoudre l'énigme de chaque pièce.
Cette année-là, un jeune garçon nommé Jean, connu pour son bon caractère et sa vivacité d'esprit, décida qu’il allait percer ce mystère. Il rassembla tout ce qu’il savait des contes de Noël racontés par les anciens: des récits de la petite fille aux allumettes, des fantômes du passé, des pères Noël et des traîneaux magiques, et fit des plans pour la nuit. Il était déterminé à trouver ces fameux comptes et avait formulé un vœu très spécial: que sa mère, malade depuis de longs mois, retrouve la santé.
Le soir de Noël, alors que la neige tombait doucement sur le village, Jean attendit que son père s’installe devant la télévision pour suivre un programme de variétés, afin de se glisser hors de la maison avec un sac en toile, prêt à partir à la recherche des pièces magiques. Dans le froid glacial de la nuit, il se rendit dans un bois voisin, là où les anciens disaient que “les comptes” pouvaient se trouver.
Il n’eut pas à chercher longtemps. Sous le plus haut sapin, il aperçut une lueur inconnue. Jean s'approcha et, avec émerveillement, découvrit une petite pièce d'or posée sur la neige, brillante comme une étoile. La pièce portait des inscriptions mystérieuses, avec un “D” fleuri et des libellules, et au moment où Jean la toucha, une voix douce et lointaine chuchota dans le vent: “Seul celui qui donne avant de recevoir pourra comprendre ce que vaut cette pièce.”
Intrigué mais prudent, Jean décida de ne pas garder la pièce pour lui et sa famille. Il se rendit chez Madame Solange, la couturière du village, qui était connue pour être généreuse mais très pauvre. Jean lui donna la pièce, et instantanément, une lumière douce enveloppa la maison.
Madame Solange sourit, émue, et dit: “Cette pièce est le reflet de ton cœur, jeune garçon. Elle n’était pas seulement une chance unique pour toi, mais pour tous ceux que ta générosité touchera. Maintenant, je pourrai remplacer mon vieux fer à repasser, livrer des chemises bien repassées et manger autre chose que du velouté de radis.”
Le geste de Jean fut contagieux. Il y avait chez Madame Solange une femme, Isabelle, connue pour sa bienveillance. Mais il y avait aussi un secret qu'elle portait en elle depuis des années: elle avait emprunté de l'argent à son frère aîné, Michel, pour sauver une boutique de prêt-à-porter. Mais avec les crises, la guerre et les adversités de la vie, elle n'avait jamais pu le rembourser.
Trente ans s’étaient passés depuis cet emprunt. Ayant fait un mariage d’amour et eu deux filles très serviables, Isabelle avait vu sa modeste boutique de lingerie prospérer. Cette année-là, elle songea qu’elle surmonterait sa peur du manque et rendrait visite à son frère aîné pour rembourser la moitié de la somme qu’elle lui devait. À l’arrivée de sa sœur, Michel fut tout surpris de voir l’enveloppe qu’elle glissa, toute heureuse, dans sa poche. “Le reste viendra”, chuchota-t-elle en le serrant dans ses bras. “Mais non”, fit-il, comprenant ce qui se passait et ne sachant s’il devait accepter ou non, “il y a une prescription pour les dettes !” “C’est vrai”, répondit-elle, “mais il n’y en a pas pour l’amour entre un frère et une sœur.”
Le lendemain matin, au lever du soleil, un troisième miracle se produisit. La mère de Jean, qui avait longtemps été alitée pour toutes sortes de rhumatismes, se leva en pleine santé, comme si la maladie n’avait jamais existé, au point qu’elle put préparer la pâtisserie orientale préférée de Jean, du “maakroun” bien tendre et gonflé de sirop de sucre. La nuit tombée, un météore traversa l’horizon, comme un signe que les “comptes de Noël” avaient accompli leur mission.
Avec cet effet contagieux du bien, ces miracles mirent le village en effervescence. Deux frères qui ne se parlaient plus pour une question d’héritage se réconcilièrent. Un comptable victime d’une calomnie retrouva son travail. Les “comptes de Noël” avaient établi la réputation du village, qu'on venait de loin visiter. Jean, qui était devenu un homme sage et prospère, n'oublia plus jamais qu’il est plus heureux de donner que de recevoir. Surtout à Noël. Avec Dieu aussi, il avait fait ses comptes. Il lui avait tout donné et s’était reçu en retour.
Et ainsi, le village vécut, année après année, des Noël enchanteurs, où les “comptes de Noël” étaient plus précieux que n'importe quel trésor: des pièces d’or enchantées qui encourageaient ceux qui les trouvaient à l'amour et au partage.
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